par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
Au fur et à mesure que la reprise de l’économie mondiale se dessine de plus en plus nettement, sa fragilité et son caractère très progressif se confirment, tout comme les écarts attendus en termes de performance entre pays industrialisés et émergents.
Ainsi, le FMI a révisé à la hausse ses prévisions de croissance mondiale pour 2010, à plus de 3% (prévision BNP Paribas 3,1%).
Toutefois, l’Organisation internationale, juge que la reprise devrait être largement imputable au dynamisme retrouvé des zones émergentes, lesquelles devraient contribuer à hauteur de plus des trois-quarts à la progression de l’activité mondiale l’année prochaine. En effet, dans les pays industrialisés, la reprise devrait être très modérée. Pour notre part, nous attendons une hausse du PIB légèrement inférieure à 1% dans la zone euro en 2010, d’un peu plus de 1,5% aux Etats-Unis et d’environ 1,25% au Japon.
L’embellie actuelle tient largement à des éléments qui ne sauraient être considérés comme pérennes : facteurs techniques, comme l’épuisement du processus de déstockage et diverses mesures de soutien budgétaires mises en place dans l’ensemble des pays industrialisés et dans de nombreux pays émergents (au premier rang desquels la Chine). Par ailleurs, aux Etats-Unis, comme dans la zone euro et au Japon, les dépenses des ménages devraient être handicapées par la poursuite de la baisse des effectifs, certes sur un rythme qui tend à se modérer, et par le retour de l’inflation en territoire positif (aux Etats-Unis et en Europe) ou l’arrêt de son repli (au Japon) au cours des prochains mois. L’investissement des entreprises devrait, quant à lui, ne se redresser que lentement, compte tenu de la reprise toute progressive de la demande et du niveau élevé des capacités de production inutilisées.
L’endettement des Etats a fortement augmenté, compte tenu de l’ensemble des mesures prises au plan macroéconomique comme sectoriel pour faire face à la crise. En outre, les effets mécaniques de la récession (baisse des recettes fiscales et hausses des dépenses avec le bond des transferts sociaux) continueront de se faire sentir l’an prochain. Tout cela constitue également une menace pour la soutenabilité de la croissance à moyen terme. Les gouvernements vont devoir s’atteler à la consolidation des finances publiques dès que la reprise sera suffisamment établie. Il va falloir, passé l’urgence imposée par la crise, de nouveau se préoccuper des enjeux liés au vieillissement de la population : retraite, dépenses de santé.
Les données américaines les plus récentes relatives au mois de septembre traduisent une sorte de stabilisation de la reprise.
L’indice PMI du secteur manufacturier (enquête ISM) s’est inscrit en très léger repli (de 52,9 à 52,6) après huit hausses mensuelles consécutives, alors que la confiance des ménages (enquête du Conference Board) enregistrait un recul, également limité (de 54,5 à 53,1). Enfin, les pertes d’emplois ont été encore élevées, avec 263k postes détruits, en hausse par rapport à août où elles s’étaient limitées à 201k, mais en retrait par rapport à n’importe quel autre mois depuis un an. Ainsi, après avoir diminué de près de 2,1 millions au T1, les effectifs dans le secteur non agricole se sont encore repliés de presque 1,3 million au T2, pour ne reculer que de l’ordre de 770k au T3. L’ajustement sur le marché du travail est en train de se modérer, mais il faudra probablement attendre le milieu de l’année prochaine pour voir se stabiliser le taux de chômage, passé de 9,7% en août à 9,8% en septembre.
La semaine sera marquée par la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE. Nous estimions que la demande des banques commerciales à la deuxième opération de refinancement à 12 mois effectuée par la BCE le 30 septembre (à taux fixe, en l’occurrence le refi sec, en quantité illimitée et contre une gamme élargie de collatéraux) se situerait entre EUR 80 et 100 milliards (le consensus de marché tablait sur 130 milliards). La demande a été plus faible encore, à 75 milliards, ne dépassant pas les besoins estimés de liquidités.
Le marché interbancaire semble ainsi recouvrer un peu d’indépendance par rapport à la BCE. Le niveau actuel des taux de marché a rendu moins attractif l’opération pour celles des banques qui bénéficient d’un accès aisé à la liquidité interbancaire. En outre, l’assurance d’une autre opération à 12 mois en décembre a également probablement joué un rôle non négligeable. Compte tenu de l’excédent de liquidités et de son évolution attendue au cours des toutes prochaines semaines, l’Eonia devrait se stabiliser aux alentours de 0,35% à cet horizon.