par Joshua McCallum, économiste chez UBS Asset Management
Nul ne sait quel chemin prendra l’économie mondiale. Mais nous pouvons au moins esquisser quelques issues possibles. Le Cyclical Market Forum d’UBS Global Asset Management, qui se réunit chaque trimestre, se prononce sur la vraisemblance de trois scénarios économiques et discute de leurs implications pour diverses catégories d’actifs.
Cet automne, le Forum a retenu trois scénarios: reprise économique, retour à la récession et «récession de la croissance», une voie moyenne où la croissance économique est si lente qu’elle est ressentie un peu comme une récession. Ce dernier scénario est arrivé en tête en termes de vraisemblance, suivi de la récession pure et simple. Nous présentons ci-après chacun de ces scénarios, en mettant l’accent sur ce à quoi pourrait ressembler une récession de la croissance dans les plus grandes économies mondiales.
Scénario 1 : récession de la croissance
Ce scénario ressemble à une récession car, sur les marchés développés, les économies perdent quasiment toute leur dynamique. Mais comme ces économies étaient toujours dans la phase de reprise du cycle économique en 2011, elles n’avaient pas encore constitué les excédents de stocks, d’investissement et d’emploi qui déclenchent typiquement un atterrissage brutal et une récession pure et simple. Dans ce scénario, les marchés émergents souffrent du ralentissement du commerce mondial et leur croissance économique est inférieure à la moyenne, quoique pas dans la même mesure que sur les marchés développés.
– Etats-Unis
Les ménages continuent de consommer avec parcimonie et les entreprises réduisent les investissements et la constitution de stocks, d’où une croissance du PIB inférieure à la moyenne. Le taux de chômage frôle les 10 %. Les pressions inflationnistes s’atténuent. Les perspectives s’assombrissant pour 2012, la Réserve Fédérale se sent contrainte de procéder à une troisième série d’assouplissements quantitatifs.
– Zone euro
Malgré de nouvelles mesures d’austérité suscitées par la dégradation des perspectives de croissance du PIB, la crise gronde toujours. Elle s’étend, mais des avancées vers une solution globale, notamment l’adhésion à l’intégration budgétaire, viennent calmer les marchés. Même l’Allemagne connaît un ralentissement de sa croissance, car la demande mondiale reste faible. L’inflation se tasse, avec des taux d’intérêt inchangés sur 2011 mais en baisse pour 2012.
– Japon
Après la reprise en V qui a suivi le tremblement de terre de 2011, le ralentissement de la croissance se ressent au Japon en 2012. L’inflation tend vers zéro. Des pressions haussières s’exerçant sur le yen, de nouvelles interventions sont réalisées pour éviter toute progression excessive.
– Royaume-Uni
En raison des difficultés de la zone euro et de la faible consommation intérieure, la croissance reste nettement en dessous de la moyenne. L’inflation commence enfin à régresser, reflétant des effets de base.
– Chine
La politique monétaire passe du resserrement à l’assouplissement car les inquiétudes quant à la croissance mondiale et aux perspectives commerciales l’emportent sur les pressions inflationnistes croissantes, surtout en ce qui concerne les produits alimentaires et le logement. Cela accélère la réorientation vers une croissance économique axée sur le marché intérieur.
– Brésil
L’exposition au ralentissement sur les marchés étrangers, y compris aux Etats-Unis, est compensée en partie par une solide demande intérieure. L’inflation s’atténue.
– Inde
Le ralentissement mondial permet à l’Inde de moins se focaliser sur la lutte contre l’inflation et de laisser l’économie décélérer jusqu’à son taux de croissance naturel.
– Russie
L’économie connaît des difficultés en raison de la baisse des prix de l’énergie. L’inflation diminue.
Scénario 2 : reprise
Dans ce scénario, jugé le moins probable, le récent dérapage des données économiques s’avère n’être rien de plus qu’un «ralentissement de milieu de cycle». De tels ralentissements sont très fréquents dans les périodes d’expansion économique prolongée. Celui-ci, comme souvent, est suivi d’une ré-accélération de la croissance économique.
Ce cours heureux des événements provient de deux facteurs. Premièrement, les instances européennes respectent leurs promesses de se pencher sur la question des dettes souveraines, qui est au cœur de la crise de la zone euro. Deuxièmement, les données économiques se révèlent meilleures que les prévisions revues à la baisse, déclenchant une spirale positive: les cours des actions et d’autres actifs risqués commencent à grimper et la confiance revient, suscitant à son tour une hausse de la consommation et des données économiques en progression.
C’est le scénario de la «croissance forte» – forte seulement par rapport aux deux autres scénarios. En 2012, dans la plupart des pays, la croissance et l’inflation ne sont pas fulgurantes mais progressent régulièrement. La Réserve fédérale peut ainsi maintenir des taux exceptionnellement bas pendant deux ans, comme promis, tandis que la Banque centrale européenne se contente d’un seul nouveau relèvement. La zone euro échappe à la catastrophe mais les pays du sud qui en sont membres souffrent des plans d’austérité. Le Japon évite la déflation. Les pressions inflationnistes s’atténuent en Russie et, dans une certaine mesure, en Chine, mais restent préoccupantes au Brésil et en Inde. Les cours des matières premières sont généralement stables, avec quelques légères hausses.
Scénario 3 : récession
Retenu en septembre comme le deuxième scénario le plus probable, ce ralentissement généralisé est clairement négatif pour les investisseurs. Les économies développées entrent vraiment en récession, plaçant la zone euro en situation de crise existentielle. Les marchés émergents pâtissent de l’effondrement des échanges commerciaux et de l’effritement de la confiance. Les cours des matières premières plongent.
La panique sur le marché obligataire de la zone euro s’étend à la France et à la Belgique. Même l’économie allemande stagne, de sorte que la Banque centrale européenne change son fusil d’épaule et abaisse les taux d’intérêt. La Réserve fédérale se lance dans une troisième série d’assouplissements quantitatifs car les Etats-Unis entrent en récession. Le Japon, le Royaume-Uni et la Russie entrent également en récession; en Chine, au Brésil et en Inde, la croissance reste positive mais chute brutalement. Le système bancaire chinois se fissure, assombrissant les perspectives pour 2013.
Deux facteurs desserrent un peu l’étau. Premièrement, le fait que le système financier ait généré peu d’excédents durant les années d’expansion passées (par opposition à la période de prospérité qui a culminé en 2007) limite l’ampleur de cette récession. Deuxièmement, la baisse généralisée de l’inflation permet des politiques monétaires de relance – bien que la déflation s’aggrave au Japon.