par Vincent Mortier, Directeur des gestions chez Amundi
Les marchés révisent leurs anticipations de taux directeurs sur fond de désinflation et de possible ralentissement économique, malgré des données réelles résilientes. De plus, la désinflation pourrait être ralentie, du moins en Europe, par les tensions en mer Rouge. Aussi, la tâche des banques centrales se complique, leur objectif étant de maintenir des taux restrictifs pendant assez longtemps.
En termes de croissance, nous nous attendons à un ralentissement prolongé aux États-Unis, concentré vers le milieu de l’année. En Europe, nous avons revu à la baisse nos prévisions pour cette année tandis qu’en Chine nous tablons sur une inflation inférieure aux prévisions du consensus. Ces changements n’affectent pas notre vision de l’activité économique
- Affaiblissement des marchés du travail américains. La croissance des salaires ralentit et le dynamisme de l’emploi a surtout concerné les secteurs non cycliques (administration, etc.). Cela pourrait affecter la consommation, qui, pour l’heure, reste forte.
- Pas d’anticipation de récession dans la Zone Europe, mais les risques sont élevés. Les dépenses publiques seront contraintes (Allemagne, France) et leur faiblesse devrait peser sur l’économie, mais la consommation des ménages et la croissance des salaires sont des facteurs positifs. Ce dernier point est également important pour la prise de décision de la BCE.
- Risques liés au ralentissement et à la désinflation en Chine. Un bazooka budgétaire semble peu probable, le gouvernement cherchant à se désendetter. Le soutien public via des mesures limitées n’aura pas d’effet durable, compte tenu des problèmes fondamentaux du secteur de l’immobilier et des pressions baissières sur la consommation.
- Importance croissance des facteurs politiques et géopolitiques. La moitié de la population mondiale se rendra aux urnes cette année. Les relations entre les États-Unis, la Chine, l’UE et les marchés émergents seront affectées par le choix des dirigeants et les politiques intérieures.
Nous concentrons notre attention sur les points suivants :
- Gestion cross asset : les bénéfices des entreprises ralentissent aux États-Unis, quoique sans s’effondrer. Les résultats devraient rester faibles, ce qui nous incite à rester vigilants. Tout en restant défensifs sur les actions des marchés développés, nous devenons légèrement positifs sur le Japon. Nous restons constructifs sur les marchés émergents, mais désormais surtout via l’Asie. Nous sommes également légèrement optimistes sur la duration aux États-Unis et en Europe, du fait de la désinflation en cours, mais pensons qu’il est très important de rester actifs, notamment en Europe. Le crédit IG nous paraît également attractif dans la région. Concernant les devises, nous sommes moins prudents sur l’USD face au JPY, car les marchés ont déjà intégré trop de baisses de taux dans la valorisation du dollar. Le yen reste néanmoins une bonne couverture face aux risques pour la croissance mondiale et le pétrole face aux risques géopolitiques.
- En ce qui concerne les obligations, nous sommes légèrement positifs sur la duration américaine et un peu plus prudents sur l’Europe et le Japon. Nous restons toutefois flexibles compte tenu de l’évolution des anticipations, par les marchés, des baisses des taux des banques centrales. Sur le crédit, nous sommes un peu plus constructifs sur l’IG de qualité de l’UE (titres BBB, valeurs bancaires) et pensons que les investisseurs peuvent s’intéresser aux opportunités sur le marché primaire. Aux États-Unis nous préférons également l’IG au HY, au vu des risques de défauts et des valorisations élevées. Les marchés titrisés aux États-Unis, tels que les MBS d’agences, offrent du potentiel à long terme. Cependant, dans l’ensemble, nous sommes attentifs aux risques de liquidité et à la volatilité des taux.
- Les marchés américains et les titres de croissance semblent généralement surévalués, mais certains segments (notamment la value aux États-Unis) offrent des perspectives attractives de croissance de l’activité et des bénéfices. Le Japon donne également des signes de reprise et de sortie de la déflation, ce qui devrait être positif. En Europe, où les valorisations sont meilleures qu’aux États-Unis, nous restons équilibrés et apprécions les entreprises cycliques de qualité et les valeurs défensives.
- Les marchés émergents, en particulier ceux d’Asie où vit plus de la moitié de la population mondiale, offrent un contexte solide pour les obligations et les actions. Cependant, nous surveillons l’inflation et le fait que cet ensemble n’est pas homogènes : chaque pays d’Amérique latine (Brésil, Mexique et Colombie) et d’Asie (Inde et Indonésie) est unique. Sur le marché obligataire, nous considérons favorablement les titres en devises fortes et locales, mais préférons le HY à l’IG. Nous sommes également vigilants concernant les risques géopolitiques (États-Unis/Chine, Moyen-Orient), d’où une certaine prudence à l’égard des pays du CCG.