Le crypto-art : est-ce une bulle spéculative ou une révolution du marché de l’art ?

par Anissa Najm, Gestionnaire Middle-Office, et Alexandre Hezez, Stratégiste Groupe chez Richelieu Gestion

Le marché de l’art a connu en ce début d’année 2021 un tournant après la vente d’une œuvre d’art numérique pour 69.3 millions de dollars chez Christie’s, le tout réglé en crypto monnaie. L’avancée de la blockchain dans l’art et l’arrivée de grands noms de l’industrie forcent à s’interroger sur ce phénomène qui ne pourrait être qualifié de révolution ou d’évolution que s’il s’inscrit sur la durée, prend en ampleur et se trouve reconnu comme tel par la société.

Jusqu’à présent, les transactions les plus spectaculaires des salles de vente concernaient surtout des maîtres morts comme Léonard de Vinci ou van Gogh ou une poignée d’artistes vivants. Avec « Beeple », alias Mike Winkelmann, graphiste de Caroline du Sud, Christie’s a réalisé la troisième vente d’un artiste vivant inconnu. Quelques artistes «classiques » (c’est-à-dire non numériques) ont battu des records de ventes en 2020. Artnet et ARTnews proposent le classement des œuvres qui ont explosé les scores malgré une année compliquée : $85m pour Francis Bacon et $46m pour Roy Lichtenstein.

Francis Bacon, Triptych Inspired by the Oresteia of Aeschylus

Roy Lichtenstein, Nude With Joyous Painting

C’est depuis quelques mois, la nouvelle lubie d’Internet et des médias : les NFT (Non Fongible Tokens). Ces pièces numériques uniques, certifiées par la blockchain, et qui s’échangent notamment dans le milieu de l’art contemporain. Pour posséder le titre de propriété d’une image, d’une vidéo, d’un morceau de musique voire d’un tweet, ce sont des millions de dollars qui sont en jeu. Outre l’aspect « nouvelle bulle spéculative » liée à la blockchain, les NFT promettent aussi une nouvelle expérience dans de nombreux domaines comme dans les jeux vidéo. Même si les applicatifs sont nombreux nous nous attarderons sur le développement de l’art numérique et les implications des NFT dans ce domaine.

On peut alors de demander si les NFT resteront un effet de mode ou une nouvelle modalité de transaction numérique?

L’art numérique, et plus précisément le crypto-art, peut-il être considéré comme un art à part entière ? Sans en passer par le sujet philosophique de l’art et de la technique, certains y verront l’amour du conceptuel, l’évocation de l’émotion ou une tendance à la confusion du public, tel que ce fut le cas avec le cubisme ou encore l’art abstrait par exemple.

Le mouvement crypto-art comprend trois dimensions essentielles et interdépendantes :

  • Le thème traité (souvent anticonformiste).
  • La technique artistique employée pour créer l’œuvre.
  • La technologie utilisée pour l’émettre et la valoriser (les NFT).

– Pourquoi interdépendantes ?

Une des réponses récentes est donnée par « Beeple » : « De mon point de vue, je pense vraiment que c’est le début de l’art numérique, le prochain chapitre de l’histoire de l’art est cet art numérique. On en produit depuis très longtemps, mais il n’y avait aucun moyen de le collec- tionner, donc aucun moyen de vraiment collectionner mon travail par exemple. Et donc maintenant, il y a un moyen. C’est 13 ans de travail. »

Tout se passe comme si l’art, utilisant des technologies numériques, peut non seulement être produit mais aussi possédé, échangé, grâce au NTF qui garantit une propriété qu’elle soit intellectuelle ou matérielle.

De plus, les artistes créent souvent par leur technique propre et l’incompré- hension d’une mode artistique souvent conformiste.

Les thématiques des œuvres d’art sont donc souvent liées au sujet actuel, un peu à la manière des street-artistes qui dénoncent les injustices.

L’œuvre de « Beeple » est un cas d’école et il compte parmi les créateurs les plus influents dans l’art digital.

L’illustration ci-dessus montre Donald Trump perdant l’élection présidentielle. Il le représente démuni, face contre terre avec le mot « loser » bien en vue, tatoué sur sa peau.

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Kevin Abosh a, lui, créé le concept de IAMA Coin (I AM A Coin), un projet de crypto-art. Ce projet tend à montrer que, dans notre société, chaque individu est considéré comme une valeur marchande. Il a ainsi émis 10 millions de IAMA Coins, chacun d’eux représentant une œuvre d’art virtuelle. Ces jetons sont liés à 100 œuvres réelles, représentant une adresse de portefeuille dessinée avec le sang de l’artiste. Ces jetons peuvent être amassés, fractionnés ou servir à acheter de futurs travaux de l’artiste.

Un Banksy de 100,000 $ a été brûlé en direct pour en faire un NFT pour démontrer qu’une pièce physique peut être transformée en une pièce numérique unique à exister. De nombreux projets créés sont anticonformistes par définition pour marquer non seulement une diffé- rence mais également un changement de regard sur une société conservatrice.

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C’est aussi deux mondes qui se rencontrent : le monde digital et le monde de l’art.

En 2018, l’artiste conceptuel Kevin Abosch (https://www.kevinabosch.com) déclarait “You meet people in the crypto world who throw millions into coins backed by nothing, but don’t understand how a piece of art has any value,”. “Then you meet people in the art world who don’t understand why you would invest money in art that has no physical manifestation. That’s where it gets exciting for me.” (source New York Times).

L’apport des NFT est une réelle revolution pour posséder une œuvre d’art digital.

C’est justement sur le développement des NFT que se base le succès actuel de cet art.

Les NFT utilisent la blockchain, registre sécurisé et infalsifiable partagé en ligne sur un réseau d’ordinateurs. Ce dernier permet de tracer parfaitement toute transaction et d’effectuer des transferts plus rapidement et sans intermédiaire, de manière décentralisée et peut s’appliquer à de nombreux domaines.

Parmi les avantages de la blockchain, on retrouve notamment la réduction des coûts de transactions, la protection contre les attaques en ligne ou la falsification. Un « Non Fungible Token » (jeton non fongible) prouve que l’objet digital est original et celui-ci peut être copié et vendu en tant que tel tout comme on vendrait un poster ou une reproduction d’une grande œuvre. Le token est composé d’une clef privée servant d’acte de propriété ainsi que d’une clef publique pour le créateur qui certifie l’authenticité de l’œuvre.

Cette technologie basée sur la blockchain permet d’acquérir des œuvres virtuelles sur Internet.

« La technologie de la blockchain répond de ce fait assez naturellement aux problématiques du marché de l’art en général. »

Les NFT, nés du monde des jeux vidéo, se sont déclinés sous des formes diverses au-delà du monde de l’art. Pouvant être utilisés à la fois pour identifier des objets matériels ou immatériels, la plateforme NBA Top Shot, associée à la NBA, réalise cette année des ventes à succès auprès des collectionneurs.

Elle propose l’acquisition de « moments », des clips de basket certifiés par NFT de quelques secondes. La vente d’un panier de Lebron James en février 2021 pour 20 800 dollars en est un parfait exemple.

Début mars 2021, Jack Dorsey, patron de Twitter a vendu son tout premier tweet datant de 2006 « Je crée mon compte Twttr » (« just setting up my twttr ») pour un montant de 2.9 millions de dollars. Celui-ci a déclaré : « Ce n’est pas un simple tweet. Les gens réaliseront dans quelques années la vraie valeur de cette publication. Comme la peinture de Mona Lisa ».

La bulle des NFT n’a peut-être pas fini de grossir et certains se demandent si c’est l’obsession pour l’authenticité certifiée qui pousse à acheter une image numérique d’un chat promenant un arc en ciel (dont il existe déjà des milliers de copies identiques) pour 420 000 euros.

Photo Chris Torres / Rob Bulmahn via Flickr

Fin février, le Nyan Cat s’est envolé pour 300 ethers, soit 580 000 dollars au moment de la vente. Chris Torres, qui avait créé ce GIF animé en 2011, l’avait remasterisé pour le mettre aux enchères sur Foundation, une plateforme de crypto- art.

L’analyse de l’écosystème des NFT montre les principales tendances du marché :

Une baisse graduelle du segment des collectionneurs, une augmentation sen- sible du crypto-art qui est en seconde place après le segment historique des metavers (mondes virtuels) et un segment des jeux vidéo qui se maintient.

Les principaux acteurs dans les NFT ne sont pas spécialisés sur l’art car les utilisations sont multiples. Parmi les entreprises qui se sont lancées sur le marché des NFT, on retrouve de grands noms, tels qu’Ubisoft, NBA, PSG, Nike, LVMH, BBC Studios, Columbia Pictures, Warner Music, IBM ou encore Samsung et bien d’autres, venant de secteurs très différents.

Certaines sont déjà très avancées, d’autres curieuses du potentiel que pourrait représenter ce nouveau marché. Les plateformes sont elles aussi de plus en plus nombreuses et plus utilisées. Une analyse des parts de marché par plateforme et projet montre notamment la faible place prise par l’art (avec SuperRare, Makers Place ou Async Art).

La technologie de la blockchain au service des artistes

La technologie de la blockchain répond de ce fait assez naturellement aux problématiques du marché de l’art en général, caractérisé par une certaine opacité, une difficile vérification du caractère authentique de l’objet ou encore le plagiat. Et c’est cette sécurité que l’acteur incontournable, la maison de vente aux enchères Christie’s, a surfé en s’associant avec l’artiste Beeple pour vendre un collage monumental débuté le 1er mai 2007 et terminé treize ans et demi plus tard. Les 5000 images digitales réunies (EVERYDAYS : THE FIRST 5000 DAYS) ont été adjugées 69 346 250 $, réglés en monnaie digitale.

Parts de marché des plateformes dans l’art en 2020 Source : L’Atelier BNP Paribas

Comment NFT et oeuvre d’art se distinguent entre propiété et jouissance?

La vente d’un NFT n’entraîne pas, par défaut, le transfert des droits de propriété intellectuelle afférents. De la même manière, l’acquéreur n’achète pas l’œuvre elle-même mais se porte acquéreur du NFT, c’est-à-dire d’une reproduction de l’œuvre située au sein de la blockchain. Il ne détient donc pas les droits patrimoniaux et par conséquent, n’est pas en droit d’exploiter l’œuvre à des fins commerciales et ne peut empêcher son utilisation à d’autres fins.

Il a en réalité un droit, non-exclusif, de jouir de la reproduction à des fins personnelles comme par exemple l’exposer dans une salle d’exposition virtuelle. Seul l’auteur a la possibilité de décider s’il vend, dans le même temps que le NFT, tout ou partie de l’œuvre et les droits attachés. Si cela est prévu contractuellement, la blockchain permet par exemple, à l’auteur de toucher des royalties à chaque transaction liée à son œuvre (vente, location) sans réaliser de suivi. Néanmoins, la technologie des NFT ne garantit pas l’authenticité de l’œuvre associée au jeton ni que l’auteur de cette œuvre est bien à l’origine de celui-ci.

Récemment, les studios DC Comics ont annoncé qu’ils poursuivraient en justice toute tentative de création de NFT sur des personnages de Batman. Ainsi, avec l’émergence des NFT, le marché de l’art doit apporter des réponses techniques et juridiques car le risque est grand de voir une œuvre unique ou en quantité limitée être reproduite indéfiniment en NFT et sa cote s’effondrer.

Certaines plateformes comme SupeRare tentent de répondre au besoin. Juridiquement, il est par exemple possible de demander la participation d’un huissier au moment de la réalisation du mining du NFT.

Par ailleurs, si cette évolution permet de remettre de la transparence et de mieux rémunérer les artistes par le biais des droits d’auteurs, les acteurs ont aussi des intérêts divergents. Tous ne souhaitent pas voir ce marché prendre de l’ampleur dans un registre décentralisé et public.

Egalement, se pose la question du contrôle des données et de leur exactitude à mesure que le nombre de contributeurs grandit. En réponse à cette problématique, différents types de blockchain existent, certaines publiques, d’autres privées. Chaque typologie conserve des avantages et des inconvénients mais la recherche continue pour créer une confiance au même titre que les crypto-monnaies « classiques ».

Les échanges de NFT sont d’ailleurs intimement liés à ces dernières. Pas moins de 46 monnaies différentes ont été utilisées en 2020 sur le marché des NFT. La monnaie la plus connue utilisant un réseau public est évidemment le bitcoin via sa propre blockchain. Cependant l’ether est la principale monnaie utilisée par le crypto-art. L’œuvre brûlée de Bansky, évoquée en amont a pour sa part été tokenisée sur la blockchaib Ethereum. Il est à noter que si une monnaie virtuelle est nécessaire pour le fonctionnement d’un domaine public, ce n’est pas le cas d’un réseau privé où les NFT peuvent être créés directement.

Le crypto-art est-il un art récent ?

Le crypto-art trouve son origine en 2017 lorsque le collectif Larva Labs lance CryptoPunks, une série de dix mille visages dessinés sur ordinateur et revendus individuellement sous forme de NFT. L’un d’entre eux a été racheté récemment pour 7.5 millions de dollars.

PBOY, Pascal Boyar de son vrai nom, s’est fait connaître dans les rues de Paris pour ses fresques urbaines. L’artiste a été le premier muraliste à accepter des dons en crypto monnaies.

Ainsi, parmi les pionniers de crypto-art, un artiste français PBoy crée ses œuvres sur un support physique mais ces dernières traitent des thèmes propres au crypto-art et sont tokénisées ; le marché des œuvres d’art est dans sa globalité inaccessible au commun des mortels en raison de la valeur exorbitante de certaines œuvres. Et s’il était possible de n’en acheter qu’une partie et de partager la propriété avec d’autres personnes ? C’est ce que propose cet artiste qui tokenise la plupart de ses peintures disséminées dans la ville de Paris.

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En mêlant une démarche créatrice héritière de la culture urbaine et une sensibilité classique, son approche matérielle de la peinture associe des techniques de peinture traditionnelles aux nouvelles technologies. C’est là, entre autres, qu’interviennent le Bitcoin et la tokenisation.

Ce que les auteurs de NFT les plus cotés « fabriquent », c’est la promesse d’un actif inscrit dans la durée, leur propre notoriété.

Cela permet aux passants de soutenir l’artiste directement sans passer par un intermédiaire quelconque. Il suffit d’un smartphone équipé d’un wallet Bitcoin pour envoyer des dons instantanés :

Celui-ci a proposé le partage de propriété d’une œuvre (The Underground Sistine Chapel) réalisée à Ivry sur Seine, sous forme d’une fresque de 100 mètres de long et présentant 400 personnages. La fresque est ainsi découpée et les parties sont proposées à la vente pour un prix initial de 0,5ETH. Une autre de ces œuvres, Delacroix vs BCE, a été cédée en deux parties et sous forme de GIF.

Le crypto-art n’est donc plus seulement une œuvre originellement digitale mais digitalisée.

Une nouvelle relation s’installe entre artistes et NFT

Les artistes NFT poussent encore plus loin leur art en ouvrant une galerie pour l’art numérique sur blockchain à New-York dont la 1ère exposition verra la participation de centaines d’artistes. La toute première galerie d’art, Superchief, sera consacrée uniquement à l’art NFT. La galerie exposera des arts NFT grâce à une collaboration avec le fabricant d’écrans d’affichage d’art numérique haute résolution, Blackdove. Les NFT proposent de répondre à la question « Pourquoi payer des millions pour un objet virtuel que tout le monde peut dupliquer ? ». L’idée des plateformes de vente de NFT est d’organiser un marché de l’authenticité supérieur au marché de l’art physique, et un marché numérique plus rentable que les crypto monnaies et bitcoins ; ceci grâce à leur propre technologie, la blockchain, qui crypte les transactions via une chaîne d’ordinateurs décentralisée.

De nouveaux artistes mais surtout de nouveaux acheteurs

Dans ce mouvement du bitcoin art ou cryptoart, il y a ceux dont l’art est le métier et qui utilisent la technologie des cryptos comme une source d’inspiration dans la création, il y a les « wannabe artists » tel que le souligne Bitcoin.com, ces artistes qui publient des créations en échange de tokens et il y a ceux qui y voient un nouveau marché spéculatif, un inves- tissement sur l’investissement. Non seulement il est possible de spéculer sur la cote de l’artiste mais également sur la monnaie numérique.

« Les NFT ont déjà multiplié la valeur de l’art numérique par 10 entre 2018 et 2020 et ils l’ont démocratisé », nous dit France Culture. En effet, les vrais collectionneurs sont encore peu nombreux et les acteurs sont principalement des investisseurs qui se retrouvent confrontés à des problé- matiques telles que l’impact écologique d’une part, causé par la puissance de calcul nécessaire à la blockchain et le risque de bulle d’autre part. Ce qui est certain, entre les taux à zéro et l’afflux sans précédent de liquidités, c’est que les investisseurs affluent sur le marché de l’art et rajeunissent avec sa digitalisation à marche forcée au point de payer le prix fort pour un artiste numérique inconnu ou pseudonymisé !

L’art numérique existait avant Beeple mais la nouveauté réside dans l’amplification spéculative alimentée par les réseaux sociaux et l’économie virtuelle. En effet, 91 % des enchérisseurs chez Christie’s étaient inconnus de la salle de vente. Ce qui montre aussi que le marché n’est pas professionnalisé. Les investisseurs s’orientent massivement vers d’autres placements possiblement plus rému- nérateurs. L’art est l’un de ces supports : facile à acheter, à revendre, à stocker, des frais infimes. Le marché de l’art adossé à la blockchain est composé de jeunes : 58 % des enchérisseurs Beeple étaient des milléniaux. Peu régulé, peu rationnel, le marché de l’art (le marché de l’art pèse 67 milliards de dollars) est aussi volatil et spéculatif. Le nombre d’individus au patrimoine supérieur à 10 millions a connu une hausse phénoménale, pas seulement en Asie.

Que recherchent les acheteurs d’art tokenisé ? De l’unicité et de l’authenticité. Finalement, c’est déjà ce que recherche le marché de l’art traditionnel et ce que fournit le marché des NFT, porté à la puissance des enchères numériques.

L’originalité pour le crypto acheteur de NFT payés en monnaies numériques, c’est qu’il s’agit surtout pour l’instant d’un investissement sur l’investissement, en spéculant non seulement sur la flambée de la cote de l’artiste du moment, mais aussi sur la hausse de la crypto monnaie dans laquelle elle a été échangée ! C’est aussi une manière de recycler une partie de la richesse accumulée par les nouveaux milliardaires des crypto-monnaies vers d’autres « agents économiques » que sont les artistes (les acquéreurs de « Everydays: the First 5 000 days » Vignesh Sundaresan et Anand Venkateswaran ont fait fortune dans des crypto-monnaies).

Un fichier numérique peut-il être considéré comme de l’art ? Beaucoup diront qu’on aurait presque du mal à y croire tant cela peut paraître déroutant, voire même dans une certaine mesure, friser le ridicule. Et pourtant entre un urinoir de Marcel Duchamp et un coucher de soleil de Turner, la question s’est déjà posée maintes et maintes fois. Avec à chaque fois, une opposition entre ses détracteurs et ses novateurs.

L’art est destiné à toucher l’âme, les sens et les émotions. C’est évidemment un autre débat dans lequel chacun forgera sa conviction.

Est-ce une bulle spéculative ou une révolution du marché de l’art ?

Outre le fait que ce secteur ne soit pas arrivé à maturité, celui-ci est encore peu régulé et de nombreux critères devront à l’avenir être considérés. La France a déjà adopté des exigences en avril 2019 via la loi PACTE, dans le respect des règles en vigueur en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il faut s’attendre à ce que le cadre évolue mais pour l’heure, l’AMF semble ne pas considérer les NFT comme des crypto actifs mais plutôt comme des marchandises.

Les NFT ont déjà multiplié la valeur du marché de l’art numérique par 10 entre 2018 et 2020 et ils l’ont démocratisé.

Au-delà de la spéculation, les NFT sont partis pour durer dans le monde de l’art. Ils sont une nouvelle forme d’expression artistique, tout en proposant de nouvelles possibilités de monétisation des talents. Le crypto-art est un mouvement artistique qui est né dans la confidentialité entre 2017 et 2018 et qui est en train de révolutionner le marché de l’art. Penser comme si cela n’était qu’une bulle éphémère serait certainement une erreur.

Les plateformes NFT pourraient d’une certaine manière se positionner comme le Salon des refusés, à l’heure où le numérique fait partie intégrante de nos vies et de nouvelles institutions se créent irrépressiblement.

Le Déjeuner sur l’herbe Huile sur toile d’Edouard Manet, 1862-1863, Paris

Rejetée par le jury du Salon de 1863, cette œuvre est exposée par Manet sous le titre Le bain au «Salon des Refusés » accordé cette année là par Napoléon III. Elle en constitua la principale attraction, objet de moqueries et source de scandale.