par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
La Grèce marche sur un fil. L’annonce par le gouvernement de M. Papandréou d’un nouveau train d’économies budgétaires – portant sur 2,8 points de PIB et prévoyant notamment la suppression de 150.000 nouveaux postes de fonctionnaires – a suscité une très vive réaction dans le pays.
A Athènes, la place Syntagma, qui fait face au Parlement, a été le théâtre d’affrontements. Face au mécontentement populaire, M. Papandréou a appelé à former un gouvernement d’union nationale avec le parti de centre droit, qui a pourtant régulièrement manifesté son opposition aux mesures d’austérité décidées jusqu’alors.
Le remaniement, annoncé en milieu de semaine et qui sera suivi mardi 21 juin d’un vote de confiance au Parlement, a eu lieu vendredi matin. Comme attendu, il a ratifié le départ du ministère des Finances de M. Papaconstitanou, largement critiqué pour avoir mis en œuvre les premières mesures d’austérité. Il devient ministre de l’Environnement et est remplacé par M. Venizelos, ancien ministre de la Défense.
Mise à mal, la stabilité politique est pourtant une condition essentielle de l’aide internationale. L’octroi de la cinquième tranche du prêt conjoint de l’Union européenne et du FMI (12milliards d’euros) dépend de la poursuite des mesures d’ajustement, donc de la capacité du gouvernement à les mettre en place. Il faudra que le Pasok, le parti du Premier ministre, règle ses dissensions internes et face front uni à l’Assemblée, où il ne dispose que d’une courte majorité (155 sièges sur 300). En outre, l’Etat grec va avoir besoin rapidement de liquidités, un remboursement d’emprunt de EUR 3 milliards arrivant à échéance en juillet.
Dans l’hypothèse, malgré tout la plus probable, où l’Assemblée grecque vote le plan de rigueur budgétaire, la question de la soutenabilité de la dette (EUR330 milliards) reste entière. Dès 2012, le pays est censé se financer à hauteur de EUR 40 milliards sur les marchés, ce qui est hors de portée. L’aide internationale supplémentaire à la Grèce est donc inévitable et acquise dans son principe par l’Ecofin (cf. Les Echos du 16/06). Ce qui ne l’est pas, en revanche, est le montant des engagements publics supplémentaires, qui va lui-même dépendre du degré d’implication du secteur privé.
L’Allemagne et les Pays-Bas se sont faits les porte-étendards des pays membres qui souhaitent impliquer les créanciers privés dans le sauvetage grec. Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, continue de plaider en faveur d’une participation « substantielle, quantifiable et volontaire » du secteur privé. Les créanciers privés seraient alors appelés à renouveler leur position à échéance des titres qu’ils détiennent.
La France et le Banque centrale européenne, plus prudentes, rappellent qu’un éventuel recours au secteur privé ne doit en aucun cas ressembler à un accident de crédit (défaut ou rééchelonnement de la dette grecque), cela pour au moins quatre raisons.
- Un accident de crédit affaiblirait davantage encore le système bancaire grec, qui détient environ EUR 45 milliards de titres d’Etat. Les banques seraient conduites à enregistrer d’importantes pertes en capital.
- La BCE elle-même serait affectée, car la plupart des titres grecs déposés dans ses livres l’ont été au titre des opérations de refinancement. En outre, elle ne pourrait plus accepter des obligations classées en défaut, comme collatéral pour ses opérations de refinancement.
- Le risque serait, par ailleurs, celui d’une contagion à l’Irlande et au Portugal, qui bénéficient eux aussi d’un programme d’aide UE- FMI. Les taux longs portugais ont dépassé 10% début juin, tandis que les irlandais étaient supérieurs à 11,5% à la mi-juin.
- Enfin, le débat sur une sortie éventuelle de la Grèce de la zone euro pourrait être relancé.
Dans ces conditions, la Commission européenne travaille d’arrache-pied pour faire la synthèse des points de vue sur un modèle de volontariat, inspiré de l’Initiative de Vienne (cf. Vue d’Ensemble 11-21), en vue des prochaines réunions (Eurogroupe le 19 juin, ministres des Finances le lendemain et sommet des Vingt-Sept, les 23 et 24 juin). Par ailleurs, le FMI a récemment assoupli sa position en signalant qu’il accorderait la prochaine tranche de financement sur la seule base d’une promesse européenne d’aide supplémentaire à la Grèce.
Au minimum, cela fera gagner un temps précieux au pays, en attendant un accord entre les membres de la Troïka. Il est au prix d’une poursuite du soutien de la Grèce, conditionné à une surveillance étroite de la mise en œuvre des réformes et du programme d’austérité.