par Ombretta Signori, Directrice de la Recherche Macroéconomique et Stratégie chez OFI Invest AM
Le troisième trimestre devrait encore une fois afficher une croissance supérieure à 3 % aux États-Unis. Une partie de cette croissance proviendra du commerce extérieur, grâce à la baisse des importations. Néanmoins, la demande interne devrait être encore dynamique au troisième trimestre, comme le suggèrent les indicateurs avancés, tels que les commandes de biens durables pour l’investissement des entreprises ou encore les ventes au détail pour la consommation privée.
Or, nous pensons toujours qu’un ralentissement est probable dans les prochains mois, car la consommation devrait être pénalisée par les droits de douane et une politique migratoire plus stricte. De plus, la perception qu’il est de plus en plus difficile de trouver un emploi ne cesse d’augmenter, notamment dans un contexte d’offre moins abondante, ce qui corrobore l’anticipation d’une consommation qui ralentirait. Cela est particulièrement vrai pour les ménages les moins aisés, dont la dynamique salariale progresse moins rapidement que pour les autres et qui sont davantage touchés par les effets combinés de la loi de finances adoptée cet été (OBBBA(1)) et des tarifs douaniers, comme le montrent les études du CBO (Congressional Budget Office) ou de Yale. Toutefois, les deux premiers quintiles de revenus ne représentent qu’environ 20 % de la consommation totale (voir le graphique). Tant que l’inflation due aux droits de douane restera temporaire et relativement contenue, et en partie compensée par la désinflation dans le secteur du logement, le revenu réel disponible et donc la consommation devraient globalement se maintenir.
L’incertitude commerciale devrait se dissiper
Les fondamentaux de la plupart des entreprises demeurent solides et le recul du contexte d’incertitude commerciale pourrait restaurer la visibilité nécessaire aux entreprises pour relancer les embauches et les investissements. Cette dynamique serait également soutenue par les mesures contenues dans la loi de finances adoptée cet été (OBBBA), qui entreront en vigueur l’an prochain : plus de 900 milliards de dollars sont alloués aux entreprises, dont la moitié destinée au secteur manufacturier. L’assouplissement de la politique monétaire et la déréglementation à venir devraient faire le reste pour stimuler la croissance au cours des prochains trimestres.
Bien qu’il n’y ait pas de signaux d’alerte rouge provenant des données à haute fréquence du marché de l’emploi américain (en particulier les nouvelles inscriptions au chômage), celui-ci est incontestablement plus fragile et mérite au moins d’élargir l’intervalle de confiance des prévisions.
La lecture est également compliquée par les statistiques non publiées en raison de la fermeture temporaire du gouvernement fédéral(2). Cela devrait inciter la Fed à baisser les taux directeurs, encore deux fois d’ici la fin de l’année, selon nous.
Mais pas l’incertitude en France
En France, la démission du Premier ministre Sébastien Lecornu, qui avait promis de faire baisser le déficit sous les 5% du PIB en 2026, réduit les chances d’adoption d’un budget d’ici la fin de l’année. À court terme, il est difficile de penser que l’attention des marchés se détournera de la France. En termes de notation souveraine, Standard &Poor’s devrait rejoindre Fitch (A+) au plus tard début 2026, et Moody’s (Aa3) devrait au minimum abaisser les perspectives de stables à négatives, mais l’écart de taux avec l’Allemagne reflète déjà une notation simple A. La situation politique continue de peser sur le moral des agents économiques français et de creuser l’écart avec les enquêtes conjoncturelles en Allemagne, qui sont tirées par les attentes placées dans le plan de relance à venir.
Toutefois, cette année l’économie européenne s’est montrée plus résiliente que ne le laissaient entendre les enquêtes, soutenue au niveau sectoriel par quelques branches et, au niveau pays notamment par les deux économies ibériques. Sans changement majeur, nous pensons que la croissance devrait se poursuivre dans cette tendance pour le reste de l’année, puis une moindre incertitude commerciale et les plans de relance devraient soutenir l’économie en 2026. La désinflation est accomplie et, avec des taux à la neutralité (2 %), la BCE a intérêt, selon nous, à les maintenir inchangés et à garder une marge de manœuvre en cas de besoin.
NOTES
(1) « One Big Beautiful Bill Act » – Loi budgétaire adoptée aux États-Unis en juillet 2025.
(2) D’un point de vue économique, la durée de la fermeture sera à surveiller, mais les épisodes passés n’ont jamais laissé de trace durable sur la croissance, puisque l’impact est récupéré totalement par la suite. À titre d’exemple, le PIB de 2019 a été estimé par le CBO de seulement 0,02 % inférieur à ce qu’il aurait été sans la fermeture (qui a duré 35 jours au total).