L’ère Trump 2.0

par Laura Corrieras, Equity Portfolio Manager chez Indosuez Wealth Management

L’année 2025 commence sur les chapeaux de roues pour les marchés actions. L’indice MSCI World affiche déjà +2,2 % depuis le début d’année, l’Europe en tête. Toutefois, l’arrivée du nouveau président Donald Trump à la Maison Blanche et l’intensification de la saison des résultats trimestriels pourraient être source de volatilité à court terme, même si les dernières données macro et micro-économiques américaines sont jusque-là encourageantes.

EUROPE
L’élection de Donald Trump ravive les questions sur le leadership politique en Europe. Le retour de l’« America First3 » avec la possible mise en place de nouveaux tarifs douaniers, ainsi qu’une politique étrangère américaine plus isolationniste pourraient mettre à mal la cohésion de l’Union européenne.

Toutefois, les élections législatives anticipées en Allemagne prévues le 23 février pourraient constituer un tournant politique majeur pour la zone. Contrairement à la situation française, la première puissance de la zone euro présente des finances publiques saines et un nouveau gouvernement pro-croissance pourrait abroger le frein constitutionnel à l’endettement. Cela redonnerait davantage de marge de manoeuvre fiscale, qui permettrait d’acter de nouvelles mesures de soutien pour sortir l’économie du marasme.

À court terme, la faiblesse de l’euro est favorable pour la compétitivité des entreprises européennes exportatrices. Enfin, l’attente concernant davantage de mesures de relance en Chine serait un facteur de soutien supplémentaire. Mais à ce stade, le sentiment des investisseurs reste prudent.

ÉTATS-UNIS
Donald Trump est devenu le 20 janvier le 47ème président des États-Unis. Cette nouvelle a été bien perçue par les investisseurs. D’un point de vue macroéconomique, la nouvelle administration laisse envisager un environnement de croissance favorable. Le futur président, considéré comme « pro-business » veut assouplir la réglementation dans tous les secteurs d’activité, ce qui pourrait avoir un effet positif sur le climat des affaires et, à terme, sur les décisions d’investissement (redémarrage des fusions et acquisitions par exemple).

Une des promesses de campagne est de baisser l’imposition sur les sociétés, ce qui serait très bénéfique pour les petites et moyennes entreprises compte tenu de leur biais domestique.

Si la proposition de Donald Trump de réduire le taux d’imposition des sociétés de 21 % à 15 % était adoptée, cela augmenterait en moyenne les bénéfices par actions (BPA) des entreprises du Russell 2000 d’environ 7 %. Il faudra toutefois être vigilant quant aux risques inflationnistes liés aux mesures de réindustrialisation ou d’application de nouveaux tarifs douaniers. Si tel était le cas, la capacité de la Fed à poursuivre sa normalisation monétaire serait restreinte et des taux plus hauts pour plus longtemps (higher for longer) pourraient impacter les marchés actions. D’un point de vue micro-économique, les estimations de croissance des bénéfices pour l’année 2025 sont proches des +15 % aux États-Unis pour le MSCI US et d’environ +25 % pour l’indice technologique Nasdaq, soit plus du double de l’Europe.

ASIE
L’arrivée de Donald Trump renforce les incertitudes sur la zone asiatique, particulièrement sur la Chine, grande rivale commerciale des États-Unis. Cependant, l’ampleur des futures mesures coercitives à l’égard de la Chine pourraient s’avérer différentes des déclarations électorales. Bien que Donald Trump ait promis des droits de douane élevés sur les produits chinois (allant jusqu’à 60 %), la réalité pourrait être plus nuancée, avec des négociations transactionnelles en échange de concessions. Cela dit, les actions asiatiques resteront probablement volatiles tant que les intentions réelles de la nouvelle administration ne seront pas claires.

En parallèle, la Chine devrait continuer de se concentrer sur son économie intérieure (stabilisation immobilière, relance de la consommation intérieure) et l’expansion des exportations vers d’autres pays asiatiques.

L’Inde présente également certains attraits, avec une économie plus axée sur l’émergence d’une classe moyenne, elle serait potentiellement plus à l’abri des tensions commerciales mondiales.

Malgré l’incertitude, les fondamentaux des marchés émergents asiatiques restent attrayants, notamment au regard du différentiel de croissance avec les économies développées.

STYLES D’INVESTISSEMENT

L’élection de Donald Trump a déjà alimenté le rebond du marché vers les secteurs dits « Value/Cyclique » (financières, industriels, énergie) qui devraient bénéficier des mesures de déréglementation et de relocalisation. Le segment des petites et moyennes entreprises a aussi été largement plébiscité par les investisseurs. Très décotées en termes de valorisations par rapport aux grandes capitalisations, elles sont plus sensibles aux baisses de taxes et leurs revenus plus domestiques devraient être plus immunisés face aux potentielles hausses des droits de douanes. Parallèlement, les valeurs de Croissance et notamment les grandes capitalisations technologiques (les « 7 Fantastiques ») continuent de soutenir la croissance des bénéfices du marché. Leur exposition aux tendances séculaires (comme l’IA, les data centers, le cloud,…) justifie de conserver une exposition substantielle. Enfin, grande oubliées du rallye, les valeurs de qualité particulièrement en Europe (Santé, Luxe, Consommation de base), ont souffert de leur aspect proxy obligataire plus défensif et de problématiques intrinsèques, mais pourraient retrouver de l’attrait en cas de baisse des taux.