par Richard Pease, Gérant Actions Europe chez Henderson Global Investors
Comme l’évoque Benjamin Graham, célèbre économiste, à brève échéance, le prix des actions est influencé par le sentiment de marché alors que sur le long terme ce sont les valorisations des actions qui comptent.
Cet adage devrait être de bon augure pour les actions européennes. Selon les indices régionaux du MSCI, à fin février 2011, le marché des actions européennes hors Royaume-Uni était sous-évalué, aussi bien en relatif qu’en absolu, avec un PER anticipé à 12 mois de 11.2.
Ce chiffre est bien en dessous de celui du Japon fixé à 13.9 ou des Etats-Unis à 13.3. On a pu observer, début 2011, un retour sur les valeurs européennes, reflétant le fait que les marchés européens, affectés par les inquiétudes liées à la dette souveraine, ont affiché des performances plus faibles que celles des autres marchés l’an passé. Au cours des deux premiers mois de cette année, le FTSE World Europe ex UK Total Return Index en Euro a progressé de 5%, réalisant une performance supérieure à celle du S&P500 Total Return Index aux Etats-Unis (+ 2.8%), du FTSE All-Share Total Return Index (+2.8%) et du FTSE Japan Total Return Index (+1.7%) sur la même période.
De la même façon, le MSCI Emerging Markets Index a chuté de 6.4% ; les investisseurs ont changé leur allocation depuis le début de l’année allant des marchés émergents vers les marchés développés. Les inquiétudes liées à l’inflation sont à l’origine de ce transfert. Les principaux marchés émergents cherchent à resserrer leurs politiques monétaires, ce qui est synonyme de ralentissement économique et de baisse de profits pour les entreprises. Les événements politiques survenus récemment en Afrique du Nord et au Moyen Orient sont également en cause. Personne n’aurait pu prédire qu’un vendeur de fruit Tunisien déclencherait une telle révolution dans la région en s’immolant par le feu. Les effets ont été profonds à bien des niveaux, provoquant une hausse de l’aversion au risque et un bond du prix du baril.
Fait significatif, les marchés des pays périphériques de la zone euro ont affiché de bonnes performances. La Grèce, représentée par l’indice Athex Composite Price Index, a progressé de 11.5% (en Euro) au cours des deux premiers mois de l’année. Le secteur financier a également réalisé de bons résultats, les investisseurs se tournant vers les secteurs du marché ayant sous-performé, même si le tremblement de terre survenu récemment au Japon semble avoir réduit l’appétit des investisseurs pour les réassureurs européens, les analystes essayant d’évaluer le coût de la catastrophe.
C’est peut-être le bon moment pour investir, mais il faut être conscient des risques encourus. Les problèmes liés à la dette souveraine dans les pays périphériques de la zone euro sont toujours présents. La dégradation début mars par l’agence de notation Moody de la note de l’Espagne, de Aa1 à Aa2 avec une perspective négative, confirme que les problèmes persistent et qu’il sera nécessaire de mettre en place une politique ferme et coordonnée afin d’établir une stabilité au sein de la zone euro.
En revanche, les difficultés rencontrées par les pays périphériques freinent la hausse de l’Euro et sont une bénédiction pour les exportations. L’Allemagne, en particulier, fonctionne à plein régime grâce à la demande internationale pour ses produits manufacturés et à la hausse de la confiance des ménages. Il compare les variations en pourcentage des nouvelles commandes d’usines et de machines auprès des sociétés allemandes au cours des trois derniers mois par rapport à la même période l’année dernière. Après la forte reprise des commandes survenue début 2010, les commandes ont de nouveau connu une nouvelle hausse au cours des derniers mois, preuve que le marché est relativement dynamique. Il n’est donc pas surprenant que l’indice IFO, baromètre du climat des affaires en Allemagne, ait atteint un nouveau record en février.
A l’instar de l’Allemagne, plusieurs pays du centre et du nord de l’Europe réalisent également une bonne progression. En France, la production manufacturière est en augmentation, les prix du logement sont à la hausse et le taux de chômage à la baisse. L’économie suédoise a progressé de 1.2% au cours du dernier trimestre de 2010. Ce rythme soutenu survient dans le sillage de la hausse de 2.1% comptabilisée au deuxième et troisième trimestre 2010 (calculée par rapport au trimestre précédent) et permet en partie d’expliquer pourquoi la Riksbank suédoise a augmenté ses taux en février – pour la cinquième fois d’affilée depuis l’été – essayant de contenir la croissance de l’économie et l’inflation.
Les écarts entre les différents pays européens créent de nombreuses opportunités d’investissement et sont l’occasion pour les multinationales de générer des bénéfices malgré des marchés domestiques en difficulté.
Par notre approche bottom-up, nous sommes convaincus qu’un bon modèle d’entreprise peut s’exporter. C’est pourquoi, les fonds Henderson Horizon European Growth et Henderson European Special Situations investissent principalement dans des sociétés ayant une bonne stratégie d’entreprise, une équipe dirigeante solide et une valorisation attractive. Un bon exemple est la société suisse Sika, spécialisée dans la fabrication de mastics et d’enduits étanches. Ces produits permettent de réduire les coûts des projets de construction. La société a été fondée par la famille Burkard- Schenker qui en est l’actionnaire majoritaire ; cette dernière a donc tout intérêt à voir la société réaliser de bons résultats sur le long terme et concilier les intérêts des actionnaires à ceux de la direction.
La société Suisse Givaudan, créateur de parfums et d’arômes, génère des flux de trésorerie importants. Ses produits ne représentent qu’une petite partie du coût des produits finis de ses clients mais sont un élément clé de différentiation avec leurs concurrents. Il en résulte une forte récurrence des résultats mais aussi un pouvoir de fixation des prix considérable. La hausse des dépenses en produits de beauté sur les marchés émergents ouvre également la voie à de nouvelles sources de profits.
Les actions semblent être une excellente alternative aux vues des autres classes d’actifs. Le monétaire apparait comme sans risque mais ne délivre pas de réel rendement une fois l’inflation prise en compte. De la même façon, le rendement des obligations d’Etats apparait relativement faible comparé au rendement des dividendes des actions. Il faut faire preuve de patriotisme exacerbé pour accepter un rendement de 2% avec des obligations à taux fixes offrant un potentiel de croissance du capital minime voire inexistant.
Les investisseurs doivent être conscients que le marché des actions sera instable encore dans les années à venir, que ce soit suite aux inquiétudes liées à la dette souveraine, à l’inflation, à la croissance ou encore à d’autres événements imprévisibles. Si l’on choisit d’investir dans une entreprise solide avec un multiple des bénéfices faible (soit de 10-15 fois) et avec un bilan respectable et une bonne équipe dirigeante, les risques de perte de capital à court terme restent relativement faibles. Sur le moyen et long terme, de telles sociétés devraient réaliser de bons résultats et les actionnaires seront rémunérés pour leur patience avec un dividende intéressant.