par Ad van Tiggelen, Stratégiste Senior chez ING IM
Nous traversons une période particulière. Les bénéfices des entreprises n’ont jamais été aussi élevés. Pourtant, les rendements des obligations d’État n’ont jamais été aussi faibles. Dans le passé, toute personne ayant prédit une telle situation sans précédent aurait été emmenée dans une camisole de force.
En effet, le premier élément suggère un contexte économique favorable, tandis que le second est la résultante d’une déflation et/ou d’une récession. Les événements malheureux qui ont précédé ce résultat singulier ont incité les investisseurs à vendre leurs actions, ce qui les rend particulièrement bon marché. Les marchés ont-ils réagi de manière excessive ? Les actions sont-elles une bonne affaire ?
Actuellement, les marchés d’actions incorporent une probabilité de retour en récession du monde occidental d’environ 50% et une croissance bénéficiaire nulle pour 2012. Avec des obligations d’État allemandes et américaines offrant une rémunération inférieure à 2%, les investisseurs en obligations semblent encore plus persuadés qu’une récession va s’installer. À l’opposé, les analystes suivant les actions mettent toujours autant de temps pour capter le message que les marchés leur donnent. Ils ont réduit leurs prévisions, mais s’attendent toujours à ce qu’à l’échelle mondiale, les bénéfices des entreprises augmentent de plus de 10% en 2012. En d’autres termes, ils continuent à tabler sur une solide croissance économique. S’ils ont raison, les actions sont véritablement une bonne affaire. Nous pensons toutefois qu’ils ont tort.
Le positivisme éternel des analystes suivant les actions pourrait certes s’avérer justifié, mais cela nécessiterait que les querelles politiques prennent fin immédiatement des deux côtés de l’Atlantique. Pour l’instant, il semble très improbable que les investisseurs obtiennent les éclaircissements qu’ils désirent tant en ce qui concerne la politique budgétaire future, certainement dans la zone euro. Les solutions temporaires semblent rester la norme et, paradoxalement, le niveau très faible des rendements obligataires des pays du cœur de la zone euro contribue à atténuer le sens d’urgence nécessaire. Entre-temps, cette politique de solutions temporaires commence peu à peu à paralyser le système bancaire, ce qui pèse à son tour sur l’ensemble de la croissance économique.
Selon nous, il y a un risque croissant que l’économie occidentale soit confrontée à une croissance minime, voire négative en 2012 et que les bénéfices des entreprises reflètent cette évolution. Dans un tel cas, les actions ne sont pas aussi bon marché qu’elles ne le semblent. La valorisation des actions reste ainsi 20% plus élevée que le creux atteint lors de la précédente phase baissière, quoiqu’il faille souligner que les bilans des sociétés sont actuellement plus solides qu’au début de la récession de 2008/2009. Dit plus simplement, les actions peuvent encore baisser de près de 20% si nous retombons en récession . . . et offrent un potentiel de hausse d’environ 20% si nous pouvons l’éviter.
Au sein du marché des actions, les différents secteurs offrent un large éventail de ratios risque/rendement. Les institutions financières, qui restent le secteur le plus important, sont devenues très tributaires des décisions politiques. Elles semblent très bon marché sur la base des critères fondamentaux traditionnels, mais continueront à voir leur cours fluctuer largement dans le sillage des décisions politiques des États plutôt que des décisions de gestion. Les entreprises cycliques ont été touchées par les récentes ventes massives, mais n’anticipent pas encore totalement une récession. Dans ce segment, nous préférons les producteurs de matières premières car ils sont davantage exposés à la croissance des marchés émergents qu’à la croissance occidentale. Au niveau des valeurs défensives, que nous privilégions toujours, nous considérons que les producteurs du secteur de l’alimentation et des boissons et les sociétés pharmaceutiques à l’exposition internationale sont mieux positionnés que les services aux collectivités et les télécoms à l’exposition domestique.
Globalement, nous restons plutôt prudents vis-à-vis des actions, bien que nous reconnaissions que leurs valorisations deviennent plus attrayantes. Aussi longtemps que les États-Unis et la zone euro repoussent l’adoption de mesures budgétaires décisives, ils continueront à paralyser le système bancaire et l’économie. Les marchés d’actions donnent clairement un signal. Nous espérons que les autorités agiront en conséquence.