Les défis du nouveau président français

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis AM

La situation macroéconomique en zone euro est fragile puisque les niveaux de l'activité et de l'emploi sont toujours inférieurs à ceux constatés avant le début de la crise. C’est dans ce contexte délicat qu’est intervenue l’élection du nouveau président français dont le mandat s’annonce d’ores et déjà riche de défis, des enjeux de la consolidation européenne à la soutenabilité du modèle social français en passant par la question de la croissance.

L’économie est en panne et les derniers signaux sur l’activité semblent refléter (et pourraient engendrer) une contraction supplémentaire de l'activité sur fond d’instabilité liées aux élections générales grecques.

La zone euro souffre donc de la lenteur et du retard de sa dynamique dans un environnement radicalement nouveau. Les pays émergents qui étaient, avant la crise, dans l'ombre (certes de plus en plus claire) des pays développés sont désormais les fers de lance de la croissance mondiale. Ce changement radical des conditions de concurrence provoque nécessairement une interrogation sur le modèle social européen. Celui-ci pourrait en effet apparaître menacé par le différentiel spectaculaire du coût du travail entre zones développées et émergentes.

Premier défi : la consolidation des institutions européennes

Depuis les élections générales en Grèce, les interrogations liées à la viabilité de ce pays au sein de la zone euro ont ressurgi. François Hollande et Angela Merkel ont réaffirmé, lors de leur première rencontre après l’élection du chef d’État français, leur souci de maintenir les 17 membres au sein de la zone euro. Mais ils n’ont pas convaincu définitivement. 

Les interrogations demeurent et les banques grecques commencent à voir leurs dépôts se réduire rapidement. Une grande fragilité est aussi perçue en Italie et en Espagne sur le volet bancaire. La défiance, non pas des banques entre elles mais des particuliers et des entreprises, pourraient s'accroître et venir fragiliser l'ensemble du secteur. Cela pourrait obliger à des opérations rapides de soutien au secteur en attendant les nouvelles élections du 17 juin.

Si une grande instabilité se réinstallait au sein de la zone euro à partir de son système financier, l'économie serait durablement et profondément affectée. Cela nécessite une réaction politique forte de la part des européens car l’union européenne et la zone euro sont d'abord et avant tout des entités politiques nées d’une volonté forte de construire ensemble.

Si les européens n'arrivent pas à aller clairement dans ce sens, on ne peut exclure que la zone euro se délite, même si pour l'instant la probabilité reste très faible.

Second défi : la croissance

Un constat aujourd’hui : le modèle européen fonctionne de façon déséquilibrée au bénéfice de l'Allemagne. C'est ce qui a permis à Angela Merkel de forcer l'arbitrage de politique économique vers la consolidation budgétaire et davantage d'austérité.

Ce schéma, qui vise à réduire rapidement les déficits budgétaires, commence d’ores et déjà à avoir un impact fort sur l'activité et l'emploi. Mais accentuer l'austérité de la politique économique, c'est prendre le risque de voir l'activité s'infléchir encore davantage et le taux de chômage aller au-delà du plus haut historique atteint au mois de mars dernier.

Le président français veut faire le pari de la croissance en inversant la hiérarchie des politiques économiques pour mettre en avant l'objectif de croissance préalablement à celui de l'équilibre budgétaire. Selon lui, le rééquilibrage des finances publiques doit être conditionné à une activité en croissance. En conséquence, le calendrier à suivre ne doit pas être aussi rapide que celui proposé jusqu'à présent.

Le président Français défend l’idée que c’est bien la croissance qui permettra de rééquilibrer les finances publiques, alors que la rigueur pourrait difficilement permettre de retrouver rapidement une progression durable de l'emploi.

Troisième défi : la soutenabilité du modèle social en France

La dynamique de l'économie mondiale change et l'équilibre qui prévalait hier n'est plus celui qui prévaudra demain. Les conditions de la concurrence ont été bouleversées. La modèle social qui reposait sur un environnement centré sur les pays développés est nécessairement remis en cause par l'arrivée des pays émergents puisque les coûts de production n'y sont pas comparables à ceux des pays industrialisés, et pour longtemps.

Le président français veut faire le pari de la productivité afin que le modèle de croissance ne repose pas uniquement sur les coûts.

Selon lui, il faut rendre la croissance plus efficace pour infléchir les coûts unitaires de production. C’est la position qu’il défend dans le cadre des discussions sur les réformes structurelles à mettre en œuvre en vue d’améliorer le fonctionnement des marchés (biens, services ou travail). Des mesures de ce type commencent à être mises en oeuvre en Espagne et en Italie.

Suivant cette approche, faire le pari de la productivité permet simultanément redonner de l'autonomie à la croissance, autorisant un financement plus simple du modèle social. Il faut, dès lors, également mettre l'accent sur l'innovation et l'éducation afin d’alimenter et entretenir la dynamique de la productivité à moyen et long terme.

Conclusion

Un renouvellement du modèle européen est désormais incontournable dans un environnement changeant. L'Europe a besoin de retrouver de l'autonomie pour conserver le modèle social qui a fait son attrait.

Le modèle est à reconstruire et c’est un des défis à relever par la nouvelle présidence française.