Les entreprises françaises tablent sur un ralentissement économique de courte durée

par Charlotte de Montpellier, Senior Economist chez ING

Les indices PMI et du climat des affaires sont les premières données de sentiment des entreprises françaises en 2023. Celles-ci indiquent qu’un ralentissement économique est en cours, mais qu’il pourrait n’être que de courte durée selon les entreprises. Nous sommes plus prudents et pensons qu’une quasistagnation de l’activité sur l’ensemble de l’année est probable.

Premiers regards sur le sentiment des entreprises en 2023

Depuis le début de l’année 2023, le temps clément et la baisse drastique des prix de l’énergie sur les marchés mondiaux ont conduit à un optimisme généralisé et à une révision des perspectives de croissance à la hausse par le consensus. La question était donc de savoir si ce regain d’optimisme était partagé par les acteurs de l’économie réelle et notamment les entreprises. La publication aujourd’hui des indices PMI et du climat des affaires pour janvier permet de faire un premier diagnostic.

L’indice PMI composite a légèrement diminué en janvier pour le troisième mois consécutif et s’est établi à 49 contre 49.1 en décembre. C’est le secteur des services qui tire l’indice global vers le bas, dans un contexte où le boom lié à la fin des restrictions sanitaires s’amenuit. Le PMI des services a atteint en janvier son plus bas depuis 22 mois, 49.2 contre 49.5 en décembre. Dans le même temps, notamment grâce à l’amélioration de la situation énergétique mondiale, le secteur manufacturier se redresse et l’indice du secteur est repassé au-dessus de la barre des 50, pour s’établir à 50.8 son plus haut depuis 7 mois. Globalement, l’enquête PMI indique une dégradation de la demande à laquelle font face les entreprises françaises : les nouvelles commandes baissent et les ventes diminuent. Dans le même temps, les entreprises font preuve d’optimisme pour les prochains mois. Leurs perspectives d’activités et d’embauches s’améliorent. L’enquête PMI indique donc que les entreprises françaises tablent sur un ralentissement économique certes, mais que celui-ci est attendu de courte durée, avant un redressement.

Les enquêtes effectuées par l’INSEE qui permettent de calculer le climat des affaires dépeignent une situation un peu plus contrastée entre les différents secteurs. Le climat des affaires global est toujours stable à 102 en janvier, pour le cinquième mois consécutif, mais la situation sectorielle diffère nettement. Dans le commerce de gros, aussi bien l’appréciation de la demande actuelle que celle de la demande attendue s’affaiblissent. Dans le même temps, les entreprises industrielles revoient à la hausse leur appréciation de la demande actuelle et leurs perspectives pour la suite sont stables. Les entreprises du secteur des services sont beaucoup plus optimistes concernant la demande actuelle, mais voient moins positivement les perspectives générales. Enfin, l’appréciation des ventes passées et les ventes prévues est revue à la hausse par les entreprises du commerce de détail.

Globalement, toutes ces données laissent penser que les perspectives économiques françaises sont incertaines, mais loin d’être dramatiques. On est loin d’un saut dans le vide vers la récession. En outre, les entreprises indiquent que les perspectives en termes d’emploi restent très positives dans tous les secteurs.

Quasi-stagnation attendue de l’activité en 2023

Nous estimons que 2023 devrait être caractérisée par une quasi-stagnation de l’économie française sur tous les trimestres de l’année. Compte tenu de l’inflation, l’évolution du pouvoir d’achat réel restera très faible, ce qui freinera le dynamisme de la consommation privée. Compte tenu des incertitudes, de la hausse attendue (même si faible) du taux de chômage

et du niveau faible de la confiance des ménages, le taux d’épargne des ménages demeura élevé et supérieur à sa moyenne historique. Les investissements des ménages en logement risquent de marquer le pas, plombés par l’inflation, le renchérissement des matières premières et la remontée des taux d’intérêt. De plus, la production industrielle devrait continuer à voir les difficultés d’approvisionnement se résorber, mais ferait face à une demande mondiale beaucoup plus faible et serait toujours à risque d’une nouvelle hausse importante des prix de l’énergie mondiaux. Nous tablons sur une croissance du PIB 0.2% sur l’ensemble de l’année 2023. 2024 pourrait être synonyme d’un peu plus de dynamisme grâce à une baisse plus prononcée de l’inflation, même si celui-ci restera modéré. Nous attendons 1.1% de croissance pour 2024.

Inflation plus élevée en 2023 qu’en 2022

Alors que la plupart des pays européens ont déjà passé le pic de l’inflation, l’inflation en France devrait augmenter encore au premier trimestre 2023. La révision du bouclier tarifaire conduira les factures énergétiques des ménages a augmenté de 15%, contre une hausse de 4% en 2022. L’enquête PMI indique en janvier que, si l’inflation des coûts de production est en baisse, l’inflation des prix facturés augmente encore. C’est notamment le cas dans le secteur des services, où les prix prévus selon l’enquête de l’INSEE de janvier sont au plus haut niveau depuis 1988, mais aussi dans le commerce de détail. Si l’on ajoute à cela le fait que de nombreux prix ne sont revus qu’une fois par an en début d’année, il faut s’attendre à une nette hausse de l’inflation sous-jacente début 2023.

En outre, la hausse des coûts de production devrait continuer à soutenir l’inflation des biens alimentaires et des produits manufacturés. De nombreuses entreprises font face à la première révision à la hausse de leur facture énergétique, ce qui poussera les coûts vers le haut. De plus, les quatre indexations du salaire minimum sur l’inflation de 2022 vont continuer de conduire à des revalorisations de l’ensemble des salaires, ce qui va pousser nettement à la hausse l’inflation, notamment dans les services, en 2023.

In fine, l’inflation moyenne de 2023 sera probablement plus élevée que celle de 2022 (nous attendons 5.5% sur l’année, et 6.3% pour l’indice harmonisé), mais le profil annuel sera fondamentalement différent, avec un pic au-delà de 6.5% au premier trimestre, puis une décrue progressive dès l’été. A la fin de 2023, l’inflation sera probablement toujours supérieure à 4%, un niveau plus élevé que la moyenne européenne. La décélération de l’évolution des prix devrait continuer en 2024, mais sera toujours lente, pour s’établir en moyenne à 2.6% sur l’année (3.5% pour l’indice harmonisé).