par William De Vijlder, Chef économiste de BNP Paribas
- Le repli des marchés et l’accroissement des incertitudes menacent la croissance mondiale.
- La confiance doit revenir. Cela passe par des mesures politiques énergiques, en particulier en Chine.
La nervosité des marchés, principalement imputable aux évolutions en Chine, avec l’éclatement de la bulle boursière et la dévaluation récente du yuan, est toujours aussi forte. Les bourses mondiales ont dévissé et la volatilité s’est envolée, y compris sur une base intrajournalière. Sans surprise, les rendements obligataires et les prix des matières premières ont évolué à la baisse. L’euro et le yen se sont, quant à eux, appréciés contre le dollar américain, les investisseurs étant passés en mode « aversion pour le risque ».
En ce qui concerne les actions, l’ampleur de la réaction du marché dépasse largement l’impact économique direct des événements en Chine, même si ces événements signalent un ralentissement. L’impact direct est lié à la demande intérieure et aux importations, et pour cela il faut analyser le rôle de l’effet de richesse. Il est, bien sûr, difficile d’estimer l’importance de cet effet, a fortiori en Chine. Dans les économies développées, l’effet correspondant aurait tendance à être assez limité. Compte tenu d’une plus forte concentration des richesses et du fait que les actions ne représentent qu’une très faible partie de l’épargne chinoise, on est tenté de conclure qu’il est encore plus faible en Chine. Un autre argument milite dans ce sens : pendant la formation de la bulle boursière, la croissance des dépenses de consommation, à en juger les ventes au détail, ne s’est pas accélérée; pourquoi, dès lors, l’impact serait-il nettement plus élevé alors que le marché évolue à la baisse ? L’autre canal possible est celui du taux de change. L’impact dépend dans ce cas de l’ampleur de la dépréciation, de l’importance de la Chine dans les échanges commerciaux des uns et des autres. Une dépréciation du CNY de 10 % correspondrait aux Etats-Unis et dans la zone euro à une appréciation de 2 % du taux de change effectif du dollar et de l’euro, soit un impact négatif sur la croissance du PIB et l’inflation de l’ordre de 0,1-0,2 %. Au-delà de cet effet, il faut toutefois tenir compte aussi de l’impact indirect dans les pays développés de l’effet sur d’autres pays émergents.
Face à un chiffre aussi faible, on peut se demander pourquoi les marchés actions ont réagi aussi vigoureusement. L’accroissement des incertitudes constitue un facteur clé. Certes, il est difficile de mesurer une telle évolution, mais suffisamment d’éléments montrent que ces incertitudes se sont nettement renforcées. Les mesures de la volatilité des marchés financiers ont fait un bond et, même si elles se sont récemment repliées, elles restent à des niveaux élevés. Peut-être faut-il voir dans la baisse des grands indices chinois et internationaux le signal que « quelque chose d’important a changé ». La lenteur de la stabilisation du marché actions chinois a aussi de quoi inquiéter : les conséquences économiques pourraient être plus graves ou révéler une situation économique pire que prévu encore récemment. Autre sujet d’inquiétude : la devise pourrait se déprécier davantage, avec un fort impact mondial. Les incertitudes concernant les mesures prises par les pouvoirs publics, et surtout leur efficacité, se sont par ailleurs accrues suite à leur brève intervention sur le marché actions. La dévaluation surprise n’a fait qu’aggraver le climat d’incertitude : faut-il s’attendre à une nouvelle baisse ou à une interruption soudaine des interventions sur le marché des changes ?
Sur les marchés financiers, l’accroissement des incertitudes ébranle la confiance des investisseurs dans leurs prévisions et accroît la prime de risque. Cet impact sur les rendements des obligations d’Etat est plus significatif que les pressions à la baisse, directes et indirectes, des événements en Chine. S’agissant des Etats-Unis, la baisse des rendements traduit une probabilité plus faible d’augmentation du taux des «Fed funds» en septembre. Une situation dont se réjouiraient les investisseurs en temps normal, or la situation ne l’est pas. Ainsi, au final les cours des actions se replient. Ces incertitudes touchent également l’économie réelle, moins en raison de l’effet de richesse que de l’aspiration des entreprises à davantage de visibilité sur l’évolution de la situation à terme avant d’investir ou d’embaucher. Ces incertitudes se font pleinement sentir dans les secteurs qui exportent et ceux liés aux matières premières.
Le retour au calme passe par la restauration de la confiance, elle- même liée à la stabilisation des marchés. Or, les marchés se stabilisent rarement d’eux-mêmes, sauf sur-réaction à la baisse. Quoi qu’il en soit, le chemin jusqu’à une stabilisation complète risque d’être difficile. Plus on saura rassurer sur les perspectives économiques, plus on accélérera la stabilisation, à condition que les pouvoirs publics prennent certaines décisions. Les choses évolueront donc dans cet ordre : mesures décisives de politique économique -> anticipations de stabilisation économique –> stabilisation des marchés actions et recul des craintes de dépréciation. Le mois d’octobre prochain sera marqué par la tenue de la réunion plénière du Comité central du Parti communiste chinois. En attendant, le climat d’incertitude persiste.