par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Six ans après le début du retournement à la baisse du marché immobilier américain, certaines statistiques immobilières montrent des signes d’amélioration qui pourraient laisser présager un rebond du marché : l’indice NAHB, reflet des anticipations des promoteurs, se redresse progressivement depuis l’automne suggérant une amélioration des perspectives du secteur de la construction.
D’ailleurs, les mises en chantier ont également progressé depuis l’été dernier (+11% en moyenne au S2-11 comparé au S1-2011) et se situaient à 699 millions d’unités annualisées en janvier 2012. Enfin, les ventes de maisons existantes sont revenues sur une tendance haussière ces derniers mois après une baisse début 2011 et les stocks de maisons existantes ont sensiblement reculé à l’automne pour atteindre 2,38 millions d’unités annualisées en décembre après un pic à plus de 4 millions en 2007.
Avec l’amélioration conjoncturelle en cours aux Etats-Unis, la faiblesse des taux d’intérêt hypothécaires (le taux à 30 ans se situe à 3,87% début février, un niveau historiquement faible) et la correction sur les prix immobiliers (ils ont baissé de plus de 30% depuis leur pic en 2006 d’après l’indice S&P Case Shiller), on pourrait légitimement se poser la question d’une reprise du marché immobilier américain. En effet, la capacité d’un ménage américain (avec un revenu moyen) à acheter un logement (d’un prix moyen) s’est fortement améliorée ces derniers mois (l’affordability index atteint 190 alors que 100 est le niveau minimal de capacité pour acheter). Par ailleurs, de nombreuses mesures ont été prises visant à faciliter les modifications et les refinancements de prêts, de façon à améliorer la solvabilité d’un certain nombre de ménages.
Il y a donc clairement des signes d’amélioration sur le marché immobilier américain et les conditions semblent aujourd’hui favorables. Pour autant, nous restons prudents car, malgré les ajustements opérés depuis six ans, les déséquilibres sur le marché ne sont pas encore complètement corrigés :
- De nombreux propriétaires en equity négatif1 : de nombreux ménages sont encore dans une situation difficile, près de 11 millions de propriétaires étaient en equity négatif mi-2011 d’après Corelogic, dont plus de 4 millions avec un equity négatif de plus de 25% ! Si le programme du gouvernement HARP permet maintenant aux ménages en equity négatif de refinancer leurs prêts, cela concerne uniquement les prêts conventionnels. Les détenteurs de prêts non conventionnels (subprime, Alt-A) ne peuvent toujours pas se refinancer pour profiter de la baisse des taux. Un certain nombre de ces prêts va continuer d’alimenter les mises en faillites en 2012.
- Le niveau des stocks : malgré leur baisse sensible, les stocks de maisons vacantes restent élevés suggérant qu’il y a toujours un excès d’offre sur le marché et que la correction n’est pas totalement terminée. Par ailleurs, ce stock va continuer d’être alimenté par la poursuite des liquidations.
- La prudence des banques : avec tous les litiges sur les mises en faillite frauduleuses, la longueur des procédures pour récupérer le collatéral en cas de défaut et les incertitudes sur la réglementation financière, les banques vont rester très prudentes dans leur politique de prêt hypothécaire en 2012, même si on observe une légère amélioration des conditions d’octroi de crédit pour les prêts immobiliers dans la dernière Senior Loan Officer Survey. Depuis la crise, la structure de financement des prêts hypothécaires a évolué, les agences Freddie Mac et Fannie Mae étant à l’origine de la plus grande partie des nouveaux prêts octroyés.
- Le bilan des ménages : enfin, l’assainissement du bilan des ménages n’est probablement pas arrivé à son terme. Rappelons que l’endettement hypothécaire a très fortement progressé entre 2001 et 2007, passant de 64% à 99% du revenu disponible des ménages. La correction a bien commencé avec un ratio qui est revenu à 85% en 2011 mais l’endettement hypothécaire reste encore à un niveau élevé.
Au total, si le point bas du cycle immobilier en termes de construction est derrière nous et que l’excès d’offre sur le marché se réduit, les liquidations pourraient continuer à peser sur les prix cette année. Après six années de baisse, l’investissement résidentiel progressera en 2012 mais certains facteurs plaident plutôt en faveur d’une reprise progressive du marché que pour un fort rebond.
NOTES
- Equity négatif : lorsque la valeur du prêt est supérieure à la valeur de la maison