par Maarten-Jan Bakkum, Stratégiste Sénior Marchés Emergents chez ING Investment Management
Depuis le mois de mars, les marchés d’actions du monde émergent ont grimpé de 10%. Ce rebond pourrait suggérer une amélioration des perspectives de croissance et est suffisamment marqué pour que nous réexaminions notre scénario de modeste croissance des marchés émergents.
Le taux de croissance moyen est actuellement de près de 5%, soit un peu plus de la moitié du niveau de 2010. Dans notre scénario, la croissance économique devrait continuer à se replier pour s’établir à 4% au début de 2015. Le ralentissement de la croissance est essentiellement imputable à trois facteurs : la détérioration du climat d’investissement et de la compétitivité de la plupart des économies émergentes, la normalisation graduelle de la politique monétaire dans le monde développé et la décélération de la croissance en Chine.
La vigueur des marchés d’actions du monde émergent au cours de ces derniers mois peut s’expliquer par une amélioration – ou du moins la perception d’une amélioration – au niveau des deux premiers facteurs, en dépit de la détérioration des perspectives de croissance de la Chine.
Le potentiel de croissance de la plupart des marchés émergents a diminué considérablement au cours de ces dernières années, en raison de la forte augmentation des salaires, de l’appréciation des devises, du rôle accru du gouvernement dans l’économie et d’une hausse de la pression de la fiscalité et des réglementations. Ceci a entraîné une nette détérioration de la compétitivité et du climat d’investissement. Cette évolution négative est surtout visible au Brésil et en Inde. C’est le succès du modèle de croissance chinois qui a poussé les décideurs politiques dans la mauvaise voie. Une amélioration du potentiel de croissance nécessite maintenant une correction de la politique en profondeur, loin du modèle interventionniste.
Ces derniers mois, les investisseurs se sont mis à espérer que les élections organisées cette année en Inde, en Indonésie et au Brésil seraient remportées par des partis favorables aux réformes. Ceci mettrait fin à la tendance négative des politiques menées dans le monde émergent et améliorerait les perspectives de croissance. Jusqu’à présent, cet optimisme a uniquement été confirmé par le résultat positif des élections en Inde. Les investisseurs croisent encore les doigts pour les deux autres pays. Il est dès lors prématuré d’affirmer qu’une nouvelle tendance positive se dessine en matière de politique dans le monde émergent.
Les États-Unis ont commencé à normaliser leur politique monétaire. Compte tenu des chiffres de croissance raisonnables du pays, on peut supposer que le démantèlement se poursuivra et que les taux commenceront à augmenter plus tard dans l’année. Ceci devrait mettre les flux de capitaux vers le monde émergent sous pression. Néanmoins, on a observé une nette hausse du différentiel de taux des marchés émergents ces derniers mois en raison surtout des attentes accrues d’un nouvel assouplissement de la politique monétaire par la Banque centrale européenne. À ce stade, les attentes d’une nouvelle intervention de la BCE semblent cependant quelque peu excessives. Les flux de capitaux vers le monde émergent demeurent donc vulnérables.
Au niveau de la Chine enfin, le ralentissement de la croissance se poursuit. Les chiffres les plus récents du marché immobilier chinois suggèrent une solide correction. Ceci exerce des pressions supplémentaires sur la croissance économique et accroît le risque d’une crise systémique. Globalement, les perspectives de croissance de l’économie chinoise semblent de plus en plus défavorables. L’importance de la demande chinoise pour l’ensemble du monde émergent est la principale raison pour modérer notre enthousiasme à propos du récent rebond des actions émergentes.