par Bogdan Popescu, Directeur Régional de Skandia Global Funds
Le consensus est peu optimiste quant à la vigueur de la reprise, une majorité de gérants anticipent une croissance relativement faible au cours des prochains trimestres. Nous croyons, chez Skandia Global Funds, que cette croissance sera supérieure au rythme actuel. Notre position sur les obligations est également plus positive, même si nous n’excluons pas, si la hausse se confirmait, de ramener notre allocation à neutre. Dernière différence avec le consensus : notre sur-exposition au secteur financier.
Situation des marchés
Les marchés d’actions se sont encore appréciés en novembre, portés par les propos rassurants des banques centrales des pays du G7, ces dernières laissant entendre que les taux d’intérêts avaient toutes les chances de demeurer à des niveaux très bas pour encore un certain temps. La déclaration publiée par le FOMC (Federal Open Market Committee) à l’issue de sa réunion du 4 novembre dernier est à cet égard très explicite : elle affirme que les taux d’intérêt américains seront maintenus à des niveaux « exceptionnellement bas » pour une nouvelle période. Les autres banques du G7 abondent dans le même registre, confirmant la faible probabilité, à court terme, d’un relèvement de leurs taux directeurs. Ce support monétaire doit nécessairement avoir des effets positifs à la fois sur la croissance économique et sur la santé des marchés financiers. Les actions japonaises ont quant à elles continué à sous-performer les autres marchés d’actions, la vigueur de la reprise économique locale restant sujette à caution, et le yen poursuivant son ascension face au dollar, atteignant son plus haut niveau de ces 15 dernières années.
A la fin du mois, les marchés actions et du crédit ont tous deux été fortement affectés par la demande de rééchelonnement de la dette du conglomérat Dubaï World, le bras armé de l’émirat à l’origine des projets les plus emblématiques –et coûteux- de cette région du monde. Cette déconfiture a peu de chance d’avoir sur les marchés du crédit un impact aussi majeur que la faillite de Lehman, et ses conséquences économiques semblent pour l’instant anecdotiques.
Elle a toutefois rappelé aux opérateurs que de nombreuses entreprises et gouvernements avaient accumulé, entre 2003 et 2007, un montant de dettes vertigineux, et que cette charge allait continuer à peser sur leurs activités.
Surpondération en actions
Nous restons surpondérés en actions, anticipant un rallye de fin d’année sur cette classe d’actifs, toujours portée par le niveau plancher des taux d’intérêts. Le graphique 1 retrace l’évolution du rendement des obligations d’Etat américaines à deux ans depuis début 2007. Il démontre clairement que ces rendements sont actuellement proches de leurs plus bas historiques. La Réserve Fédérale a confirmé qu’elle maintiendrait ses taux à de très bas niveau tant que l’inflation ou l’inflation anticipée resteraient faibles, et le stock de capacités inemployées élevé.
Ces conditions ont, selon nous, toutes les chances d’être remplies pour encore quelques temps. Il semble notamment si l’on observe le niveau actuel du taux de chômage aux Etats-Unis (graphique 2), au plus haut depuis la Deuxième Guerre Mondiale, que celui-ci doive se maintenir à des niveaux élevés au cours des prochaines années, même dans l’hypothèse d’une reprise économique plus intense que prévue.
En termes d’allocation géographique, nous maintenons une surpondération sur les pays émergents, aux dépens des pays développés. A moyen terme, les perspectives tant de croissance économique que de hausse des profits y demeurent supérieures, même si certains d’entres eux, à commencer par la Chine, affichent déjà d’excellents résultats. A court terme, toutefois, nous avons réduit la surpondération pays émergents, considérant que les arbitrages opérés au sein des portefeuilles globaux d’ici la fin de l’année pourraient se traduire par des flux importants en faveur des marchés actions des pays développés. Ces réallocations pourraient être encore plus sensibles aux Etats-Unis, ce qui nous a poussés à passer d’une position sous-pondérée à neutre.
Nous maintenons par ailleurs notre position surpondérée sur le crédit, et anticipons un nouveau resserrement des spreads. Même si ces derniers se sont déjà contractés significativement au cours de l’année passée, ils demeurent encore relativement larges au regard de leurs niveaux historiques. Les évènements qui ont affecté Dubaï ces dernières semaines risquent d’avoir un impact significatif sur les spreads régionaux, mais ne devraient pas affecter outre mesure le niveau des spreads mondiaux. Nous attendons un nouveau resserrement des spreads sur la dette émergente, et maintenons une légère surpondération sur les obligations indexées sur l’inflation.
Même si nous pensons que l’inflation sous-jacente restera modérée, l’inflation globale va sans doute remontée, sous l’effet du renchérissement des prix de l’énergie. Nous sommes passés de surpondéré à neutre sur l’or : même si le rapport offre/demande demeure favorable, des prises de bénéfices sont en effet probables, suite à l’énorme hausse enregistrée ces derniers mois.
La reprise de l’activité manufacturière et le taux de change
L’économie mondiale poursuit son redressement de manière assez uniforme. Pratiquement tous les pays semblent être sortis de la récession, même si le rythme de la reprise demeure inégal. Nous anticipons la poursuite de ce mouvement, et un taux de croissance supérieur au rythme actuel dans la plupart des pays dès 2010. Toutefois, et même si ceci peut apparaître comme une bonne nouvelle, le rythme de la croissance sera sans doute inférieur à ce qu’il aurait du être, compte tenu de l’ampleur de la récession enregistrée en 2007/2009.
La zone euro, a contrario, affiche un taux de croissance supérieur aux attentes. Le graphique 3 montre l’évolution positive de l’indice manufacturier, passé de 50,7 en octobre à 51,2 en novembre. L’indice des services progresse quant à lui de 52,6 à 53,2 sur la même période. Des chiffres à comparer avec celui de mars : 39,2…
Ce mouvement s’est opéré en dépit de la force de l’euro vis-à-vis des autres devises, livre anglaise et dollar américain notamment. Le graphique 4 retrace l’évolution du taux de change euro contre livre, qui est actuellement proche de ses plus hauts historiques, l’euro étant pratiquement à parité avec la devise britannique.
Si la sortie de récession est désormais une donnée validée, la vigueur de la reprise fait toujours débat. Le graphique 5 retrace l’élévation du niveau des déficits publics, toujours sur une pente nettement ascendante. Ce phénomène va induire un durcissement des politiques fiscales ces prochaines années, dont l’impact sur le niveau de confiance, et donc de croissance, sera sans aucun doute négatif. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis sont en première ligne sur ce sujet. Même si le niveau de confiance des ménages reste très faible dans la plupart des pays, le graphique 6 montre clairement qu’aux Etats-Unis, celui-ci est proche des plus bas atteints depuis 1950… En raison, notamment, du très fort taux de chômage qui affecte aujourd’hui l’économie américaine. Ce faible niveau de confiance va sans doute affecter le niveau de consommation au cours des prochains mois.
L’inflation, toujours faible
L’inflation sous-jacente des économies développées demeure à des niveaux très faibles. Elle pourrait même encore se réduire au cours des prochains mois, le taux record du chômage limitant la progression des coûts salariaux. L’inflation globale, quant à elle, semble en revanche avoir déjà atteint son taux plancher et s’oriente plutôt à la hausse. En raison notamment de la fin de l’impact, en glissement annuel, de la baisse du prix des matières premières (le pétrole, en particulier).
En outre, plusieurs pays pourraient connaître prochainement une hausse de leur fiscalité. Une hypothèse déjà en partie validée au Royaume-Uni, qui s’apprête à relever de 2,5% son taux de TVA en janvier prochain, après l’avoir baissé d’un même pourcentage en janvier 2009.
Les taux d’intérêts vont rester bas
La perspective de taux d’intérêt très bas pour une encore longue période va sans doute impacter positivement le cours des obligations, à court et moyen terme. Comme nous l’avons déjà précisé plus haut, cette perspective vient encore d’être confirmée par les banques centrales des pays du G7. Nous nous attendons donc à ce que les taux de ces pays restent à leurs niveaux actuels jusqu’au deuxième semestre 2010, et peut être au-delà. Les taux japonais n’ont quant à eux aucune raison de remonter au cours des prochaines années.
Si les taux vont certainement rester stables au sein des pays du G7, d’autres économies ont déjà amorcé une remontée des taux. En Australie, ils viennent de connaître leur troisième mois de hausse consécutif. Et la banque centrale australienne (Reserve Bank of Australia) ne cache pas son intention de poursuivre cette politique de remontée progressive l’an prochain. Toutefois, il faut bien comprendre que ces hausses successives ont simplement pour but de rendre la politique monétaire moins accommodante, pas de déboucher sur un durcissement pur et dur… Dans sa dernière publication, la RBA s’en explique : « depuis que le risque récessionniste a disparu, nous avons décidé de réduire progressivement le niveau des stimuli monétaires mis en place au moment où les perspectives de reprises étaient moins évidentes ».
Poursuite du resserrement des spreads
Les spreads de crédit ont continué à se resserrer au début du mois de novembre. La tendance était moins sensible en fin de mois, sous l’effet des évènements de Dubaï. Nous continuons toutefois à anticiper la poursuite du resserrement.
Quelles sont nos perspectives sectorielles ?
Le secteur des matériaux affiche la meilleure performance du mois écoulé. Il a profité de l’envolée du cours des matières premières. Le prix de l’or, notamment, a atteint un nouveau sommet (1 200 dollars), boosté par l’annonce de la Banque centrale indienne faisant état de sa volonté de développer ses achats d’or pour accroître ses réserves de change. Le secteur financier, a contrario, est ce mois ci en queue de peloton, affecté par les événements de Dubaï et par les craintes suscitées par les futures normes réglementaires.
Nous n’avons pas modifié nos allocations sectorielles. Nous continuons à privilégier les secteurs cycliques, comme les matériaux de base et l’énergie. En dépit des évènements récents, nous continuons à penser que le secteur financier devrait profiter de la reprise du secteur bancaire.
Qu’en est-il du style d’investissement ?
Les grandes capitalisations ont surperformé pour le deuxième mois consécutif. Nous anticipons toutefois toujours une surperformance des petites capitalisations si le contexte financier poursuit sa détente, et que les investisseurs augmentent leur appétit pour les placements plus risqués.
Et nos stratégies sur devises
Le yen japonais a atteint son plus fort niveau face au dollar de ces 15 dernières années. Le nouveau gouvernement japonais a d’ailleurs commencé à faire part de ses inquiétudes face à ce phénomène, s’appuyant sur les déclarations de plusieurs entreprises nippones craignant que la force de leur devise n’handicape la reprise économique intérieure.
Nous nous attendons, au cours des prochains mois, à une remontée des devises des pays émergents ou exportateurs significatifs de matières premières. Nous considérons que l’euro et le yen sont surévalués, et devraient en conséquence se déprécier à un moment ou à un autre.
Quelles différences marquantes avec le consensus ?
Le consensus des gestionnaires institutionnels, sondés par Merrill Lynch, reste à surpondérer en actions, et ne croit pas à un possible retour en récession l’an prochain. Merrill Lynch observe toutefois que ce sentiment haussier n’est pas « euphorique ». Les gérants demeurent sceptiques quant à la vigueur de la reprise, une majorité d’entre eux anticipant une croissance relativement faible au cours des prochains trimestres. Nous croyons, quant à nous, que cette croissance sera supérieure au rythme actuel. Les gérants de fonds sont devenus moins optimistes sur le potentiel des obligations, en raison du chemin déjà parcouru. Notre position est plus positive, même si nous n’excluons pas, si la hausse se confirmait, de ramener notre allocation à neutre.
Le consensus continue à surpondérer les marchés émergents, et à accroître son niveau d’exposition sur les actions de la zone euro, alors même que ces dernières ont très fortement rebondi depuis ces neufs derniers mois. Les investisseurs continuent à sous-pondérer le Japon.
En termes sectoriels, notre principale différence avec le consensus reste notre sur-exposition au secteur financier.