par Sylvain Bellefontaine, économiste chez BNP Paribas
A l’instar de la plupart des pays émergents, le Mexique est confronté depuis septembre 2008 à un phénomène global d’aversion au risque qui s’est traduit par une forte dépréciation de sa monnaie, un plongeon de la bourse mexicaine et un élargissement des spreads.
Même si les politiques monétaires et budgétaires devraient permettre d’atténuer l’impact de la récession dans une certaine mesure, le Mexique devrait faire face à la plus importante contraction du PIB réel de la région et à la pire récession depuis la ‘crise Tequila’ de 1994-95 en raison de la forte interaction avec l’économie américaine et de l’ampleur de la crise financière internationale.
Néanmoins, les fondamentaux macro-économiques du pays semblent plus solides qu’en 1994-95 et 2001-02 grâce à des finances publiques plus saines, à une meilleure position de liquidité extérieure et à un système bancaire intrinsèquement plus solide.
Le calme avant la tempête
L’intégration progressive du Mexique au sein de la sphère financière internationale, associée à l’intérêt des investisseurs en faveur des marchés émergents a engendré une forte augmentation des investissements de portefeuille au cours des dernières années, plaçant le pays dans une situation de vulnérabilité face aux fluctuations du sentiment du marché. Déterminé à affirmer son indépendance, sa crédibilité et son engagement à combattre l’inflation, la Banque centrale mexicaine (Banxico) a enclenché un cycle de resserrement monétaire en avril 2007 qui s’est traduit par une multiplication par trois de l’écart de rendement entre les fonds investis en peso (MXN) et ceux investis en dollar (USD), générant d’importantes opérations de ‘carry-trade’ au cours du S1 2008. Les investissements de portefeuille étrangers se sont soldés par des entrées nettes de 11,0 MdUSD au S1 2008 (6,8 MdUSD sur le seul T2 2008), dont la moitié investis en eurobligations émises par des entreprises locales.
En août 2008, les réserves de change ont atteint un montant substantiel de 81 MdUSD, alors que la ‘hot money’ (c’est-à-dire les investissements étrangers susceptibles d’être rapatriés rapidement dans le cas d’un retournement du sentiment des investisseurs, notamment au Mexique où il n’existe aucun contrôle des capitaux)se sont élevés à près de 200 MdUSD.
Cet afflux de capitaux à court terme, associé à la hausse des cours du pétrole et au fait que l’économie mexicaine semblait à l’époque résister au ralentissement américain, explique l’appréciation de 9 % en termes nominaux du MXN face au USD au cours des sept premiers mois de 2008, s’échangeant à 9.9MXN pour 1USD, son plus haut niveau depuis 2002. Le 25 juillet, le Ministère des finances a ainsi acheté 8 MdUSD (apparemment dans le but de rembourser par anticipation une partie de la dette publique du pays) auprès de la banque centrale, à un taux de change très avantageux. La banque centrale a de son côté suspendu ses opérations de ventes quotidiennes de dollars (32 MdUSD/jour en moyenne) mises en place en 2003 dans le but de limiter l’accumulation des réserves de change et le coût induit par la stérilisation. Ces mesures coordonnées étaient destinées à faire savoir aux marchés que les autorités mexicaines ne souhaitaient pas la poursuite de l’appréciation du MXN. Un changement de paradigme
Le renversement de tendance dans l’évolution du taux de change s’est produit dans le sillage de la baisse des cours du pétrole observée depuis la mi-juillet 2008, alors que l’économie réelle mexicaine (production industrielle, consommation, chômage, crédit bancaire, volume des exportations, transferts de fonds par les émigrés, déficit des comptes extérieurs, etc.), de même que les indices de confiance des entreprises et des ménages ont commencé à subir les conséquences du ralentissement américain.
La crise financière internationale a durement touché les pays émergents et le Mexique ne fait pas exception. L’IPC, l’indice de référence de la Bolsa mexicaine a cédé 26 % depuis début septembre (-35 % depuis début 2008), et la capitalisation boursière s’est contractée, représentant désormais 25 % environ du PIB annuel en dollars, contre presque 50 % en mai 2008. Les actifs en titres cotés à la Bolsa détenus par des non-résidents, qui représentaient près de la moitié de la capitalisation boursière mexicaine début 2008, ont fondu de 30 % au cours du seul mois d’octobre. Les flux d’investissements de portefeuille se sont soldés par des sorties de 5,8 MdUSD au cours du T4 2008.
Le Mexique s’était employé ces dernières années à établir la confiance dans la stabilité du régime de change flottant. Mais le MXN a échappé à tout contrôle et s’est effondré jusqu’à 16 % au cours de la journée du 8 octobre, sa plus mauvaise performance intrajournalière depuis la ‘crise Téquila’ en 1994-95. En dépit de mesures de sauvetage sans précédent mises en œuvre par les gouvernements du monde entier en vue d’assurer la liquidité sur les marchés interbancaires et de recapitaliser les systèmes bancaires des ‘pays développés’, sans compter l’intervention massive de Banxico, le MXN s’est déprécié de 36 % face au USD entre début août 2008 et début mars 2009, à 15,5 MXN pour 1 USD, avant de se redresser à 14,3 MXN pour 1 USD le 23 mars 2009.
La faiblesse la volatilité de la devise mexicaine ont été exacerbées par le débouclement de positions de dérivés de change prises par des entreprises locales ; celles-ci ayant emprunté massivement en USD pour profiter de l’appréciation du MXN, de la faible volatilité ainsi que de taux d’intérêt américains inférieurs. Selon l’IFI, l’exposition globale aux dérivés de change des entreprises mexicaines avoisinait les 20 MdUSD avant le début de la crise.
Apparemment, une vingtaine d’entreprises ont fait état de pertes sur dérivés de change pour un montant de l’ordre de 2,8 MdUSD, dont la société Comerci, troisième distributeur du pays, qui a déposé son bilan après avoir enregistré des pertes de 1,3 MdUSD liées à des opérations de change.
La réponse des autorités mexicaines
*Des mesures pour soutenir la devise et la liquidité
L’impact potentiel de la brusque fluctuation du taux de change sur le bilan des entreprises locales est l’une des raisons qui a incité la banque centrale à intervenir énergiquement. Banxico est intervenue sur le marché des changes pour la première fois depuis septembre 1998 dans le but d’atténuer la volatilité en garantissant l’offre de dollars au moment même où la liquidité s’asséchait sur le marché, en raison, d’une part, de la forte demande des entreprises qui avaient pris des positions sur des dérivés de change et, d’autre part, des remboursements élevés de billets de trésorerie. Banxico a ainsi vendu l’équivalent de 8,5 MdUSD via des appels d’offres exceptionnels au comptant entre le 8 et le 10 octobre 2008, et a réintroduit un programme d’appels d’offres quotidiens au comptant d’un montant de 400 MUSD, déclenché lorsque la devise se déprécie de plus de 2 % le jour précédent l’appel d’offre programmé. La banque centrale a modifié son programme d’intervention sur le marché des changes depuis deux semaines ; elle offre désormais 100 MUSD quotidiennement et a limité l’intervention réglementée à 300 MUSD maximum par jour.
Au final, Banxico a vendu l’équivalent de 20 MdUSD à partir de ses réserves de change depuis le 8 octobre 2008, soit 25 % du total.
Mais malgré l’ampleur de ces interventions, les réserves internationales ont modérément diminué grâce aux transferts en provenance du Trésor mexicain et de Pemex, la compagnie pétrolière publique. Banxico a indiqué que les réserves de change s’élevaient à 80,6 MdUSD le 20 mars 2009. Par ailleurs, la Réserve fédérale américaine a accordé à Banxico une ligne de swap de 30 MdUSD ; un montant supplémentaire de 23,5 MdUSD pourrait être mis à sa disposition via la facilité de prêt de liquidités à court terme du FMI.
La banque centrale a aussi mis en place un programme de swap de taux d’intérêt à destination des institutions financières nationales et assoupli les règles d’accès au guichet de l’escompte en élargissant l’éventail des actifs admis en garanties comme les obligations d’entreprises, les obligations hypothécaires municipales et les dépôts en dollars. Banxico et le Ministère des finances ont mis en place une stratégie coordonnée destinée à améliorer le bon fonctionnement des marchés financiers locaux, comprenant un arbitrage en faveur des titres de créances à court terme de façon à répondre à la demande pour les obligations d’Etat à court terme, à améliorer la liquidité des obligations d’Etat à long terme et à aplatir la courbe des taux.
Parallèlement, la banque centrale a été confrontée au dilemme classique entre stabilité du taux de change et inflation d’une part et compétitivité et activité économique de l’autre. Les répercussions (pass-through) de la faiblesse du taux de change sur l’inflation (l’inflation annuelle a atteint 6,2 % en février 2009, ce qui est bien supérieur à l’objectif de 3,0 %) ont pour l’heure empêché la banque centrale de fixer son taux directeur à un niveau neutre, en d’autres termes de faire coïncider le taux directeur réel avec le taux de croissance réel de l’économie. Néanmoins, étant donné que les risques pesant sur la croissance sont de plus en plus pregnants, la banque centrale a engagé un cycle d’assouplissement monétaire.
Le taux directeur (TdF) a été assoupli de 50 pb en janvier, 25 pb en février et 75 pb en mars, à 6,75 %. Banxico considère désormais que les risques inflationnistes sont orientés à la baisse en dépit des pressions à court terme et devrait donc annoncer de nouvelles baisses de taux dans les mois à venir.
*Mesures en faveur de l’activité
En octobre, le congrès a adopté une version modifiée du budget 2009 qui intègre un plan d’urgence destiné à soutenir l’activité économique et l’emploi. Le nouveau budget a été augmenté de 200 MdMXN et prévoit un déficit budgétaire de 1,8 %, (contre un budget à l’équilibre dans sa première mouture). Par ailleurs, le congrès a approuvé l’emprunt de 380 MdMXN (contre 295 MdMXN initialement) sur le marché domestique et de 5 MdUSD (contre 500 MUSD seulement) sur les marchés financiers internationaux.
Parallèlement, le gouvernement a annoncé une série de mesures d’un montant de 208 MdMXN parmi lesquelles l’octroi de prêts hypothécaires par l’intermédiaire de la Sociedad Hypotecaria Federal (SHF), des garanties d’emprunt destinées à aider les entreprises locales à refinancer leur dette commerciale via les banques de développement Bancomext et Nafin, des prêts aux municipalités et aux gouvernements locaux par l’intermédiaire de Banobras, la banque dédiée au développement des infrastructures, ainsi que le financement des entreprises engagées dans des projets d’infrastructure.
Le gouvernement a dévoilé en janvier 2009 un deuxième plan de relance budgétaire ; celui-ci reflète davantage une réorientation des priorités en termes de dépenses plutôt qu’un réel effort budgétaire supplémentaire. Parmi les 25 mesures que comporte le plan, figurent l’extension des allocations de chômage, le soutien aux ménages à bas salaire et aux petites et moyennes entreprises, via une baisse des tarifs énergétiques et l’accès élargi au crédit, ainsi que le renforcement du programme d’infrastructures pour 2009.
Une forte corrélation avec le cycle économique des États-Unis
Une analyse comparative des cycles économiques du Mexique et des États-Unis au cours des vingt dernières années, à partir des taux de croissance en moyenne mobile sur cinq ans, indique que les deux pays ont eu des évolutions économiques complètement distinctes jusqu’à la crise mexicaine de 1994-95. A l’inverse, suite à la création de l’ALENA, les performances économiques des deux nations se sont progressivement rapprochées, même si le cycle mexicain demeure plus heurté et volatil.
Cette synchronisation économique procède naturellement de l’importance des échanges commerciaux entre les deux pays, les États-Unis représentant quasiment l'unique partenaire commercial du Mexique, avec 80 % des exportations de ce dernier.
Ce constat corrobore l’idée d’une forte intégration des processus de production américain et mexicain, organisé autour d’une « division du travail » basée notamment sur la sous-traitance d’une partie de la production américaine par les maquilas mexicaines ; d’où l’importance des échanges intra-industrie et des biens intermédiaires et d’équipement dans les exportations mexicaines.
De façon plus surprenante, cette conclusion s’applique aussi au secteur des services, les « non-tradable », intuitivement considérés comme faiblement exposés à un choc d’offre ou de demande aux Etats-Unis. Ces résultats suggèrent donc l’existence d’importants « spillover effects » des exportations sur le reste de l’économie mexicaine (pour davantage de détails, voir Conjoncture, mars 2008, Un Mexique toujours exposé, mais moins vulnérable).
En outre, les liens entre les deux économies dépassent largement la simple intégration des échanges commerciaux. Les transferts de fonds des Mexicains émigrés – principalement aux États-Unis, qui comptent plus de 10 millions de résidents d’origine mexicaine -, sont devenus un facteur crucial de stabilité macroéconomique du pays depuis dix ans, mais dont le rôle va bien au-delà d’une simple contribution à la consolidation des comptes extérieurs et au dynamisme de la consommation intérieure. L’importance des remesas stigmatise une émigration massive – à l’origine de tensions diplomatiques entre les deux pays compte tenu de l’importance de l’émigration clandestine – considérée comme une « soupape de sécurité » apaisant les tensions sociales dans un pays où les opportunités d’emploi offertes à une grande frange de la population faiblement éduquée et pauvre reste limitées.
Une « économie réelle » en souffrance
Compte tenu de l’intensification de la crise financière international et du ralentissement de l’économie américaine depuis octobre 2008, les autorités mexicaines ont admis que leur pays subirait une récession majeure en 2009, Banxico prévoyant à présent une contraction de l’activité comprise entre 0.8% et 1.8% en rythme annualisé.
Sur le plan technique, le Mexique est déjà en récession, puisque son PIB réel s’est contracté de respectivement 0,5 % et 0,8 % aux troisième et quatrième trimestres 2008 d’un trimestre sur l’autre.
Les volumes d’exportations ont chuté de 8,8 % en glissement annuel au quatrième trimestre, tandis que ceux des importations reculaient de 7,7 %. La production industrielle a diminué pour le septième mois consécutif en janvier 2009. Toutes les composantes de l’industrie ont enregistré une croissance négative et le décrochement de -11,1 % enregistré en glissement annuel en janvier représente la plus forte baisse depuis mi-1995. L’industrie automobile, sans doute le secteur le plus intégré à la chaîne de production américaine, s’est effondrée de 51% en rythme annuel en janvier. Dans le même temps, le secteur pétrolier du pays a poursuivi son inexorable déclin, la production et les exportations de pétrole brut chutant de respectivement 9% et 17% en volume en 2008. En ce qui concerne le secteur de la construction (-8,5 % en glissement annuel en janvier), l’impact de la crise économique actuelle dépendra des capacités du gouvernement à mettre en œuvre son programme d’infrastructures.
Malgré la dégradation de la confiance des entreprises, l’investissement a légèrement progressé, de 0,6 % en glissement annuel au quatrième trimestre, tandis que la consommation privée abandonnait 1,3 %. La forte diminution des ventes de détail, ainsi que la contraction du secteur tertiaire, procèdent de la restriction de l’accès au crédit et de la hausse du chômage qui pèsent sur le moral des ménages. En outre, la réduction des transferts de fonds de la part des travailleurs émigrés (-3,6 % en 2008) s’est accélérée.
Les remesas ont chuté de 12 % en glissement annuel en janvier, soit l’une des plus fortes baisses jamais enregistrées. Ce phénomène met le doigt sur la pression à laquelle sont soumis les travailleurs mexicains aux États-Unis et sur les problèmes potentiels que cela suppose en termes de montée du chômage et de troubles sociaux au Mexique si de nombreux émigrés décidaient de rentrer dans leur pays.
La leçon des crises précédentes
*1994-95 : le cas-type d’une crise de la balance des paiements
Au cours des vingt dernières années, le Mexique a engagé un processus de libéralisation économique et financière avec comme point d’orgue l’entrée dans l’ALENA en 1994. Ses changements structurels rapides et le vent d’optimisme sur les perspectives de croissance du Mexique ont été des vecteurs de la crise économique et financière de 1994-95. Les sorties massives de capitaux qui avaient afflué dans le pays depuis la fin des années quatre-vingt, ainsi que le « credit crunch », marquant un coup d’arrêt à plusieurs années d’expansion non contrôlée du crédit alloué par un secteur bancaire fragile, ont amplifié la crise de la balance des paiements courants L’accumulation de déficits commerciaux importants a rendu le régime de change fixe d’autant moins soutenable que les États-Unis ont commencé à resserrer leur politique monétaire.
Des sorties massives de capitaux, qui avaient afflué dans le pays depuis la fin des années 1980, combinées à un resserrement du crédit, qui a subitement mis fin à plusieurs années de développement incontrôlé des prêts, ont amplifié les pressions sur la balance des paiements. Compte tenu de la fragilité du secteur bancaire mexicain, les autorités locales ont été incapables de prendre les mesures appropriées pour soutenir le peso (notamment une augmentation des taux d’intérêts). Dans ces conditions, l’émergence de tensions socio-politiques majeures en 1994 (année électorale), cumulée à l’épuisement des réserves de change, a déclenché une crise de liquidité marquée par une chute du PIB réel de 6,2 % en 1995 et par une dépréciation de 50 % du MXN en trois mois. Le support financier accordé alors au Mexique par les Etats-Unis, directement ou via le FMI, est estimé à près de 40 MdUSD.
Dès 1996, la croissance du PIB réel mexicain a rebondi à +5,1%, soutenue par des exportations dynamiques profitant d’une monnaie faible.
* 2001-02 : un choc de l’offre venu des États-Unis combiné à une politique budgétaire procyclique
L’analyse précédente des liens étroits entre les économies du Mexique et des États-Unis permet de comprendre dans une certaine mesure le ralentissement économique de 2001-02, qui fut plus marqué au Mexique qu’aux États-Unis du fait de l'origine et de la nature de la crise. Celle-ci procédait d'un choc de l'offre aux États-Unis après l'accumulation de capacités de production excédentaires pendant la période euphorique de la bulle technologique. Après une année exceptionnellement dynamique en 2000, les volumes d’exportation mexicains se sont contractés de 3,5 % en 2001, tandis que les volumes d’importation américains reculaient de 2,7 %.
La même année, la production et l’investissement industriels mexicains chutaient de respectivement 5,9 % et 5,6 %, contre des baisses de 6 % et 1,8 % aux États-Unis. Au final, l’économie mexicaine n’a pas été considérablement plus touchée que celle de son grand voisin (-0,2 % contre +0,8 % en 2001), mais il lui a fallu plus de temps pour se redresser (+0,8 % contre +1,6 % en 2002). Les différences de gravité et de durée de la crise entre les deux pays mettent en avant l’incapacité du gouvernement mexicain de l’époque à adopter, contrairement aux États-Unis, une politique budgétaire contracyclique pour soutenir la croissance.
* Depuis 2008 : une grave crise financière et économique mondiale née aux Etats-Unis, mais des fondamentaux macroéconomiques plus solides
En 1994-95, la crise procédait largement de déséquilibres et de faiblesses endogènes à l’économie mexicaine, alors que la crise actuelle apparaît largement d’origine exogène et pourrait par conséquent s’avérer moins sévère. Compte tenu de l'ampleur des chocs externes et de la corrélation entre la conjoncture au Mexique et le cycle économique des États-Unis, notre scénario central table sur une contraction de 3 % du PIB réel en 2009, soit la récession la plus sérieuse depuis 1995. Nous estimons cependant que la crise actuelle pourrait durer plus longtemps que les deux précédents épisodes de ralentissement économique, avec un très léger redressement de l’économie mexicaine de +0,5 % en 2010. De fait, en raison de la chute de la demande mondiale, les exportations mexicaines ne devraient pas repartir rapidement à la hausse, contrairement à ce qui s’était passé au milieu des années 1990. En outre, le biais contracyclique de la politique budgétaire ne devrait avoir qu’une couverture limitée. Les deux plans de relance devraient engendrer une dynamique de l’ordre de 2,0-2,5 % du PIB sur plusieurs années, sans impact majeur sur la croissance en 2009. Dans le meilleur des cas, cela permettra de modérer la contraction de l’investissement.
Quoi qu’il en soit, outre la nature mondiale de la récession actuelle, plusieurs caractéristiques différencient la situation présente du Mexique de celle des crises précédentes, et le pays devrait probablement mieux résister aux troubles financiers récents et aux difficultés économiques actuelles :
- La qualité de crédit des entreprises mexicaines suscite des préoccupations, devant amortir un montant significatif de dette extérieure en 2009 et étant exposées à une récession mondiale sérieuse et durable. Cependant, le risque systémique de crédit est atténué par la relative stabilité du système bancaire mexicain, caractérisé par un bon niveau de capitalisation, par un ratio prêts/dépôts relativement modéré malgré la forte progression du crédit intérieur, par un pourcentage de créances douteuses encore peu élevé, par d'importantes provisions et, enfin, par le faits que les filiales des banques étrangères (65% des capitaux propres du système bancaire sont détenus par des investisseurs étrangers) ne sont pas dépendantes des lignes de financement des sociétés mères. Au total, les mesures dévoilées par le gouvernement à ce jour ne prévoyaient pas d'aide au système bancaire, qui est actuellement en mesure d'absorber les chocs, contrairement à 1995, lorsque sa fragilité n’avait fait qu’exacerber la crise.
- Au cours des deux crises majeures qui ont touché le Mexique au cours des 25 dernières années – la crise de solvabilité de la dette souveraine au début des années 1980 et celle de la balance des paiements en 1994-95 – le secteur public a joué un rôle central de catalyseur. Ces dernières années, la situation des finances publiques s’est considérablement améliorée. La politique budgétaire restrictive adoptée depuis la fin des années 1990 a contribué à stimuler la confiance des investisseurs internationaux et amélioré la stabilité macroéconomique du pays. Il est évident que le solde budgétaire passera dans le rouge cette année, mais la liquidité du secteur public n'est pas en jeu, du moins à court terme, grâce à un accès toujours relativement aisé au marché obligataire international et au marché local (soutenu ces dernières années par le développement des fonds de pension domestiques), mais aussi au montant des réserves de change officielles et à la couverture contre la baisse des cours du pétrole mise en place par le gouvernement en juillet 2008.
- En raison de la dégradation attendue de la balance commerciale, de la diminution des transferts de fonds et de l’assèchement des flux de capitaux (IDE, investissements de portefeuille et crédit syndiqué), la couverture des besoins de financement de 2009 se traduira probablement par une diminution des réserves de change officielles. En outre, les capitaux spéculatifs restent très importants. Nous estimons toutefois qu’une crise de la balance des paiements associée à une chute libre de la monnaie nationale est peu probable ; en effet, le déficit courant actuel reste tout à fait maîtrisable et, en cas d’extrême urgence, le pays pourra recourir à sa ligne de swap avec les États-Unis et à la facilité à court terme accordée par le FMI.
Demeurent toutefois de nombreuses faiblesses et incertitudes. Le Mexique est considéré comme une démocratie formelle, basée sur des institutions politiques relativement solides. Des incertitudes politiques pourraient cependant se faire jour suite aux élections de mi-mandat en juillet 2009 que le parti du Président Calderon est en passe de perdre. La guerre sanglante menée contre et entre les cartels de la drogue est notamment devenue une source de graves préoccupations, le crime organisé et la corruption généralisée qui en découle menaçant l’état de droit au Mexique. A moyen terme, la réforme budgétaire n’a pas réussi à élargir l’assiette fiscale et, surtout, l’avenir du secteur énergétique est particulièrement inquiétant en raison de la forte dépendance des recettes fiscales liées aux prix du pétrole.