par Philippe de Vandière, Analyste marché IG Markets France
Les Bourses mondiales ont encore connu un mois de mai difficile. Les déficits budgétaires européens affolent les marchés et ont complètement occulté les bons résultats de sociétés en Europe comme aux Etats-Unis. La mise en place d’un plan de stabilisation de 750 milliards d’euros, sera passé quasiment inaperçue, en effet le manque de détails de ce plan n’a pas permis de rassurer les investisseurs. Le manque de coordination entre les états membres sur les mesures à prendre pour sortir de l’ornière inquiète tout particulièrement les opérateurs.
L’Allemagne a en effet décidé unilatéralement d'interdire les ventes à découvert portant notamment sur les emprunts d'Etats de la zone euro, et sur certains types de CDS, ainsi que sur les dix valeurs bancaires allemandes. Tout ceci entraine le retour de la volatilité, et des tensions sur le marché interbancaire, que l’on mesure par le spread entre le Libor et l’OIS. Ce spread a touché des plus hauts d’un an en mai, à 26.7 points.
Les statistiques sur le vieux continent sont mauvaises, l’indice ZEW dégringole de 53 points en avril à 45.8 points en mai, L'indice de confiance des chefs d'entreprise et des consommateurs de la zone euro, a chuté de 2,2 points en mai comparé en avril (point haut des deux dernières années).L’indice Ifo, indice du climat des affaires en Allemagne ressort en baisse aussi à 101,5 contre 101,9 attendu.
Les perspectives pour la consommation privée s'assombrissent, en raison des plans d’économies mis en place dans la zone euro (baisse des dépenses publiques). Le CAC 40 abandonne (-8,11%) sur le mois, l’Eurostoxx 50 (-7,33%).
Outre Atlantique, les statistiques économiques sont contrastées sur le mois. Les demandes d’allocation chômage sont en hausse sur le mois à 460k, contre 450k attendu. La croissance du PIB américain a été révisée en baisse à 3% (annualisé) au premier trimestre 2010, après une première estimation de 3,2%.
Cette baisse étant due en partie à des chiffres de consommation en dessous des attentes. En revanche les ventes de maisons ont bondi de 7.8% le mois dernier, le chiffre est particulièrement bon grâce aux crédits d’impôts.
Mais la volatilité qui a fait son retour, a touché de nouveaux plus hauts à 48 le 25 mai sur le S&P500.
Pour rappel le record sur le VIX avait été établi en octobre 2008 à 88%, reflétant le niveau moyen de la volatilité implicite des options ayant pour sous-jacent l’indice S&P500.
La SEC a dit vouloir revoir les règles de marché suite au sell-off du 6 mai dernier durant lequel le Dow Jones avait perdu près de 9% en 5 min, ce qui fait craindre des limites à la spéculation.
Le S&P500 perd sur le mois -8,20% et le Dow Jones -7,92%.
Les investisseurs sont moins positifs sur les marchés émergents, à cause du probable resserrement monétaire en Chine, qui pourrait également avoir un effet d’entraînement sur les autres économies émergentes. L’indice Composite de Shanghai baisse de -9.70%.
Du point de vue sectoriel
Le problème de coordination au sein de l’union européenne, nous incite dans notre allocation stratégique, à tout d’abord effectuer une sélection par pays. En effet la baisse de l’euro représente une aubaine pour les entreprises qui produisent en zone euro et exportent vers les pays émergents dont la monnaie est liée au dollar, comme la Chine ou le Brésil. Il faudra donc privilégier les pays exportateurs comme l’Allemagne, au détriment de pays comme l’Espagne, qui exporte très peu.
Nous continuons donc à privilégier les Etats-Unis, car les signes de stabilisation de leur économie et les résultats encourageants de société comme Hewlett Packard montrent bien leur capacité à s’adapter aux conditions de marché, qu’elles soient difficile ou non,
Les secteurs ayant sous performé au mois de mai sont :
La construction qui dégringole (-11,38%) : Saint-Gobain -16,11%, Lafarge -14,33%, Le secteur bancaire a connu un mois difficile (-9,81%), BNP perd -11,20%, Société Générale -13,24%, et enfin l’énergie (-9,16%) touché par la baisse du pétrole, avec Total qui baisse de -7,91%, et Maurel et Prom qui signe la plus forte baisse du secteur avec une perte de -16,82% sur le mois. Les secteurs ayant le mieux résisté sur le mois sont :
L’automobile (-1,80%) avec BMW qui perd seulement -1,60%. Le secteur est toujours tiré par la prime à la casse, les valeurs premiums (moins sensibles à la conjoncture) et par les équipementiers, Michelin baisse seulement de -0,67%. La Santé limite également les pertes (-2,53%), mais devrait souffrir des futures réductions de remboursement de médicaments de la part des gouvernements européens : Sanofi Aventis s’adjuge +0,37% (hors dividende de 2,40 euros), Roche perd -4,32%. L’alimentaire et les boissons profitent de leur forte exposition au dollar et de leur forte exposition à la croissance hors d’Europe, le secteur perd seulement (-1,30%), Pernod Ricard -3,3%, L’oréal perd -2,5%.
On remarque surtout que l’allocation secteur défensif vs cycliques, n’a plus lieu d’être dans des marchés en transition.
Du côté des devises
Le déclin de l’euro s’est poursuivi au mois de mai, toujours impacté par les problèmes de dettes européennes, L’écart se creuse face au billet vert, notamment car des signes de stabilisation de l’économie US sont perceptibles, et car la croissance américaine a certes été revue à la baisse, mais elle est attendu à 3% alors que l’on attend une croissance moitié moindre en zone euro, au alentour de 1,5%.
L’incertitude qui règne sur les marchés incite également les opérateurs à se détourner des devises risquées, c'est-à-dire à fort rendement, comme l’euro, pour se recentrer sur des devises dites « refuges » comme le yen ou le dollar. Sur le mois l’euro perd -7,52% face au dollar.
Du côté des matières premières
L'or noir a été plombé par le renforcement du dollar, les craintes de resserrement monétaire en Chine et de l'aversion au risque des investisseurs. Les annonces d’une croissance plus faible aux Etats-Unis et en zone euro ont fait plongé les cours du baril au dessous des 70$, pour la première fois depuis février. Le vieux continent souffre de la baisse de l’euro qui fait grimper le prix des produits importés, donc les prix à la pompe. La hausse des réserves de brut de quelques 200 000 barils ont poussé les cours à la baisse.
Le baril (WTI) perd -12,5% sur le mois, pour s’établir à 74,78$. Il reste donc dans la fourchette 70$/80$ qui convient parfaitement aux membres de l’OPEP, et donc qui ne les incitera pas à modifier la production.
L’Or gagne 3,12% à 1215,63$ l’once, après avoir établi un record au cours du mois à plus de 1249$. L’or profite pleinement de son rôle de valeur refuge.