Allemagne : la croissance du PIB soutenue par les exportations

par Catherine Stephan, économiste chez BNP Paribas

La croissance a ralenti au cours des deux derniers trimestres (+0,2% t/t aux T1 2010 et T4 2009, après +0,7% t/t et +0,4% t/t aux T2 2009 et T3 2009). Les mauvaises conditions climatiques de l’hiver dernier ont pénalisé l’activité, notamment dans le secteur de la construction.

Les exportations devraient croître à un rythme plus soutenu au cours des prochains mois que lors des deux trimestres précédents (+2,6% t/t au T1 2010, après +2,3% t/t au T4 2009). L’effet de base est très favorable avec une hausse des exportations de biens de 10,7% m/m en mars, et les carnets de commandes manufacturières ont fortement augmenté au premier trimestre (+6,5% t/t, après +0,9% t/t au T4 2009).

Le recul de l’emploi a été limité au premier trimestre, mais des tensions persistent sur le marché du travail et devraient continuer de peser sur l’évolution des salaires et, in fine, sur la consommation privée.

La réduction du déficit général des finances publiques nécessitera des mesures de consolidation budgétaire pour que le déficit soit ramené sous 3% du PIB en 2013.

Le PIB allemand a enregistré une croissance de 0,2% t/t au premier trimestre 2010. Le rythme de croissance a ralenti au cours des derniers trimestres (+0,2% t/t au T4 2009, après +0,7% t/t et +0,4% t/t aux T2 2009 et T3 2009). Toutefois, les mauvaises conditions climatiques de l’hiver dernier ont pénalisé l’activité, notamment dans le secteur de la construction. Le PIB devrait donc accélérer au cours des prochains trimestres d’autant que les exportations devraient également croître à un rythme plus soutenu que lors des deux trimestres précédents (+2,6% t/t au T1 2010, après +2,3% t/t au T4 2009) : l’effet de base est très favorable avec une hausse de 10,7% m/m des exportations de biens en mars, et les carnets de commandes manufacturières ont fortement augmenté au premier trimestre (+6,5% t/t, après +0,9% t/t au T4 2009). La dynamique des exportations devrait donc permettre de pallier la faiblesse de la consommation privée.

Les exportations soutiennent l’activité

L’Allemagne bénéficie du regain de la demande en provenance des Etats-Unis et de la Chine mais également des pays de la zone euro, vers lesquels l’Allemagne exporte un peu plus de 40% de ses produits. Les commandes manufacturières des pays de la zone euro ont, en effet, augmenté de 8,7% t/t au premier trimestre (après -1,7% t/t au T4 2009) alors que hors zone euro, les commandes ont enregistré une hausse de près de 5% t/t (après +6% t/t au T4 2009).

Les entreprises allemandes bénéficient des efforts accomplis à partir du milieu des années 2000 (modération salariale, restructuration des entreprises) qui leur permettent d’être compétitives sur les marchés étrangers, ainsi que de la dépréciation de l’euro par rapport au dollar depuis novembre 20091. En effet, les entreprises exportatrices ne répercutent, vraisemblablement, que partiellement les variations de change et maintiennent ou abaissent leurs prix en devises. Ainsi, les prix à l’exportation avaient augmenté de 3% g.a. en avril 2010 (-2,2% en moyenne en 2009), tandis que les prix à l’importation avaient progressé de 7,9% g.a. (-8,4% en moyenne en 2009). La compétitivité-prix2 de l’économie allemande continue ainsi de s’améliorer. L’indicateur harmonisé publié par la Banque centrale européenne, qui avait légèrement augmenté en 2009, est orienté à la baisse depuis décembre 2009, baisse qui suggère une légère amélioration de la compétitivité-prix de l’Allemagne (à 93,6 en avril 2010, après avoir atteint un point haut à 98,6 en octobre 2009). Par ailleurs, l’Allemagne affiche toujours une compétitivité-prix supérieure à celle de la zone euro (à 100,2 en avril, autour de 105 en moyenne entre 2005 et 2009, contre environ 97 en Allemagne).

Parallèlement, les importations (+6,1% t/t au T1 2010, après -1,6% t/t au T4 2009), qui ont probablement alimenté les stocks (+1,9 point à la croissance du PIB au T1 2010) au premier trimestre, devraient croître à un rythme plus modéré au cours des prochains mois, compte tenu de la faiblesse de la consommation privée. Au final, le commerce extérieur, qui a apporté une contribution négative de 1,1 point à la croissance au premier trimestre devrait donc soutenir la croissance du PIB au cours des trimestres à venir.

L’investissement des entreprises a amorcé une légère reprise

La progression des exportations de biens a permis au secteur industriel d’afficher une hausse de l’activité au premier trimestre, la première depuis le début de la crise (+6,8% g.a., environ -18% en 2009). L’industrie a ainsi pu contribuer à environ 20% du PIB au premier trimestre, un point de plus qu’au premier trimestre 2009.

Elle a également permis de résorber partiellement les excédents de capacités de production du secteur manufacturier. Le taux d’utilisation des capacités de production, en hausse depuis le troisième trimestre 2009, s’établissait ainsi à 80% au premier trimestre 2010 après avoir atteint 71% au deuxième trimestre 2009. Ce rebond, conjugué à l’amélioration des perspectives de croissance, a incité les entreprises à accroître leurs dépenses d’investissement en machines et biens d’équipement, qui s’étaient effondrées de près de 20% en 2009, au premier trimestre (+1,6% t/t, après -1,5% t/t au T4 2009).

Un recul limité de l’emploi au premier trimestre…

L’emploi dans l’industrie restait en repli de 4,1% g.a. au premier trimestre, alors que l’emploi total reculait de seulement 0,3% g.a, grâce aux emplois créés dans le secteur des services (+0,7% g.a. au T1 2010), qui représente près de 75% de l’emploi total3, et au dispositif d’aides au chômage partiel, qui a incité les entreprises à conserver leurs salariés. Par ailleurs, le repli de l’emploi en 2009 a incité certains actifs à se retirer du marché du travail. Ainsi, le taux de chômage, en légère baisse depuis le début de l’année grâce à une reprise de l’activité (à 7,8% en avril), se situait à seulement 0,2 point au-dessus de celui de novembre 2008. Le recours au chômage partiel devrait également permettre de sauvegarder des emplois en 2010, d’autant que les entreprises souhaiteront vraisemblablement conserver une main d’œuvre qualifiée dans la perspective de la poursuite de l’accroissement de l’activité. Le faible niveau de l’activité, qui mettra plusieurs trimestres pour revenir à un niveau antérieur à la crise, devrait cependant dissuader les entreprises de créer des emplois.

D’autant que les aides de l’Etat ne pallient que partiellement la hausse du coût unitaire du travail. Alors qu’ils avaient légèrement diminué au second semestre 2009 grâce à une reprise de l’activité, les coûts salariaux unitaires horaires ont de nouveau augmenté au premier trimestre 2010, en raison vraisemblablement de la hausse des cotisations patronales, et dépassaient de près de 7,5% ceux du deuxième trimestre 2008. Les tensions devraient donc persister sur le marché du travail et continuer de peser sur l’évolution des salaires et, in fine, sur la consommation privée. Par ailleurs, les emplois créés dans les services, souvent à temps partiel4, sont moins bien rémunérés que ceux dans l’industrie.

… mais le repli du pouvoir d’achat des ménages pèse sur leurs dépenses de consommation

Le nombre d’heures travaillées reste inférieur de près de 3% à celui du premier trimestre 2008 mais a augmenté au premier trimestre 2010 (+1,1% g.a.) et permis une hausse des rémunérations salariales (+0,8% g.a. au T1 2010, après -0,1% g.a. en 2009).

Parallèlement, les prestations sociales versées aux ménages ont continué de progresser (+4,5% g.a. après +7,7% en 2009), et l’impôt sur le revenu a diminué (-6,7% g.a. au T1 2010, après -2,4% g.a. en 2009), grâce notamment aux mesures adoptées dans le cadre des plans de relance de novembre 2009 et janvier 2010. Toutefois, la hausse de l’inflation à partir de l’été 2009 a obéré le revenu disponible réel (-1% g.a. au T1 2010). Les ménages, confrontés à un environnement incertain, ont par ailleurs souhaité accroître leur épargne. Le taux d’épargne a atteint au premier trimestre son niveau le plus élevé depuis le milieu des années 1990 (à 11,6% après 11,3% en 2009). La consommation privée, qui a enregistré sa troisième baisse consécutive au premier trimestre 2010, continuera vraisemblablement à reculer au cours des prochains mois. Le pouvoir d’achat des ménages continuera, en effet, à être pénalisé par la hausse de l’inflation (+1% en avril) au cours des prochains mois.

Par ailleurs, le nombre d’heures travaillées ne devrait retrouver le niveau qui précédait la crise que progressivement, compte tenu du faible niveau d’activité. En outre, le gouvernement a renoncé à alléger la charge fiscale des ménages au cours des deux prochaines années et envisage d’adopter des mesures de consolidation budgétaire dès 2011. D’ailleurs, selon les résultats de l’enquête GfK de mai, les ménages redoutent les effets des difficultés de financement de la dette publique dans certains pays de la zone euro. Ils anticipent une dégradation de la situation économique au cours des douze prochains mois (à 3,9 en mai, après 22,5 en avril) et envisagent, dans une plus faible proportion que les mois précédents, d’effectuer des achats importants (à 18,1 en mai, après 36,5 en septembre 2009) en raison notamment d’une hausse anticipée de l’inflation et des impôts.

Le gouvernement va privilégier les mesures de consolidation budgétaire

La réduction du déficit général des finances publiques (soldes budgétaires cumulés des administrations centrales, locales et de sécurité sociale)5 et le respect du nouvel amendement inscrit dans la Loi fondamentale depuis l’été 20096 nécessiteront des mesures de consolidation budgétaire7. Plus généralement, le gouvernement devra réduire son déficit structurel (c’est-à-dire le solde budgétaire corrigé des fluctuations conjoncturelles) de 4,5% du PIB en 2010 à près de 2,5% en 2013 afin de réduire son déficit général. Celui-ci continuera, en effet, à se creuser en 2010 (5,5% du PIB, après 3,3% en 2009) en raison des effets des stabilisateurs automatiques et des mesures de soutien à l’activité adoptées après la crise sur les finances publiques. L’endettement de l’économie allemande devrait cependant continuer à augmenter au cours des prochaines années (76,5% du PIB en 2010, après 72,5% en 2009 et 65,9% en 2008).

 NOTES

  1. Les entreprises pourraient même gagner des parts de marché au sein de la zone euro vis-à-vis des concurrents hors UEM.
  2. Les indicateurs de compétitivité mesurent l’évolution des prix allemands par rapport à ceux de leurs concurrents étrangers, en tenant compte des taux de change. Il s’agit de moyennes pondérées des variations relatives des taux de change bilatéraux entre l’euro et les monnaies des partenaires commerciaux de l’Allemagne. Une variation positive signifie une baisse de la compétitivité-prix des biens domestiques.
  3. L’emploi a notamment augmenté de 1,9% g.a. au premier trimestre 2010 dans les services publics.
  4. Le secteur des services représente plus de 80% des personnes à temps partiel.
  5. L’Allemagne s’est engagée auprès de la Commission européenne à ramener son déficit en deçà de 3% du PIB en 2013.
  6. Le déficit structurel du gouvernement central ne pourra pas excéder 0,35% du PIB à partir de 2016 (sauf situation de crise), et les Länder ne pourront plus afficher de déficit à partir de 2020.
  7. Le gouvernement allemand a renoncé à alléger la charge fiscale des entreprises et des ménages au cours des deux prochaines années. Au-delà de l’incertitude actuelle autour des finances publiques, la perte de la majorité au Bundesrat (la chambre des Länder) aurait rendu très difficile l’adoption de telles mesures. 

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