Momentum Majeur

par Andrew Parry, Responsable des investissements chez JO Hambro & Regnan

L’année qui se termine offre de précieux enseignements pour ceux qui cherchent à comprendre les tendances guidant les marchés et leur impact sur le comportement des investisseurs. L’interaction complexe entre le momentum, les monopoles, les développements politiques et les normes de durabilité a mis en lumière des tensions significatives pour les investisseurs engagés dans le développement durable.

D’après MSCI, le facteur « momentum » a historiquement été l’un des plus puissants générateurs de rendements pour les investisseurs en actions. Les fonds durables en ont profité pendant de nombreuses années grâce à leur corrélation avec le facteur « Croissance de qualité », qui a bien performé jusqu’à ce que les taux d’intérêt commencent à se normaliser en 2021.

L’Ascension des Technologiques : Les « Sept Magnifiques »

S’il peut être un allié précieux, le « momentum » est pourtant sujet à des changements imprévisibles, à mesure que les préférences des investisseurs évoluent. Récemment, le momentum s’est concentré sur les actions de groupes technologiques liés à l’IA, qui ont connu une reprise après le marché baissier de 2022. Certaines entreprises atteignent désormais des valorisations de plusieurs milliers de milliards de dollars et ce sont elles qui ont dominé les classements de progression des indices. Ne pas détenir des actions comme Nvidia, Amazon, TSMC, Microsoft, Alphabet, Broadcom ou Meta rendait très difficile toute surperformance de l’indice pour les gestionnaires de portefeuilles au cours des deux dernières années.

Défis pour la Durabilité : Momentum et Méga-Capitalisations

Mais pour les investisseurs axés sur la durabilité et l’impact, le facteur momentum présente un défi : la performance dominée par quelques méga-capitalisations, peut-elle s’aligner sur des objectifs de durabilité authentiques ?

Les nouvelles exigences de divulgation en matière de durabilité (SDR) de la FCA visent à établir des normes claires et élevées pour les fonds qui emploient des termes liés à la durabilité dans leurs noms, avec des critères encore plus stricts pour ceux qui souhaitent appliquer l’un des quatre nouveaux labels de durabilité. Après le tsunami de greenwashing qui a suivi l’introduction des Exigences de Divulgation Financières Durables de l’UE, cette initiative est bienvenue, même si les gestionnaires de fonds auront du mal à démontrer leur alignement avec des objectifs de durabilité bien définis pour obtenir un label, tout en conservant la flexibilité d’intervenir dans toutes les parties du marché. 

Les nouvelles normes réglementaires exigent de plus en plus que les fonds durables démontrent un alignement avec des caractéristiques de durabilité robustes et mesurables ; il ne suffit plus simplement d’exclure certaines activités. Comme toute autre stratégie d’investissement – qu’elle soit axée sur la valeur, le revenu ou la croissance – les fonds durables doivent clairement définir leurs activités éligibles. Ceci est particulièrement important dans un marché dominé par le momentum, où les gestionnaires peuvent se sentir incités à se positionner sur les méga-capitalisations, même si les activités durables de ces entreprises – mesurées en fonction des revenus ou des dépenses d’investissement – sont faibles, ou si leurs comportements sont discutables.

Monopoles et régulation : Une épreuve pour les géants technologiques

En parallèle, les questions de monopole et d’antitrust prennent une importance croissante du côté des responsables politiques et des régulateurs, soulevant des questions cruciales pour les investisseurs durables et d’impact. L’UE et la Federal Trade Commission (FTC) aux États-Unis ont ainsi intensifié leurs actions en justice pour restreindre le pouvoir excessif des entreprises et la consolidation industrielle. Le 6 août, le juge Mehta a statué que Google avait enfreint le Sherman Antitrust Act en excluant des concurrents du marché de la recherche sur Internet. Dans son résumé, le juge conclut que « Google est un monopole ». En réponse, le ministère américain de la Justice envisage une scission de Google. De plus, début juillet, Google a publié un rapport révélant que ses émissions totales de gaz à effet de serre (directes et indirectes) avaient augmenté de 50 % depuis 2019 ; en 2023, les seules émissions liées à l’énergie ont augmenté de 23 %. De même, Microsoft a révélé une croissance marquée de ses émissions, entraînée par l’expansion impressionnante de ses activités diversifiées. Les entreprises de médias sociaux ont également été critiquées pour leur manque d’efforts dans la lutte contre la désinformation et les contenus nuisibles sur leurs plateformes, ainsi que pour leur rôle dans les récents troubles au Royaume-Uni.

Les questions d’antitrust font également les gros titres à l’approche de l’élection présidentielle américaine. JD Vance, colistier de Trump, a salué Lena Kahn, présidente activiste de la FTC, l’une des rares démocrates qu’il soutient. Parallèlement, certains donateurs milliardaires démocrates ont incité Kamala Harris à destituer Kahn si elle est élue, reflétant ainsi le rôle controversé que jouera la politique antitrust dans la structuration de l’avenir des entreprises américaines.

La décision de la Cour suprême concernant la « Chevron deference » mérite également d’être notée, car elle est perçue par beaucoup comme plus qu’une simple clarification de l’interprétation du droit administratif. Cette décision pourrait alléger le fardeau bureaucratique de la réglementation pour les entreprises américaines, augmentant potentiellement leurs profits. Bien que les investisseurs puissent se réjouir de la perspective de profits plus élevés pour soutenir les rendements, cela soulève des préoccupations quant à la façon dont les contrôles et contrepoids sur le pouvoir concentré des entreprises fonctionneront, surtout si le mandat actuel de la FTC est affaibli.

Vers un Nouveau Chapitre : Ralentissement du Momentum et Opportunités de Durabilité

Les investisseurs durables pourraient trouver un répit bienvenu dans la récente pause de la stratégie momentum, qui a commencé à émerger début juillet et s’est intensifiée en août.

Ce changement, provoqué par une hausse inattendue des taux d’intérêt japonais offre une occasion de recentrer leurs objectifs de durabilité sans la pression commerciale de suivre aveuglément les leaders de méga-capitalisations du marché.