N’enterrons pas trop vite l’économie britannique

par Michel Martinez, économiste chez Amundi Asset Management

Les investisseurs se montrent circonspects depuis le début de la crise à l’égard de l’économie britannique. Récemment, les marchés des changes ont mal digéré le déficit public historique enregistré en janvier ainsi que la publication d’un sondage suggérant que ni les travaillistes ni les conservateurs ne parviendraient à obtenir de majorité lors des prochaines élections législatives. Pourtant, les perspectives économiques ou des finances publiques à moyen terme nous paraissent s’améliorer.

Découplage avec la zone euro

L’économie britannique reste fragilisée par différents facteurs auxquels les investisseurs se sont montrés sensibles : niveau élevé d’endettement des ménages (80% du PIB) qui les conduit à épargner plus, crise immobilière, secteur bancaire mal en point, dégradation des finances publiques…Toutefois, les derniers indicateurs suggèrent que l’économie britannique devrait surperformer l’économie de la zone euro en 2010-2011.

Au quatrième trimestre, le PIB a affiché une croissance modeste de 0,3% t/t, mais supérieure à celle de la zone euro (+0,1% t/t). Contrairement à la zone euro, le taux de chômage est stabilisé depuis l’été dernier (7,8%), en raison notamment de la flexibilité de son marché du travail.

Le secteur de l’immobilier résidentiel montre des signes de stabilisation. Il faut dire que la bulle immobilière britannique n’avait rien de comparable à celles observées aux États-Unis, en Irlande ou en Espagne. Dans ces pays, les mises en chantier avaient connu une croissance fulgurante, aboutissant à un excès d’offre qu’il faudra plusieurs années pour écouler. Rien de tel au Royaume-Uni. Les baisses des prix immobiliers (-25% entre fin 2007 et avril 2009) et des taux d’intérêt ont permis de restaurer l’accessibilité des ménages au logement. Du coup, les prix immobiliers sont repartis à la hausse depuis mai dernier.

Les chefs d’entreprise dans le secteur manufacturier affichent un moral au plus haut depuis 1994 (indice PMI) et font état des carnets de commandes prometteurs ! Il faut bien sûr y voir l’effet du fort rebond des exportations (+6% au quatrième trimestre), en lien avec la reprise du commerce mondial et surtout la dépréciation de la livre. Depuis son plus haut de 2007, le taux de change effectif réel de la livre sterling a cédé 30%.

En termes de parité de pouvoir d’achat, le Sterling est sous-évalué d’environ 17% contre l’euro, son principal partenaire commercial, et apparaît légèrement sous-évalué face au dollar. 

Enfin, compte tenu de l’amélioration des conditions de crédit, du moral des chefs d’entreprise et du redressement du taux d’autofinancement de l’investissement (150%), le taux d’investissement des entreprises, au plus bas depuis 1970, devrait rebondir significativement au cours des prochains mois.

La dégradation de la dette n’est pas le plus sûr

La dette publique est passée de 44% du PIB en 2007 à 80% en 2010 et le déficit public devrait être supérieur à 12% du PIB cette année. Malgré sa mise sous surveillance négative par S&P, une dégradation de la notation AAA du Royaume-Uni est loin d’être sûre. Une partie significative de la hausse de l’endettement public s’explique par les prises de participation dans les banques (7% du PIB). Or, ces participations seront vendues une fois que les conditions de marché et les bilans des banques le permettront. Par ailleurs, la dette devrait mécaniquement diminuer dès que l’économie mondiale sera consolidée. En retenant des hypothèses peu favorables pour l’économie britannique, à savoir une croissance potentielle de 1,8% par an (contre 2,7% au cours de la dernière décennie), une inflation à 2,5% et des taux d’intérêt à 10 ans proches de 6%, le Royaume-Uni n’aura pas besoin de plans d’austérité pour diminuer le ratio dette publique sur PIB. Il faudra en effet dégager un surplus primaire (hors charges d’intérêt) de l’ordre de 1% du PIB, à comparer à une moyenne historique de 0,4%.

Cela correspond par exemple à une augmentation de la TVA de 17,5% à 19,5%. A condition bien sûr que le gouvernement dispose d’une majorité stable au Parlement et d’un mandat clair pour resserrer la politique budgétaire. On doit donc s’attendre à ce que la devise britannique fluctue au gré des sondages sur les élections législatives qui doivent se tenir d’ici juin.

Dans le scénario central où la croissance est modérée, mais légèrement plus forte qu’en zone euro, où la stabilité politique rend crédible la soutenabilité des finances publiques, la Banque d’Angleterre ne devrait pas étendre son programme d’achat d’emprunts d’État. Sachant qu’elle a acquis l’équivalent de 2/3 des nouvelles émissions du Trésor britannique en 2009, les taux longs devraient remonter au second semestre 2010. La devise britannique devrait également reprendre des couleurs contre l’euro. La hausse des taux longs devrait être plus rapide que celle des taux allemands, tout en restant contenue (25 à 50 pb). La Banque d’Angleterre craint en effet qu’une forte hausse des coûts de financement ne fasse rechuter l’économie et réagirait si besoin.