par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
L’accord européen d’aide à la Grèce auquel était parvenu l’Eurogroupe le 25 mars dernier, avait pour vocation de permettre une baisse du coût de refinancement de la dette publique grecque, condition nécessaire à une diminution du fardeau de la dette, et cela sans même mis en oeuvre. Or, c’est précisément la formulation relativement vague des circonstances dans lesquelles le dispositif pouvait être déclenché (uniquement en « dernier recours », en particulier si « le financement de marché est insuffisant ») et les incertitudes autour du niveau des taux d’intérêt (intégrant « une tarification adéquate du risque » et aucune « subvention ») qui seraient appliqués aux éventuels prêts qui a conduit à une nouvelle vague de défiance.
Les marchés suspectent l’absence (jusqu’à présent en tout cas) d’un accord précis entre les gouvernements européens sur ces deux points.
Les taux d’intérêt sur les obligations grecques à 10 ans, qui étaient revenus autour de 6,20% à la suite de l’accord, sont repassés temporairement au-dessus de 7,50% jeudi dernier, avant de se replier légèrement après la réunion de la BCE (voir infra), puis finir la semaine tout juste au-dessus de 7,30%. L’écart entre les rendements souverains à 10 ans grecs et leurs homologues allemands s’est nettement creusé depuis le 25 mars, atteignant jeudi environ 440 pb, un niveau très proche des records historiques de 1998…avant que la Grèce adopte l’euro (le spread était revenu à revenu à 400 pb en fin de semaine). Dès lors, le risque d’illiquidité de la Grèce qui semblait avoir été éliminé a refait surface, alors que dans le même temps les quatre plus grandes banques commerciales du pays auraient exprimé le souhait d’avoir accès aux EUR 17 milliards (dont 14 milliards de garanties de prêts) non encore utilisés du plan de soutien de EUR 28 milliards mis en place par l’ancien gouvernement en 2008.
Pourtant, les nouvelles les plus récentes en matière d’évolution des fiances publiques grecques sont plutôt encourageantes. Certes, le déficit de 2009 pourrait finalement se situer entre 13,5% et 14,3% du PIB, contre 12,7% précédemment estimé. Toutefois, le déficit public s’est inscrit à EUR 4,3 milliards au T1 2010 contre 7,1 milliards il y a un an, soit une décrue de 40%, et cela avant même que les mesures les plus récentes en matières de coupes dans les dépenses et de hausses des recettes n’aient produit leur plein effet. Ceci ne peut que renforcer la crédibilité des engagements pris par le gouvernement grec de réduire de quatre points de PIB son déficit en 2010 et de le ramener sous 3% d’ici à 2012.
La BCE, dont le conseil des Gouverneurs s’est réuni jeudi dernier, maintient ses prévisions de faible activité et d’inflation modérée pour 2010 et 2011. Dans ces conditions, la BCE va se montrer à la fois prudente et patiente. Cette année sera consacrée à la sortie progressive des politiques non conventionnelles et il faudra probablement attendre le second semestre 2011 pour voir le refi relevé. La nécessité de la consolidation budgétaire conduit à des politiques restrictives de nature à peser sur l’activité. Dans ce contexte, conserver longtemps une politique monétaire accommodante pourrait se justifier. En outre, si le mandat de la BCE exclut tout lien direct entre la politique monétaire et les situations budgétaires au sein de la zone euro, tout facteur susceptible d’affecter la stabilité financière ou d’accroître la pression sur le marché monétaire est naturellement pris en compte par la Banque centrale.
La situation grecque a, sans surprise, été au centre des sujets évoqués lors de la conférence de presse qui suivait, comme d’habitude, la réunion de la BCE. M Trichet a confirmé la décision de prolonger au-delà de la fin de 2010 l’assouplissement de ses règles en matière de collatéral. Les titres bénéficiant au moins d’une note BBB-/Baa3, à l’exception des papiers eux-mêmes adossés à d’autres actifs (Asset Backed Securities ou ABS), continueront d’être éligibles aux opérations de refinancement de la BCE. En outre, à partir de janvier 2011, et selon des modalités qui seront présentées en juillet prochain, les décotes appliquées aux titres notés entre BBB+ et BBB-, actuellement de 5%, seront ajustées en fonction de leur notation. Toutefois, ces dispositions ne concerneront pas les titres d’Etat…une bonne nouvelle supplémentaire pour la Grèce, dont la dette publique est toujours notée A2 par Moody’s, BBB+ par Standard & Poor’s, mais, depuis vendredi, seulement BBB- (seuil « investment grade ’ au-dessous duquel les investissements sont déconseillés, sauf à des fins spéculatives) par Fitch.
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