par Pascale Auclair, directeur général délégué aux gestions de La Française des Placements
Septembre 2008 change indiscutablement la donne dans notre monde financier, avec à mi-mois la faillite de Lehman Brothers, catalyseur d’une accélération fulgurante de cette crise bancaire qui mine nos métiers depuis plus d’un an ! Nous voilà donc à l’aube d’une phase historique de restructuration des banques occidentales, qui nous promet encore de longs mois de doutes, qu’il s’agisse de la visibilité de la future rentabilité de ce secteur en profonde mutation, ou plus largement de l’impact de ce séisme sur l’économie réelle.
On le voit, ni le plan Paulson aux US, ni l’approche européenne de nationalisation au cas par cas n’ont à ce stade réussi à réduire la défiance interbancaire. Nous l’évoquions d’ores et déjà d ans un fla sh d e crise en août 2007, seule une meilleure transparence sur la valorisation des actifs aujourd ’hui toxiques assortie d’un apurement des bilans des entités porteuses est de nature à restaurer la c onfiance et à normaliser le marché interbancaire. Et si les structures de défaisance peuvent y contribuer, il est c ertain que ce nettoyage prendra beaucoup de temps.
Et tandis que la crise bancaire atteint son paroxysme, la conjoncture occidentale connait un coup de frein alarmant. Toutes les composantes domestiques de la croissance aux US et en Europe sont quasiment en récession, et le seul facteur d’espoir reste l’externe… pour combien de temps ? Il nous faudra en outre superposer à ce scénario économique déjà très sombre, les dommages collatéraux d’un stress financier aigu et durable avec ses corollaires sur l’octroi de crédit et la confiance des agents économiques.
Alors faut-il se résigner, capituler sans espoir d ’amélioration ? La réponse dépend fatalement de l’horizon que nous nous accordons : S’il est court et vise la fin 2008, peu d’ espoirs sont permis. Ce d ernier trimestre sera toujours marqué par la prédominance des flux techniques, structurellement vendeurs compte tenu de l’aversion au risque des investisseurs finaux, et sans aucun secours des contreparties habituelles dans le marché, tétanisé es soit par leur problématique de fonds propres, soit par leur besoin crucial de liquidités, soit par leur contrainte de bilan. Nous préconisons sur cet horizon, les produits monétaires à 3 mois bien conçus diversifiant les signatures bancaires qui rapporteront un très confortable 5% l’an jusqu’à début janvier. Si nous disposons de beaucoup plus de temps, les classes d’actifs risquées, le crédit par exemple, recèlent certaines opportunités .
C ’est le pari que font certains banquiers épargnés ou certains fonds d’investissement riches en cash, en s’offrant à vil prix leurs compétiteurs d’hier anéantis par la crise. C’est ce que devraient faire c ertains inve stisseurs institutionnels dont l’horizon de placement est particulièrement long, s’ils en avaient la latitude comptable… Mais pour l’instant , force est de constater que seuls les placements de trésorerie garantis par les Etats recueillent les suffrages à taux très bas voire nul, alors même que ces Etats s’apprêtent à un dérapage historique de leurs déficits publics… c’est dire si l’heure de la confiance est loin d’avoir sonné !
Dans une situation générale d’intense crise bancaire , le troisième trime stre apporte une bonne nouvelle. C ’est le recul marqué du prix du pétrole et des matières premières. En moyenne, le prix du pétrole avait été de 98 dollars par baril (de Brent) a u premier trime stre 2008, puis de 123 dollars au deuxième trime stre . La moy enne du troisième trimestre s’est établie à 117 dollars, le niveau en fin de trimestre étant proche de 100 dollars. Ce dernier niveau reste tout d e même 40% a u-de ssus de la moyenne de 2007, mais la correction intervenue depuis le point haut de fin juillet commence à se traduire dans les indices de prix. L’indice du prix à la consommation a baissé au mois d’août aux Etats-Unis, et il est stable depuis trois mois en zone euro. Sauf rebond (peu vraisemblable) du prix du pétrole, les glissements annuels d’inflation intègreront ces effets progressivement.
Les comptes é conomiques nationaux sont particulièrement perturbés, comme souvent lors des retournements de conjoncture . Les évaluations du PIB américain ont été plusieurs fois révisées au cours des derniers mois. La première estimation de croissance, soit 1,9% a été révisée en hausse à 3,3%, puis finalement ramenée à 2,8%.
Les d erniers indic e s d e c onjonc ture mensuels confirment que le ralentissement s’accélère dans la grande majorité des régions du monde. Aux Etats-Unis, l’espoir de stabilisation des permis de construire doit être reporté avec la rechute en août. La production industrielle e st en ne t re pli d e puis le début de l’année, le volume des ventes au détail re c ule , le revenu réel d e s ménages et la consommation stagnent. En Europe, où le PIB avait reculé au deuxième trimestre (selon les premières estimations des comptes nationaux) aucun indicateur ne suggère une inflexion de tendance favorable. Le chômage remonte, les ventes au détail reculent fortement, les perspectives d’ activité se dégradent dans tous les secteurs. Dans les pays émergents, au Mexique et en Inde (où par ailleurs le déficit commercial augmente à vive allure), un ralentissement industriel est perceptible. De façon générale, la crise financière commence à gagner les pays européens et la prime de risque sur la dette émergente est sensiblement remontée.
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