Pessimisme excessif ?

par Caroline Newhouse, économiste de BNP Paribas

La monnaie européenne connaît un accès de faiblesse. Elle est repassée sous USD 1,30, pour la première fois depuis le début de l’année. Il est vrai que la décision de la Réserve fédérale américaine de laisser sa politique monétaire inchangée (cf. La semaine aux Etats-Unis), alors même que la BCE avait créé la surprise la semaine précédente en annonçant une batterie de nouvelles mesures conventionnelles et non conventionnelles, y est probablement pour quelque chose.

Le repli de l’euro intervient alors que les dernières enquêtes publiées dans la zone euro indiquent que les perspectives économiques ont cessé de s’assombrir. En Allemagne, en particulier, l’activité qui s’était fortement dégradée au premier semestre pourrait cesser prochainement de se détériorer davantage. L’indice du sentiment économique, publié dans l’enquête ZEW, s’est redressé de -55,2 en novembre à -53,8 en décembre, enregistrant sa première progression depuis mars dernier. Par ailleurs, l’indice composite d’activité de l’Allemagne est repassé en zone d’expansion en décembre et se retrouve ainsi au-dessus de 50 en moyenne au quatrième trimestre. Enfin, l’enquête de la Commission européenne évolue dans la même direction. Si l’activité allemande commençait à se redresser plus tôt que nous ne l’avions anticipé, cela constituerait une excellente nouvelle. La récession en zone euro pourrait être de plus faible ampleur que prévu, et les efforts de consolidation budgétaire menés par la plupart des pays seraient ainsi moins douloureux.

Toutefois, l’accord européen1, même s’il va dans le bon sens, ne lève pas toutes les incertitudes. Tout le monde convient du fait que le renforcement des règles de discipline budgétaire est primordial pour garantir la pérennité de l’euro. Mais la façon d’y parvenir reste sujette à débat. Certains pays, comme l’Irlande, veulent éviter une mise en oeuvre juridiquement trop contraignante – qui pourrait, par exemple, exiger un référendum. De préférence à une modification des traités, ils plaident en faveur du pacte de stabilité renforcé, qui est entré en vigueur cette semaine, plutôt que d’une modification des traités. En outre, il serait, sans doute, préférable que les nations européennes optent pour un processus d’ajustement budgétaire à moyen terme et ne cèdent pas aux sirènes d’une consolidation des finances publiques à marche forcée au risque d’étouffer la reprise dans l’œuf.

Par ailleurs, le dossier grec n’avance guère. D’une part, aucun accord n’a pas encore été trouvé entre détenteurs privés de titres de la dette et le gouvernement. D’autre part, le chef de mission du FMI en Grèce, Poul Thomsen, a déclaré, cette semaine, que le pays avait pris du retard par pour redresser sa situation budgétaire. Il a rappelé que la Grèce n’avait plus de marge de manœuvre en termes de collecte d’impôts et qu’il s’agissait, par conséquent, de fermer de manière plus agressive entreprises et entités publiques. Le FMI anticipe une contraction du PIB grec de 6% cette année et de 3% en 2012.

Dans ces conditions, les tensions sur les marchés financiers ne sont pas prêtes de s’apaiser rapidement. Les dernières statistiques de la Banque centrale européenne indiquent que les opérations de refinancement des banques espagnoles auprès d’elle ont augmenté de EUR 22 milliards entre octobre et novembre, atteignant EUR 98 milliards, le niveau le plus élevé depuis septembre 2010. Le nouveau gouvernement de M. Rajoy s’est engagé à prendre des mesures pour restructurer le système bancaire et rétablir la confiance dans le secteur. En particulier, il est question de créer une structure de défaisance pour les actifs problématiques, principalement des créances hypothécaires. Selon la Banque d’Espagne, l’ensemble des créances douteuses se monterait à EUR 176 milliards. A cet égard, comme le soulignait récemment le chef économiste du FMI, M. Olivier Blanchard, un renforcement des fonds propres du secteur bancaire s’impose, compte tenu de son importance comme source de financement de l’économie en général et des sociétés non financières en particulier. A l’inverse, la réduction de la taille des bilans bancaires, via celle des engagements, aurait de graves conséquences économiques, en particulier dans les pays périphériques de la zone euro.

 NOTE

1 Les principaux points de l’accord européen sont :

  • l’inscription d’une règle d’équilibre budgétaire dans les constitutions nationales ;
  • l’augmentation de EUR 200 mds des ressources du FMI ;
  • la non-participation du secteur privé à tout nouveau plan d’aide d’un pays de la zone euro ;
  • la mise en route anticipée du Mécanisme européen de Stabilisation mi-2012, un an avant la date prévue initialement ;
  • la majorité renforcée pour les décisions du MES, soit à 85% des votes (comme au FMI) et pas à l’unanimité, ce qui devrait empêcher un petit pays d’exercer son droit de veto.

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