par Thierry Lefrançois, économiste chez Natixis
Les stocks pétroliers américains sont alarmants avec une hausse excessive, si bien que les raffineurs devraient prendre des mesures pour les ramener à des niveaux compatibles avec la demande actuelle, en recul de 6 %. La Chine prend des mesures pour doper la consommation mais elles n’auront pas d’effet avant plusieurs mois. Déjà la croissance de la demande y est retombée à 4% contre 7% les mois précédents. L’OPEP devra réduire son offre de 1,5 M b/j supplémentaires pour inverser la tendance baissière des cours. Nous avons ramené nos prévisions sur le Brent à 60 $ sur 2009.
La baisse des cours du pétrole, concomitante avec celle des autres matières premières, coïncide avec la prise en compte par le marché d’une entrée en récession des Etats-Unis et de l’Europe. Les prévisions de croissance de la consommation ont été revues à la baisse sur 2008 et 2009, conduisant à anticiper une forte hausse des capacités pétrolières disponibles (non utilisées) et les efforts de l’OPEP pour réduire l’offre restent inopérants. Les stocks mondiaux ont augmenté en octobre et devraient encore progresser durant l’hiver à moins de conditions hivernales très rigoureuses. L’OPEP devra faire preuve de discipline et décider de nouvelles coupures de production pour espérer un renversement de tendance.
Les prévisions Natixis de croissance du PIB mondial pour 2009 sont passées de 2,84 % le mois dernier à 2,29 %. Dans ces conditions, la croissance de la consommation pétrolière sera proche de 0 (+0,1 % estimé), avec une baisse dans les pays OCDE et une croissance plus modérée en Chine (PIB ramené à +8 % vs +9,2 % précédemment). Notre prévision a été abaissée de 0,2 % et se situe proche de celle de l’AIE.
En seulement quatre mois, les révisions sur les perspectives de croissance de la consommation l’an prochain ont été abaissées de plus de 1 million de barils/jour. Avec une consommation nulle sur deux ans (2008 et 2009) alors que le rythme moyen de croissance est d’environ 1,5 Mb/j par an, les capacités disponibles vont de ce seul fait gonfler mécaniquement de 3 Mb/j face à une dynamique de croissance de l’offre. A cela s’ajoute le gel des capacités de production décidé dans le cadre des réunions de l’OPEP et qui vise jusqu’à présent à réduire l’offre de 1,5 Mb/j.
Le pétrole reste aussi corrélé négativement à la réappréciation du dollar. La vente d’actifs par les Américains et leur rapatriement contribuent à cette hausse du dollar et donc aux pressions baissières sur le pétrole. Ce phénomène devrait perdurer durant les prochains mois mais Natixis anticipe à moyen terme une baisse du dollar. A court terme, la poursuite du raffermissement du dollar constitue une pression baissière sur le brut.
L’OPEP en quête de crédibilité
En vue d’inverser la tendance, l’OPEP pourrait décider dès sa réunion du 29 novembre prochain d’abaisser sa production de 1 à 1,5 million de barils/jour. Cette option n’était pas celle prise initialement car il sera encore prématuré de mesurer la baisse effective de la production initiée le 1er novembre. En première approche, il semblerait que les pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête, aient été les plus respectueux des nouveaux quotas tandis que les habituels faucons (Venezuela et Iran) trainent à appliquer le nouveau plafond. Si cela se confirme, l’OPEP pourrait retrouver une certaine crédibilité.
Nous considérons que si le taux de respect de 80 % sur l’objectif de réduction de la production est atteint, (soit une réduction de l’offre de 1,2 M b/j en novembre), l’action de l’OPEP sera considérée comme un succès. Si le ratio dépasse 90 %, les prix pourraient même inverser leur tendance.
Les prévisions sur 2009 ont été ramenées à 60 $ pour le Brent mais il persiste un risque de révision à la baisse au fur et à mesure que les économistes abaissent leurs prévisions de croissance sur le PIB.