par Emmanuel Auboyneau, Gérant Associé, et Xavier d'Ornellas, Gérant Associé Pôle Gestion Flexible chez Amplégest avec la participation de Jean-Michel Mourette, Economiste (Eureka Finance)
Depuis plusieurs semaines des messages très contradictoires nous parviennent de la part des grands cabinets de stratégie, qui montrent bien l’état de perplexité globale qui règne aujourd’hui sur les marchés financiers. La chute des bourses, corrélées au seul cours du pétrole, est-elle annonciatrice d’un fort ralentissement économique, voire d’une récession mondiale, ou au contraire, la bonne santé des grandes économies va-t-elle naturellement conduire à un rebond durable des indices ? Nous tablons plutôt sur cette seconde hypothèse.
La lecture macroéconomique d’un pays ou d’une zone est toujours sujette à caution, un chiffre pouvant être interprété de différentes manières. Ainsi, si l’on reprend le pétrole, pendant longtemps il apparaissait que la baisse du baril était une excellente nouvelle, génératrice de croissance, grâce au gain de pouvoir d’achat qu’elle entraînait. Aujourd’hui cette baisse est regardée comme un facteur de risque, pour tous les pays producteurs, l’industrie pétrolière dans son ensemble (notamment aux USA), et les banques qui l’ont financée. Le risque est également géopolitique, avec les tensions exacerbées au Moyen Orient, où la baisse du prix de l’or noir se traduit par une sévère chute des revenus. Il est enfin financier, avec les ventes importantes d’actions des fonds souverains de la zone, qui ont besoin de liquidités. Le marché pétrolier devrait se stabiliser quand la restructuration de l’industrie du schiste aux USA sera achevée. On y arrive…
L’addition de ces risques occulte aujourd’hui totalement l’effet positif d’un pétrole bon marché. Les chiffres de consommation, notamment aux Etats-Unis, ne montrent pas d’accélération, alors que le taux d’épargne remonte progressivement. Traditionnellement, un contrechoc pétrolier n’entraîne un surcroit significatif de consommation qu’après un certain délai, une fois que le gain de pouvoir d’achat par les ménages est considéré comme durable. Il n’a en tous cas jamais été suivi de récession…
L’économie est une addition de variables et d’agrégats qui forment un tout, et qui déterminent la situation d’une zone ou d’un pays. Le pétrole n’est ni l’alpha, ni l’oméga de la macroéconomie mondiale. Il n’en est qu’un élément, plus ou moins important selon les périodes. Demain, les investisseurs se focaliseront sur une autre donnée, les taux d’intérêt, ou l’évolution du dollar, ou encore l’inflation américaine…
Il faut donc essayer de garder une vue d’ensemble pour bâtir une stratégie d’allocation qui puisse se prévaloir de la volatilité à court terme. Notre constat général sur l’économie mondiale reste le même : la croissance mondiale ralentit légèrement, en raison surtout de la décélération (maîtrisée) en Chine et de la chute des pays producteurs de matières premières (Moyen-Orient, Russie, Brésil…). Il n’y a toutefois pas de retournement brutal. Au contraire nous voyons toujours une économie américaine solide en dépit du fort ralentissement industriel, une Europe en reprise progressive et un Japon stabilisé. Les différents indicateurs que nous regardons, mois après mois, nous rendent confiants dans ce constat.
Bien qu’ayant été plus prudents depuis quelques mois, notre gestion a souffert de ce début d’année chahuté. Toutes les classes d’actifs, des actions aux obligations, ont été pénalisées. Ces variations brutales créent des opportunités. Les publications trimestrielles des sociétés sont dans l’ensemble positives et n’étayent pas un scénario de récession. Nous profitons de cette tempête pour réallouer progressivement nos portefeuilles.
« La bourse ne traduit pas l’état de l’économie, mais la psychologie des investisseurs » aimait à dire Françoise Giroud. Espérons alors que le moral de ces derniers s’améliore à mesure que les incertitudes économiques seront progressivement levées.