par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Après la période de crise caractérisée par une forte augmentation des déficits publics (à respectivement 7,5% et 7,7% du PIB en 2009 et 2010) et de l’endettement public qui devrait atteindre 82,9% cette année, le projet de loi de finances (PLF) pour 2011 marque un tournant important. En effet, le déficit devrait baisser pour atteindre 6% du PIB l’année prochaine. Ce déficit étant supérieur à celui nécessaire à la stabilisation de la dette publique en % du PIB, cette dernière continuera d’augmenter pour atteindre 86,2% du PIB l’année prochaine selon le PLF.
Le PLF 2011 est caractérisé par un effort très net en termes de maîtrise des dépenses publiques avec l’inscription d’une double norme de dépenses pour l’Etat : « zéro valeur » pour les dépenses hors pensions et charges de la dette et « zéro volume » pour les dépenses totales.
Concernant les recettes, le PLF prévoit une réduction de diverses niches fiscales (ce qui correspond à une augmentation des impôts) pour un montant proche de 10Md€. Ces mesures sont dispersées et ne relèvent pas d’une réforme fiscale d’envergure, qui aurait probablement été difficile à mettre en œuvre dans une période de fragile reprise.
Le PLF 2011 repose sur un scénario macroéconomique favorable caractérisé par un retour à une croissance équilibrée et relativement forte (2% en volume). Nos prévisions sont plus pessimistes avec une croissance de 1,2% en moyenne en 2011 et une réduction du déficit un peu moins marquée (à 6,3%).
Cependant, c’est la programmation pluriannuelle des finances publiques 2012-2014 qui nous paraît plus difficile à tenir. Le gouvernement prévoit en effet une nette amélioration des finances publiques à l’horizon 2014 : le déficit serait encore réduit sensiblement chaque année pour se situer à 2,0% du PIB dans quatre ans. La dette des administrations publiques atteindrait un pic en 2012 à 87,4% du PIB puis diminuerait progressivement pour revenir vers 85,3% en 2014. Ce plan pluriannuel repose principalement sur la maîtrise des dépenses publiques et la poursuite de la réduction des niches fiscales qui permettront de gagner environ 3Md€ par an.
Ce plan nous semble pêcher par optimisme : en effet, les efforts mis en œuvre du coté des dépenses sont certes significatifs mais la réduction du déficit pourrait être contrariée par une croissance plus faible que celle anticipée par le gouvernement. Sur les années 2012 à 2014, la prévision de croissance retenue est de 2,5% et le déflateur du PIB de 1,75% soit une croissance nominale de 4,25%. La masse salariale évoluerait de concert, progressant de 4,5% chaque année.
Nous sommes beaucoup plus prudents concernant les perspectives de croissance à moyen terme avec l’idée que la France, à l’instar de ses homologues européens et américain, va se retrouver dans un équilibre quasi déflationniste pendant la première partie de la décennie 2010. Cet équilibre se caractérise par une faiblesse conjuguée de la croissance et de l’inflation, un taux de chômage élevé, une hausse de l’épargne des agents privés. Une croissance proche de 1,5% en moyenne de 2012 à 2014 nous semble donc plus crédible avec une inflation fluctuant entre 1% et 1,5% environ. Au total, la croissance nominale serait plus proche de 3% que des 4,25% attendus par le gouvernement. Ceci a plusieurs implications : cela signifie d’une part que le déficit cyclique va vraisemblablement être plus élevé que ce qui est attendu d’environ 0,6pt de PIB (si l’on retient une élasticité de 0,5 du déficit à la croissance, ce qui est traditionnellement utilisé); d’autre part, cela implique que le déficit stabilisant la dette sera plus faible avec pour corollaire une dette publique plus élevée. En conséquence, une hausse de la fiscalité pourrait s’avérer nécessaire pour satisfaire un objectif de réduction structurelle des déficits à horizon 2014.