par Masanaga Kono, stratégiste chez Amundi AM
En 2009, les actions japonaises n'ont progressé que de 8,5%, contre 32,3% pour l'indice S&P Global Equity. En raison du niveau du yen et du recours continu au financement par actions, les marchés japonais sous-performent encore cette année. Par le passé, lorsque le marché d'actions était affaibli, comme au cours des exercices 2001-2002 et 2007-2008, le financement par actions ralentissait tandis que le rachat d'actions augmentait. Toutefois, au cours de l'exercice 2009, le financement par actions a augmenté tandis que le rachat d'actions a considérablement reculé, malgré la baisse des cours.
Les sommes levées grâce aux augmentations de capital pendant l'exercice 2009 s'élevaient à 6 300 milliards de yens, un record historique. Et nous n'observerons probablement pas de baisse importante pour l'exercice 2010, même si le marché reste atone.
Sur les 10 financements par action les plus importants enregistrés au Japon, 4 l'ont été en 2009 et 4 en 2010. Les opérations de grande ampleur sont en hausse. Dans plusieurs cas, la même société a réalisé des augmentations multiples sur de courtes périodes. 6 de ces 10 opérations sont dans le secteur financier, notamment en raison d'une réglementation plus stricte en matière de fonds propres (Bâle III). De plus, dans ces financements, les bénéfices par action et la valeur comptable par action ont été dilués, parce qu'ils étaient souvent proposés en dessous de leur valeur comptable. Malheureusement, plus les cours resteront atones, plus il y aura d'augmentations de capital, et cette perception pèse sur le marché.
Pourquoi les sociétés japonaises sont-elles si désespérées ?
Tout d'abord, les entreprises ont de plus en plus besoin d'investir à long terme. Très récemment, Tokyo Electric Power et IN- PEX, fournisseurs d'énergie, ont levé des capitaux par l'intermédiaire d'émissions d'actions pour couvrir l'augmentation de leurs investissements pétroliers et gaziers à l'étranger et la hausse de leur production. En 2010, les rachats de sociétés étrangères par des entreprises japonaises ont représenté USD 17,7 Mds annualisés de janvier à septembre. Le record était de USD 39,5 Mds en 2008. À l'époque de la crise Lehman, les rachats de sociétés étrangères étaient réalisés à 47% par des entreprises japonaises. Et dans de nombreux cas, il s'agissait d'acquisitions bon marché ou de sauvetages. Ainsi, MUFG avait pris une participation de USD 7,8 Mds dans Morgan Stanley.
Plusieurs grandes entreprises japonaises, notamment dans les services publics et parmi les sociétés privatisées, bénéficient d'une activité solide au Japon mais sont considérées comme des nouvelles venues à l’international. Toutefois, si elles souhaitent perdurer ou croître dans ce contexte marqué par une faible demande intérieure, elles sont de plus en plus forcées à développer leur activité à l’étranger et peuvent racheter des sociétés étrangères. Ce fut le cas par exemple avec l'acquisition de Verio par NTT (Communications), et de RJR International et Gallaher par Japan Tobacco (JT). L'opération massive de JT (USD 14,7 mds) a été couronnée de succès. On pourrait assister à un renouveau des activités de fusion et acquisitions étrangères pour profiter du niveau du yen.
Ensuite, la faillite de Lehman a affecté les activités financières des entreprises japonaises. Ce ne sont pas seulement les banques, mais aussi les grands groupes qui tentent désespérément d'améliorer leurs ratios de fonds propres, toujours inférieurs à ceux de leurs homologues américains à la fin mars 2010 (34,5% contre 47,5%). Alors que, même pour les banques, il était devenu difficile de se procurer des capitaux, et que les marchés des obligations d'entreprises et des billets de trésorerie n'étaient pas opérationnels, de nombreuses entreprises ont dû se débrouiller pour augmenter leur capital par leurs propres moyens pour assurer leur stabilité financière.
Enfin, l'utilisation accrue de la comptabilisation à la valeur de marché pèse sur le ratio de fonds propres de nombreuses entreprises japonaises, notamment lorsque les devises autres que le yen et les cours des titres sont faibles, ce qui a un impact négatif sur la valorisation des actifs. Normalement, la baisse de la valeur des actifs est la cause principale de repli du ratio de fonds propres, alors que les dettes sont plus ou moins fixes. Afin de contrebalancer ce repli, les entreprises augmentent leur capital par l'intermédiaire du financement par actions.
Même après l'annonce des résultats des entreprises en juillet-septembre, si le contexte reste marqué par un yen solide et des titres en baisse, on pourrait assister à de nouvelles augmentations de capital importantes, notamment pour des entreprises affichant des bilans fragiles, caractérisées par des ratios de fonds propres bas et une forte dépendance aux prêts bancaires.
Le yen reste un facteur déterminant
Toutefois, une fois que le yen commencera à se déprécier, nous risquons d'assister à un déséquilibre entre l'offre et la demande d'actions. La dépréciation du yen devrait doper les bénéfices des entreprises et les ratios de fonds propres devraient également augmenter puisque la valeur des participations et des actifs libellés en devises étrangères devrait augmenter. Cela aura pour conséquence des besoins de financement moindres et pourrait même déclencher une hausse des rachats d'actions.