par Malik Haddouk, Directeur de la Gestion Diversifiée, et Gauthier Saint-Olive, Spécialiste produits chez CPR AM
Nous pouvons diviser le début de l’année en deux séquences distinctes. Le premier trimestre a été marqué par la reprise des valeurs de rendement et les valeurs cycliques en réponse à la vigueur de la reprise économique. A compter du mois d’avril, les valeurs de croissance et de qualité ont rattrapé leur retard de manière agressive, notamment les FAANGs américains qui ont affiché des performances particulièrement impressionnantes. Cette hausse continue semble actuellement impossible à arrêter, quelles que soient les valorisations extrêmes atteintes.
Depuis janvier, les marchés fluctuent aussi en fonction des rythmes d’expansion du variant Delta et de la vaccination. Cette dernière a fortement influé sur les performances des économies des régions du monde. Par exemple, les États-Unis, largement vaccinés, sont depuis le début de l’année en avance sur la reprise globale : les indicateurs de croissance, de marché du travail sont tous au vert. L’ensemble de ces nouvelles s’est répercuté sur les marchés actions, les indices américains ne cessant de battre des records de performance au cours des deuxième et troisième trimestres. Fin août, le S&P 500 a ainsi atteint 4 520 points.
L’Europe bénéficie aussi aujourd’hui de ces politiques de vaccination à grande échelle, même si elle accuse un retard de plusieurs mois sur les États-Unis. Inversement, les marchés émergents affichent un retard important, que ce soit en Amérique latine, en Afrique ou en Asie du Sud. Nous voyons aussi que les pays utilisant des politiques sanitaires dites de « zéro- cas » payent aujourd’hui le prix fort économique, que ce soit en Australie, au Japon ou dans certains pays développés d’Asie.
La Chine représente un cas différent. La politique ultra règlementaire de Xi Jinping mise en place depuis quelques mois a fortement affecté les performances des secteurs de l’éducation et des jeux vidéo, ainsi que les entreprises des nouvelles technologies et des communications. Le gouvernement chinois s’est lancé dans un processus de reprise en main de pans entiers de son économie. Si les mesures annoncées s’avèreront probablement vertueuses à moyen/long terme – Joe Biden ne renierait pas bon nombre de propositions de Xi Jinping sur la volonté de rendre le pays plus social et égalitaire – elles ont eu des impacts négatifs importants sur les marchés des secteurs concernés. Le découplage entre les valorisations des entreprises de la Tech américaine et chinoise a par exemple été impressionnant, ces dernières accusant un retard de plus de 50 % sur l’année par rapport aux premières.
Mais ne perdons pas de vue que le marché a globalement été positif sur les huit premiers mois de l’année, les actions mondiales progressant de 19%. Notons également les 7 mois de hausse consécutive depuis février. Conséquence directe, les niveaux de valorisation restent élevés même s’ils ont rebaissé suite aux très bonnes croissances de bénéfices enregistrées par la plupart des entreprises américaines et européennes. C’est la reprise de l’économie mondiale qui a été le facteur déterminant de ce rebond des bénéfices des entreprises. Cependant, tout retournement dans le momentum de bénéfices des entreprises a le potentiel de perturber les marchés boursiers dans les deux prochains mois. Les estimations de bénéfices pour 2022 ont déjà commencé à être révisées à la baisse alors que 2021 est constamment revu à la hausse dans toutes les régions à l’exception des émergents.
L’attitude des banques centrales pourrait contribuer également à changer la donne temporairement. La BCE pourrait prendre la tête de la course au resserrement monétaire et modifier sa politique monétaire en réduisant les achats de PEPP et la Fed pourrait pré-annoncer une réduction de ses achats d’actifs dès la fin de l’année. La question, toujours pas réglée, du relèvement du plafond de la dette aux États- Unis pourrait également susciter des inquiétudes d’ici la fin de l’année si un accord bipartisan concernant notamment le plan de 3 500 milliards de dollars n’est pas trouvé.
Nous pensons que les taux réels très bas sont le ciment qui maintient ce paradigme où les actions bénéficient à plein de la faiblesse des taux d’emprunt d’Etat. À cet égard, nous restons dubitatifs quant à la résilience globale du marché obligataire américain, qui continue d’ignorer l’inévitable réduction de l’accommodation monétaire d’urgence par la Fed, les pressions inflationnistes plus fortes que prévu ou la reprise des émissions de Treasuries pour financer les plans d’infrastructure.
Nous restons d’avis que les taux à long terme devraient augmenter légèrement et conservons donc notre position négative sur les taux d’Etat américains. Dans le même temps, le processus de pic à l’œuvre pour la croissance du PIB et des bénéfices appelle à une prudence accrue sur le front des actions. Au niveau du portefeuille, nous conservons donc une exposition médiane (autour de 50 % pour le profil Réactive) centrée autour des régions américaine et européenne tout en intégrant des positions optionnelles de couverture. Nous avons au cours de l’été réduit notre biais dit de « value » et relevé notre exposition aux actions japonaises trop lourdement sanctionnées par l’épisode sanitaire récent.