par Andrew Parry, Responsable de l'investissement durable chez Newton Investment Management
La Journée des droits de l'homme marque l'anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948. Ce document proclame les droits inaliénables auxquels toute personne peut prétendre en tant qu'être humain – indépendamment de sa race, de sa couleur, de sa religion, de son sexe, de sa langue, de ses opinions politiques ou autres, de son origine nationale ou sociale, de sa fortune, de sa naissance ou de toute autre situation.
La pandémie accélère un certain nombre de tendances mondiales qui présentent à la fois des défis et des opportunités pour les droits de l'homme.
L'un des principaux défis est que la plupart des entreprises s'appuient sur des systèmes d'audit pour évaluer les conditions de travail de leurs chaînes d'approvisionnement et ainsi s'assurer qu'il n'y a pas de violations des droits de l'homme à quelque niveau que ce soit. Avec les mesures de confinement et les restrictions de voyage en place, les activités d'audit sur le terrain sont devenues de plus en plus difficiles, voire totalement impossibles.
Par ailleurs, il y a eu un changement dans la façon dont nous considérons les questions de droits de l'homme en tant que société. L'urgence de la crise sanitaire a réellement mis le rôle des entreprises sous les feux de la rampe. Ainsi,180 sociétés américaines se sont engagées à prendre en compte le bien-être et l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes et pas seulement celui de leurs actionnaires dans leurs prises de décisions.
De plus, les investisseurs et le grand public soumettent les pratiques des entreprises à une véritable surveillance et se rendent compte que les violations des droits de l'homme ne se produisent pas seulement sur les marchés en développement, mais qu'elles concernent les travailleurs tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Un exemple frappant est l'enquête sur l'entreprise de mode Boohoo accusée d'esclavage moderne ; Elle a provoqué une énorme réaction des consommateurs contre la société de sorte que les actions de l'entreprise ont chuté de près de 30%.
L'un des moteurs les plus passionnants de ces changements est la technologie. Les médias sociaux impactent la sensibilité des consommateurs et des investisseurs aux violations des droits de l'homme. Il était plus facile d'ignorer ces questions lorsqu'elles concernaient des personnes et des situations perçues comme lointaines, auxquelles les gens ne pouvaient pas facilement s'identifier : les médias sociaux ont rendu ces questions plus tangibles et réelles. Les nouvelles avancées technologiques facilitent également le contrôle et le suivi des pratiques de travail tout au long de la chaîne d'approvisionnement.
La plupart des défis auxquels sont confrontées les grandes entreprises viennent du fait que les chaînes d'approvisionnement peuvent devenir très complexes – impliquant parfois des dizaines de milliers de fournisseurs. Comme la transparence fait souvent défaut dans une grande partie de ces chaines, il devient difficile de repérer les violations des droits de l'homme sur le terrain. Une enquête menée par ETI – Ethical Trade Initiative a montré que 67 % des grandes entreprises estiment que l'esclavage moderne est présent dans une certaine mesure dans leur propre chaîne d'approvisionnement, et 42 % ont cité la complexité et la longueur de la chaîne d'approvisionnement comme la principale raison pour laquelle il est si difficile d'éviter ou de prévenir complètement de tels événements.
Si les entreprises peuvent simplement refuser de travailler dans les pays et les marchés où de tels abus se produisent, nous ne pensons pas que ce soit nécessairement la meilleure solution. Il y a d'autres facteurs à prendre en compte : certains problèmes peuvent découler de différences culturelles ou d'un manque d'infrastructures, et parfois ces mêmes chaînes d'approvisionnement fournissent les moyens de vivre à une partie importante de la population. Notre devoir en tant qu'investisseurs responsables est de nous engager auprès des entreprises et de les aider à agir sur place, à développer des infrastructures sociales et des programmes d'éducation qui peuvent contribuer à identifier, atténuer ou prévenir les violations des droits de l'homme.
L'éventail des secteurs où il existe un risque de violation des droits de l'homme ou d'esclavage moderne est large et étendu, incluant presque tous les types de produits de base, du café au cacao, de la pêche à l'exploitation minière. Le risque augmente à mesure que l'on se rapproche de l'origine de la chaîne de valeur, mais les entreprises liées aux consommateurs peuvent également en souffrir. Leurs marques peuvent être rapidement endommagées par des informations relatives à des abus dans certains maillons de leur chaîne d'approvisionnement.
Les entreprises qui gèrent bien les risques réalisent souvent des gains d'efficacité opérationnelle et des avantages connexes ; elles sont généralement plus efficaces et plus souples dans la gestion des stocks et peuvent bénéficier d'une meilleure réputation, soit en évitant simplement de s'impliquer dans des affaires et des poursuites judiciaires, soit en s'adressant à un nombre restreint mais croissant de consommateurs qui sont en fait prêts à payer plus cher pour une marque durable.