par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
2014 devait être l’année de la reprise. Pourtant la croissance mondiale a bien du mal à repartir après le net ralentissement enregistré en 2012 et 2013. Si certains pays voient leur situation s’améliorer significativement, c’est notamment le cas des Etats-Unis et du Royaume-Uni, d’autres ont tendance à montrer des signes de faiblesse (Zone euro, Japon, Chine, Russie, Brésil,…). Malgré une liquidité mondiale importante liée à des politiques monétaires très expansionnistes (Japon, Etats- Unis,…), la croissance mondiale reste relativement « modeste » et le commerce mondial ne repart pas, reflétant des reprises très domestiques dans les pays qui vont bien (construction, services,…). Nous voyons plusieurs facteurs expliquant la modération de la croissance mondiale provoquant des révisions à la baisse des prévisions (OCDE, FMI,…).
• L’affaiblissement structurel de la Chine est un facteur clé. Les autorités souhaitent changer de modèle de croissance pour le rendre plus soutenable. Ceci implique une baisse significative du rythme de croissance (de plus de 10% à 7/7,5%). Elles font également face au dégonflement de la bulle immobilière qu’elles doivent gérer de façon à éviter une crise. Ce pilotage de l’activité est délicat avec des mesures ponctuelles et ciblées de soutien à l’économie (cf SR : « Le cycle économique de la Chine : un cercle infernal ? »). Toutefois, la progression du PIB pourrait s’avérer inférieure à l’objectif des autorités de 7,5% en 2014. Au-delà de l’effet direct sur la croissance mondiale, le ralentissement tendanciel de la Chine a un impact sur de nombreuses économies qui commercent avec elle et affaiblit le prix des matières premières ce qui pèse également sur un certain nombre de pays émergents. La faiblesse du Brésil en est un bon exemple même s’il ne faut pas sous-estimer l’effet négatif de ses problèmes domestiques.
• La multiplication des risques politiques et géopolitiques. La crise ukrainienne a de nombreux impacts sur l’économie mondiale. Elle a un effet direct sur la croissance mondiale via le très net ralentissement de l’économie russe (3% du PIB mondial) qui devrait tomber en récession. Elle a par ailleurs de nombreux effets indirects sur les économies liées à la Russie (effet commerce) et elle pèse sur la confiance des agents les rendant plus prudents. La détérioration de la situation au Moyen-Orient est aussi un facteur important d’incertitude. Enfin, le risque politique a sensiblement augmenté dans de nombreux pays avec la dégradation de la situation politique et/ou la perspective de prochaines élections dont l’issue semble bien incertaine. Toutefois, le pire n’est jamais certain, comme on l’a vu avec le résultat du referendum de l’Ecosse sur son indépendance qui a abouti à la victoire du non (cf Snap : « Referendum on Scotland independence : large advance of « NO » votes ».
• L’anticipation du changement de politique monétaire aux Etats-Unis. Après avoir déstabilisé les marchés à l’été 2013 avec les premières annonces de potentielle réduction des achats de titres, la Fed s’est montrée beaucoup plus prudente. Toutefois, le QE3 va se terminer en octobre 2014 et la politique monétaire va progressivement se durcir en 2015. Le changement de cap de la Fed par ses effets sur les flux de capitaux et les taux de change d’un certain nombre de pays émergents ont conduit au durcissement des politiques monétaires dans ces économies, facteur de frein pour leur croissance.
• La hausse de la TVA au Japon a provoqué un choc négatif sur sa croissance. Avec une persistance de la modération des salaires liée à un partage de la valeur ajoutée toujours défavorable aux salariés, il ne faut pas s’attendre à un rebond durable de l’économie japonaise malgré la politique monétaire toujours très expansionniste.
• La réticence dans la zone euro à rendre le policy-mix nettement plus favorable pour compenser les effets négatifs à court terme des ajustements structurels d’un certain nombre d’économies. Il semble toutefois que l’on s’oriente désormais vers un changement de politiques économiques avec un report des objectifs budgétaires et vraisemblablement une politique monétaire beaucoup plus expansionniste. La relative faiblesse de la demande au premier TLTRO (82Md€ sur 400Md€ potentiels) a été présentée comme un échec pour la BCE mais plusieurs facteurs ont pu pousser les banques à attendre, en particulier la perspective des annonces détaillées de la BCE début octobre sur ses programmes d’achats d’actifs privés. L’attente des résultats de la revue des bilans bancaires (AQR) en octobre qui indiquera les montants de recapitalisation nécessaires est également un facteur d’incertitude supplémentaire.
Avec la persistance d’un certain nombre de ces facteurs dans les mois qui viennent, nous pensons que la croissance mondiale sera, au mieux, poussive. x