par Adèle Renaux, économiste chez Natixis
La troisième estimation du PIB du T3 a donné lieu à une révision baissière de la croissance (-0,1 point à +0,7% T/T désormais). Cette diminution s’explique en partie par la contribution du commerce extérieur qui s’est révélée être défavorable tandis que l’investissement et les variations de stocks ont davantage soutenu l’activité au T3. L’ONS a également révisé à la baisse la croissance du PIB au T1 et au T2. L’acquis de croissance perd donc 0,1 pt, s’affichant désormais à 1,5%. Nous maintenons notre prévision pour 2010, avec un PIB qui devrait progresser de 1,6%.
Parmi les révisions notables révélées par cette publication, il faut noter :
- une plus forte contribution des stocks à la croissance par rapport à la précédente estimation (+0,3 pt contre +0,1 initialement).
- Le rééquilibrage entre la demande domestique et les exportations nettes, qui avait été observé lors de la deuxième estimation du PIB n’a pas été confirmé au T3. Ainsi, les exportations nettes ont contribué négativement au PIB (-0,1 pt de PIB contre +0,4 pt lors de la deuxième estimation) à cause de la révision à la hausse des importations et à de moindres exportations.
- Une accélération de l’investissement (+3,4% T/T contre +0,6% prévu lors de la deuxième estimation) provoquée essentiellement par une bonne performance de l’investissement des entreprises (+3,1%T/T). La bonne tenue de l’investissement public (+4,9% T/T) et résidentiel (+4,3%T/T) a également soutenu l’investissement.
Peu de soutien à attendre de la consommation des ménages
La situation des ménages devrait peser sur la croissance cette année. Premièrement, l’ajustement du bilan n’est pas terminé : malgré une baisse sensible de 15 points de revenu disponible (RDB) depuis le point haut atteint début 2008, le taux d’endettement reste très élevé en termes de RDB (152,2%). Dans ce contexte, le taux d’épargne devrait se stabiliser autour du niveau actuel, à 4,5% en moyenne sur les deux prochaines années.
La baisse sensible du taux d’épargne (de 7,5% à 3,5%) entre le T3-09 et le T2-10 a permis de soutenir les dépenses de consommation dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat. La baisse significative des taux d’intérêt réels et la hausse des prix immobiliers ont favorisé cette baisse du taux d’épargne.
Ce phénomène de désépargne s’est inversé au T3, et ne devrait pas se poursuivre cette année, dans la mesure où le mouvement de baisse des taux d’intérêt réels ne devrait pas continuer et où la hausse des prix immobiliers, qui a vraisemblablement permis aux ménages de faire une pause dans le processus de désendettement, a pris fin l’été dernier. L’évolution des perspectives de prix de l’enquête RICS suggère la poursuite de cette phase baissière. Deuxièmement, les perspectives d’emploi restent limitées : dans un contexte de surcapacités, caractérisées par la faiblesse du taux de vacances qui traduit celle de la demande des entreprises en matière d’emploi, d’ajustement nécessaire de la productivité des entreprises et de la suppression de 490 000 postes de fonctionnaires sur les 4 prochaines années, la croissance de l’emploi restera contenue (+0,2% en moyenne en 2011) et le chômage, ressorti en hausse en octobre (7,9%), ne devrait pas se replier en 2011 (8% en moyenne).
Enfin, la progression des revenus devrait elle aussi être limitée. La situation du marché du travail sera peu propice à une progression significative des salaires de sorte que la hausse des salaires restera nettement en dessous de la moyenne observée sur 2000-2007 (5%), avec une progression de 2% en 2011. D’autres éléments limiteront aussi la hausse du revenu disponible des ménages :
- la fin des soutiens exceptionnels observés en 2009 et, dans une moindre mesure, en 2010 via une politique budgétaire mais aussi monétaire largement expansionniste ;
- la moindre progression des prestations sociales versées aux ménages annoncées dans le cadre du programme de réduction des dépenses du gouvernement (Spending Review octobre 2010) et la hausse des impôts ;
- La hausse de la TVA à 20% (+2,5 pts) le 4 janvier 2011. Dans ce contexte, il faut s’attendre à une progression limitée de la consommation cette année (+0,8% en 2011 après +1,3% en 2010).
La situation des ménages, en l’absence de reprise de l’endettement, ne permettra pas une reprise durable de l’investissement résidentiel. Après un rebond en 2010 (+6% prévu), il devrait progresser à un rythme plus modéré (+5% en 2011 essentiellement via un effet d’acquis favorable). La faiblesse de l’intérêt des acheteurs, du nombre de transactions immobilières et du nombre de nouveaux crédits accordés va dans ce sens.
Pas d’amélioration prévue sur le marché immobilier
Les derniers indicateurs ont confirmé les perspectives de ralentissement du marché immobilier. Les prix sont en net ralentissement depuis l’été 2010 (en GA). Ils sont même en baisse depuis septembre selon l’indice Halifax (-1,1% M/M, -3,4% GA en décembre) et l’indice Nationwide (-0,4% M/M, +0,4% en GA en décembre), et les perspectives restent baissières (enquête RICS). Ainsi, après avoir augmenté de 6% l’année dernière, les prix devraient légèrement se contracter en 2011(-0,3%), puis augmenter faiblement (+1,4%) en 2012.
Malgré la reprise de l’activité dans le secteur de la construction depuis début 2009, le nombre de transactions est toujours inférieur de 50% à son niveau atteint en 2007. De plus, l’activité s’affiche en net ralentissement depuis cet été (le nombre de transaction a diminué de 6,25% en GA en novembre). D’autre part, les perspectives ne sont pas encourageantes pour 2011. L’activité devrait fortement ralentir au cours des prochains mois, en ligne avec la baisse du nombre de permis de construire (-9,3% T/T au T3). Les résultats d’enquêtes suggèrent également un ralentissement de l’activité au cours des prochains mois. En effet, selon l’enquête RICS les ventes se sont détériorées au T4 2010. L’évolution du crédit va également dans le sens d’un ralentissement, puisque l’encours de crédit hypothécaire (en GA) continue de ralentir et le nombre de crédits accordés diminue légèrement depuis cet été. Ainsi, tant le nombre de ventes de logements que le nombre de crédits accordés restent très largement sous leur moyenne de long terme.
L’enquête sur les conditions de crédit de la BoE pour le T4 indique une baisse de la demande de crédits immobiliers de la part des ménages en 2010, suggérant la poursuite de l’ajustement du bilan des ménages et une situation en termes d’emploi et de revenu qui reste peu favorable. La demande s’est particulièrement contractée au T4 2010 et devrait encore se dégrader début 2011.
Poursuite du désendettement des entreprises…
La nécessité de désendettement ne concerne pas seulement les ménages ou l’Etat. Elle devrait également guider le comportement des entreprises dans les trimestres à venir.
En 2011, l’ajustement du bilan des entreprises devrait se traduire essentiellement par :
- la poursuite de la baisse du crédit aux entreprises (-3,5% sur 12 mois en novembre dernier)
- un ajustement de la productivité, via une progression limitée de l’emploi, qui devrait soutenir la hausse des profits;
- des investissements limités (essentiellement des investissements de maintenance ou de remplacement) en raison de perspectives de demande incertaines.
La reprise de l’investissement des entreprises sera donc graduelle (+7,2% en 2011, grâce à un effet d’acquis très favorable). Mais elle devrait gagner en intensité avec le rééquilibrage progressif de la croissance entre demande domestique et exportations nettes.
…et de l’Etat
La rigueur budgétaire se traduira par une baisse de la consommation publique en 2011 (-0,5%) et surtout par une nette baisse de l’investissement public (-13,7% en 2011, après +3% en 2010).
Une contribution positive du commerce extérieur en 2011
En 2010, les exportations nettes ont contribué négativement à la croissance (-0,9 pt de PIB). Cette évolution s’explique par la bonne tenue des importations (+8,1%) et par le comportement des entreprises, qui ont préféré reporter les gains de la dépréciation passée du sterling (-23% depuis le point haut atteint mi-2007) sur leurs marges plutôt que sur la baisse des prix. Cette année, la tendance devrait s’inverser, en grande partie grâce à un ralentissement des importations (+3,1%) lié aux mesures de consolidation budgétaire. Ainsi les exportations nettes devraient apporter un léger soutien à la croissance cette année (+0,4 pt de PIB).
Politique monétaire : maintien du statu quo
Malgré quatre trimestres de rebond, le PIB reste encore nettement en dessous de son niveau d’avant-crise (-4%). Le passage à une dynamique de croissance plus équilibrée sera vraisemblablement plus progressif, ce qui implique une croissance modeste en 2011-2012. Malgré la persistance de l’inflation au-dessus de sa cible (3,3% en novembre) depuis fin 2009 et très probablement jusqu'à fin 2011 en raison de la hausse de la TVA, elle ne devrait pas prendre le risque de provoquer un choc négatif supplémentaire sur la demande intérieure (en particulier sur le revenu des ménages via une hausse des taux d’intérêt). L’inflation a été soutenue essentiellement par des facteurs temporaires qui vont progressivement s’atténuer (voir Note Mensuelle décembre 2010), de telle sorte que l’inflation repassera sous la cible de la BoE en 2012. Dans ce contexte, elle ne devrait pas augmenter son taux de base cette année. Toutefois, la pression exercée sur la BoE est de plus en plus forte notamment à cause du risque de dérapage des anticipations d’inflation, qui pourrait remettre en cause sa crédibilité. Ainsi la possibilité d’une légère hausse de son taux de base courant 2011 n’est pas à écarter (même si il ne s’agit pas de notre scénario central) si l’activité se révélait être plus dynamique que prévu, si les pressions salariales s’accentuaient et si la hausse du prix des matières premières s’avérait être durable. Concernant l’évolution de la politique quantitative, la BoE ne devrait pas mettre en place de nouvelles mesures étant données les perspectives d’inflation.
Retrouvez les études économiques de Natixis