Sur le Plan d’urgence européen

par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

L'Union Européenne et le FMI se sont mises d'accord sur un ensemble de mesures d'un montant total de 750 milliards d'euros. Il y a 60 milliards d'un fonds d'urgence, 440 milliards pour des prêts sur 3 ans et 250 milliards du FMI.

La BCE a décidé de réactiver les opérations à taux fixe à 3 et 6 mois afin d'apporter immédiatement des liquidités au système bancaire. (26 mai et 30 juin pour les opérations à 3 mois et 12 mai pour celle à 6 mois).

Les lignes de swaps avec les autres banques centrales (Fed, BoE, BoJ, BNS, BoC) vont être réactivées. La BCE va également intervenir sur les marchés de la dette publique et de la dette privée. Ces montants seront stérilisés afin de ne pas pénaliser l'orientation de la politique monétaire.

Ces mesures vont apporter de la liquidité à l'ensemble des marchés financiers et arrêter la spirale baissière qui avait été constatée notamment la semaine dernière. L'ensemble des participants va trouver des liquidités. Les Etats bénéficieront de prêts, des apports de liquidités par des opérations de la BCE permettront aux banques de disposer de liquidités et la BCE va aussi acheter des dettes.

Ces mécanismes sont les bienvenus car les évolutions constatées la semaine dernière n'étaient pas tenables. De ce fait, ce matin les marchés rebondissent et les arbitrages favorisent les actifs risqués au détriment des actifs perçus comme peu risqués telles les obligations allemandes et françaises.

Plusieurs remarques sur ce schéma

• L'urgence a permis de basculer vers une solution européenne. Le montant mis en jeu est suffisamment élevé pour que cela traduise des engagements importants vers la zone Euro y compris par les pays appartenant à l'Union Européenne mais ne faisant pas parti de la zone Euro.

• La BCE intervient dans un rôle nouveau. Elle se donne un champ d'action plus large de stabilisation des marchés financiers européens. Son mode d'intervention sera précisé rapidement, notamment sur les dettes à acheter et pour quel montant. Le détail des mesures de stérilisation, qui accompagneront ces achats, sera important. Par rapport aux interventions sur les Covered Bonds, il faudra probablement aller plus rapidement et plus fort. Le programme de rachat de Covered qui a commencé en juillet 2009 n'est, à fin avril 2010 que de 50 milliards d'euros sur un total de 60.

• Ce programme de stérilisation sera très suivi car si les montants d'achats de titres sont importants, les intervenants sur les marchés seront très attentifs à ce qu'il n'y ait pas de financement monétaire.

• Si la BCE rachète la dette publique, il y a une opportunité pour les investisseurs de liquider leurs positions dans les pays du sud. Si la BCE stérilise en vendant des actifs peu risqués, elle pourrait alors accumuler des actifs risqués et potentiellement fragiliser la structure de son bilan. L'interrogation est alors celle de l'échelle de son intervention.

Plusieurs remarques sur la zone Euro

• La question posée au cours des dernières semaines était la suivante : Comment avec une croissance réduite, les différents pays de la zone Euro allaient ils réussir à infléchir puis à terme à rééquilibrer leurs finances publiques ? Cette question n'a pas de réponses dans les mesures adoptées.

• Les questions sur le modèle de croissance de chacun des pays de la zone Euro et sur les nécessaires ajustements au sein de la zone Euro entre les pays sur des questions de compétitivité restent entières.

• La consolidation budgétaire doit se faire avec un euro plus faible pour donner une impulsion positive à la croissance. Si l'euro remontait de façon durable, au-delà de la réaction de marché après l'annonce des mesures, ce ne serait pas une bonne nouvelle pour l'activité et l'ajustement budgétaire.

Conclusion

Les mesures adoptées ce week-end vont permettre de diminuer les tensions sur les marchés financiers. Les écarts de taux d'intérêt vont se réduire entre les pays perçus comme les plus risqués et la France et l'Allemagne qui ont bénéficié du statut de valeur refuge. Cette intervention massive, et l'apport de liquidités qui en résulte, peut modifier durablement les anticipations des intervenants sur les marchés financiers. Si cela provoque des ruptures sur les anticipations des intervenants alors, effectivement, la crise financière qui menaçait l'Europe s'estompera.

Cependant, les questions qui étaient posées et qui avaient engendré ces tensions ne sont pas dissipées. Celles relatives à la croissance et à de l'ajustement des finances publiques ne sont pas résolues et vont donc continuer de peser sur la dynamique globale de la zone Euro et de l'Europe.

On ne peut exclure que ces apports de liquidité soient perçus comme des opportunités permettant aux investisseurs de liquider des positions et de se réinvestir ailleurs dans le reste du monde.