par Patrick Artus, Chef économiste de Natixis
Les banques de la zone euro connaissent à nouveau certaines difficultés de financement, en raison de l’inquiétude des investisseurs (des prêteurs) due à la forte détention de dettes souveraines de la zone euro par les banques. Les crises économiques les plus graves (comme celle de 2008-2009) viennent des crises de liquidité bancaire. Quelle est alors la bonne réaction aujourd’hui ?
A Jackson Hole, à la fin du mois d’août 2011, Christine Lagarde a suggéré que la bonne solution était d’accroître encore les fonds propres des banques européennes. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse de la bonne solution : si une banque est confrontée à une crise de liquidité, même si elle a un peu plus de capital, elle est tout de même en défaut.
Il faudrait donc que les banques puissent toujours trouver des financements. Pour les financements à court terme, ceci est assuré par la BCE ; pour les financements à long terme, de plus en plus nécessaires avec les nouveaux ratios de Bâle 3, on peut penser à étendre le champ des covered bonds et à prévoir des réserves de liquidité contingentes, par exemple des possibilités garanties d’emprunt à long terme des banques auprès des investisseurs institutionnels. L’accroissement des fonds propres ne nous parait pas être la bonne réponse.
1 – A nouveau une tension sur le financement des banques de la zone euro
Durant l’été 2011, on a vu à nouveau apparaître une tension sur le financement des banques de la zone euro.
Ceci est dû à l’inquiétude des investisseurs (prêteurs) au sujet des risques liés aux portefeuilles de dettes souveraines des pays en difficulté de la zone euro détenus par les banques de la zone euro.
2 – Les crises graves viennent des crises de liquidité bancaire
L’exemple de 2008-2009 montre la gravité des crises de liquidité bancaire. Quand, après la faillite de Lehman, les banques ne peuvent plus se financer normalement, elles rationnent le crédit et il en suit un effondrement de l’activité. Il faut donc absolument éviter les crises de liquidité bancaire.
3 – La proposition de Christine Lagarde
A Jackson Hole, à la fin d’août 2011, Christine Lagarde a suggéré que la solution au problème de liquidité bancaire était un accroissement supplémentaire des fonds propres des banques européennes.
Nous ne pensons pas que ce soit une solution efficace. Même si une banque a des fonds propres en hausse de 1-2 ou 3 points de son total de bilan, ces fonds propres supplémentaires ne pourront absolument pas compenser l’impossibilité à renouveler la dette à court terme ou la dette obligataire des banques, compte tenu de la taille de ces dettes.
4 – Quelques pistes
Si l’accroissement des fonds propres des banques n’est pas la bonne solution pour éviter une crise de liquidité des banques, que peut-on proposer ?
– En ce qui concerne les ressources à court terme, la BCE intervient lorsque le marché interbancaire ne fonctionne plus ;
– En ce qui concerne les ressources à long terme des banques, qui seront de plus en plus nécessaires avec le nouveau ratio de financement stable des banques, on peut penser :
- à étendre le champ des covered bonds, qui ne peuvent refinancer aujourd’hui que les crédits immobiliers et aux collectivités locales et qui résistant assez bien à la crise (graphique 6, tableau 3), puisque les émissions continuent. On pourrait imaginer que les covered bonds pourraient aussi refinancer les crédits à moyen terme aux entreprises ;
- à demander aux banques d’avoir des réserves de liquidité contingentes, par exemple des lignes garanties d’emprunt à long terme auprès d’investisseurs institutionnels qu’elles pourraient tirer en cas de besoin.
Le point central est que, disposer de fonds propres plus élevés ne peut en rien éviter une crise de liquidité bancaire si rien d’autre n’est fait.