Une reprise synchrone dans les pays développés

par Christophe Morel, Chef Economiste de Groupama AM

La très bonne nouvelle vient du fait que la reprise est synchrone dans les pays développés si bien qu’elle portera la croissance mondiale en 2014 à 3,4% (contre 2,9% en 2013). Grâce au commerce international et aux politiques monétaires toujours très accommodantes, cette dynamique positive devrait s’auto-entretenir sauf à ce qu’il y ait un nouveau choc (tel qu’une forte hausse du prix du pétrole et/ou une tension marquée et brutale des taux longs).

Cette reprise comporte deux caractéristiques, 1) elle est portée par les États-Unis qui sont à nouveau le moteur de la croissance mondiale, et 2) elle est hétérogène dans le sens où toutes les zones n’en profiteront pas de la même manière :

  1. Aux États-Unis, tous les « moteurs » de la croissance devraient être au « vert » cette année. D’abord, au regard des stocks de logements, la reprise dans la construction devrait se poursuivre. Ensuite, la très forte reconstitution de profitabilité, combinée à des conditions financières très accommodantes et à l’assainissement financier des entreprises devraient permettre l’accélération de l’investissement des entreprises. Enfin, la consommation devrait bénéficier de la moindre contrainte fiscale (qui pèsera trois à quatre fois moins en 2014, autour de 0,5% du PIB contre 1,5% à 2,0% en 2013), de la poursuite de l’amélioration du marché de l’emploi et encore une fois de l’effet-richesse provenant de la revalorisation du patrimoine.
  2. La Zone euro devrait profiter du rebond du commerce international. La demande interne pourrait aussi bénéficier de l’extrême ajustement des immatriculations automobiles. Mais cette reprise ne sera pas « normale » au sens où les ressorts de la croissance domestique ne prendront pas le relais. Ainsi, le climat des affaires reste très déprimé dans le secteur de la construction et devrait le rester jusqu’à 2015 eu égard à la durée des cycles dans ce secteur (et ce d’autant que les prix immobiliers ne sont pas encore stabilisés en Espagne et aux Pays-Bas, et que l’ajustement a à peine démarré en France). Le revenu disponible réel des ménages reste trop faible pour que les ménages consomment. S’agissant des risques d’inflation, si la baisse généralisée des prix peut être observée pour l’Espagne, le Portugal et la Grèce, la Zone euro n’est pas encore sous la menace d’un processus déflationniste … tant que la baisse de l’inflation n’affecte pas les anticipations des agents qui illustre que la perception de prix chez les consommateurs reste, pour le moment, cohérente avec une inflation de +2,0%. C’est pourquoi, la vigilance devra être accrue cette année sur l’évolution des anticipations d’inflation.

Si 2014 correspond au retour de la croissance, l’année marquera aussi le retour de l’hétérogénéité des croissances (à la fois dans la zone dite « développée » et la zone émergente), ayant pour corollaire le retour du risque « spécifique » au dépens du risque « systémique ».

Balance des risques : les principaux facteurs de risque restent le prix du pétrole et les taux d’intérêt

Par rapport à ce scénario central, nous avons diagnostiqué des risques qui peuvent nous conduire à réviser en hausse ou au contraire à la baisse nos prévisions. Parmi les risques à la hausse, nous pouvons mentionner la baisse du prix des matières premières susceptible le cas échéant de provoquer un « contre-choc positif ». Du côté des risques à la baisse, le risque principal proviendrait d’une tension sur les taux, les aléas politiques et sociaux en Zone euro, une crise politique dans un grand pays émergent (Inde, Turquie,…), ou encore la matérialisation du risque financier chinois.

Sur le moyen terme, les défis restent d’ampleur

Inéluctablement, le temps viendra où l’économie mondiale rebasculera en récession ; et si le processus de désendettement n’a pas suffisamment progressé, les économies ne disposeront pas alors d’un « coussin budgétaire » leur permettant de faire face au choc. Ainsi, il convient de se rappeler que les « falaises budgétaires » ou les « murs de la dette » sont des défis autant devant que derrière nous.