Vent d’est, vent d’ouest

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

Tout au long du mois d'août, les marchés d'actions ont sanctionné une cohorte d'indicateurs médiocres en provenance des Etats-Unis, ignorant l'embellie européenne ou encore les bons résultats d'entreprises. Ils ont, cette fois-ci, voulu voir le verre à moitié plein. La publication d'un indice ISM manufacturier américain meilleur qu'attendu au mois d’août (56,3 contre 55,5 en juillet) a donné l'occasion d'un rebond, le premier depuis trois semaines. Le rally obligataire a marqué une pause. Tombé à son plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale (2,09% le 31 août), le rendement des Bunds allemands à dix ans a regagné une quinzaine de points de base et s’affichait jeudi à 2,25% ; celui des OAT a suivi.

L’arbitrage favorable aux actions s’accentuait vendredi, à l’occasion de la publication de chiffres d’emploi supérieurs aux attentes (54.000 destructions nettes de postes dans le secteur non agricole en août, pour le double attendu, et 67.000 créations nettes de postes dans le secteur privé).

Le relatif soulagement des marchés ne doit pas faire oublier les dernières données publiées aux Etats-Unis, qui traduisent l’affaiblissement de la reprise. L’enquête de la Fed de Philadelphie, celle de la Fed de Richmond ou encore le PMI de Chicago pour le mois d’août ont indiqué une croissance manufacturière plus faible, cohérente avec un cycle des stocks moins favorable et une croissance ralentie des exportations.

Dans ces conditions, Ben Bernanke a laissé entendre, à l’occasion de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, qu’un stimulus supplémentaire était envisageable, en cas de détérioration plus marquée de la conjoncture. Si tel était le cas, une augmentation du programme d’achats d’actifs à long terme, entraînant une progression proportionnelle du bilan de la Banque centrale, serait probablement l’option retenue. Par conséquent, l’évolution relative et anticipée des politiques monétaires de part et d’autre de l’Atlantique pourrait renforcer temporairement l’euro contre le dollar, même si la parité EUR/USD reste susceptible de s’approcher de 1,15 d’ici à la fin de l’année. En effet, la comparaison reste favorable à la zone euro. Après avoir enregistré une forte accélération de l’activité au deuxième trimestre (+1% t/t, après 0,3% au T1 10), les premières données du troisième trimestre continuent d’être orientées favorablement et indiquent que l’embellie du T2 pourrait se prolonger, plus longtemps que précédemment anticipé. Ainsi l’indice du climat économique pour août a-t-il progressé pour le cinquième mois consécutif, atteignant 101,8, un niveau compatible avec la poursuite de la reprise à un rythme soutenu.

L’Allemagne, en particulier, affiche une santé insolente (le PIB a bondi de 2,2% t/t au T2). Le nombre de chômeurs a enregistré une nouvelle baisse en août, la quatorzième d’affilée (-17K). Il se situe désormais à un niveau comparable à celui d'octobre 2008 (date à laquelle, il était revenu à près de 3,2 millions). Compte tenu du dynamisme de l’industrie allemande, le seuil des 3 millions de chômeurs pourrait être franchi avant la fin de l’année. Toutefois, les mesures de consolidation budgétaire adoptées par la plupart des pays de la zone euro commenceront à peser sur la demande intérieure. L’indice PMI composite d’activité et l’indicateur EuroCoin, tous deux publiés pour août, signalent que la reprise devrait ralentir à partir de l’automne (environ +0,5% t/t au T3).

Dans ces conditions, la BCE a révisé à la hausse ses hypothèses centrales d’inflation (de 1,5% en juin à 1,6% pour 2010 et de 1,6% à 1,7% pour 2011) et de croissance (de 1% en juin à 1,6% pour 2010 et de 1,2% à 1,4% pour 2011), tablant toutefois sur un ralentissement de l’activité au deuxième semestre. Elle a aussi signalé, à l’occasion de sa réunion de rentrée, qu’elle était engagée dans une politique de sortie de crise. Toutefois, elle continuera de fournir, de façon illimitée, et ce jusqu’à la fin de l’année, des liquidités, au taux refi de 1%, que ce soit sous la forme d’ORLT à 1 mois ou d’OPR hebdomadaires. Les montants alloués à l’occasion des prochaines ORLT à 3 mois, qui seront conduites en octobre, novembre et décembre, seront aussi illimités. Ces opérations seront allouées à la moyenne du taux de l’OPR sur la période. M. Trichet a indiqué que cette décision ne signalait pas de modification de la politique de taux d’intérêt. Nous estimons que le taux refi devrait rester inchangé tout au long de 2011.

Au Japon, à l’occasion d’une réunion d’urgence, la Banque centrale a annoncé, lundi, l’introduction d’un nouveau programme d’achats d’actifs à 6 mois, à taux fixe, pour un montant de JPY10 000milliards. Dans un contexte d’affaiblissement de la reprise déjà fragile, les autorités monétaires sont inquiètes des conséquences négatives du ralentissement de l’activité américaine sur l’économie nippone, renforcées par l’appréciation récente du yen contre dollar. En effet, la monnaie japonaise s’est retrouvée fin août à un plus haut contre dollar depuis quinze ans et depuis neuf ans face à l’euro. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé un train de nouvelles mesures budgétaires (JPY 920 milliards).

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