par Patrick Artus, Chef économiste de Natixis
L'accord du 21 juillet évite une cessation de paiement des pays de la zone euro en difficulté, réduit les taux d'intérêt des prêts européens à ces pays et allonge leur durée, se préoccupe du redémarrage de la croissance dans ces pays, prévoit une gouvernance économique renforcée : tout ceci va dans la bonne direction, ce qui explique sans doute la réaction initiale favorable des marchés financiers.
Cependant, nos craintes1 se sont révélées fondées: les résultats du sommet européen du 21 juillet 2011 ont très rapidement déçu les marchés pour plusieurs raisons :
- le rôle donné à l’EFSF (prêts à l’Irlande, au Portugal, à la Grèce ; rachats éventuels de dette sur le marché secondaire) dépasse ses capacités d’emprunt ; par ailleurs, son intervention n'est pas, contrairement à ce qui a été dit, l'ébauche d'un FMI européen. L'EFSF ne peut utiliser que des ressources empruntées, ce qui limite et ralentit son action même si désormais existe la possibilité de se préfonder ; si un grand pays était en difficulté, il serait dans la situation bizarre de garantir l'EFSF, pour un montant important, et de bénéficier de ses prêts. Un FMI européen, pour agir rapidement et pour des montants importants, devrait utiliser la création monétaire : ce ne peut être que la BCE, qui refuse de remplir ce rôle. De plus, il faut l'unanimité des pays et de la BCE pour que l'EFSF puisse réaliser des achats sur le marché secondaire, ce à quoi les pays du Nord s'opposent.
- les prêts à la Grèce, même faits à 4 %, conduisent à la poursuite de la hausse du taux d’endettement public de la Grèce où la croissance est aujourd’hui négative; il faudrait un taux d’intérêt beaucoup plus faible ;
- l’utilisation d’un défaut partiel pour les prêteurs privés accroît le risque de contagion et réduit la qualité du crédit des autres pays en difficulté, ce que disent aussi les Agences de Rating. En effet, ces dernières considèrent que l'échange de dette avec perte actuarielle est un défaut. Ceci s'ajoute au simple fait qu'il y a perte actuarielle, et pourrait conduire les investisseurs à ne plus souhaiter prêter aux pays de la zone euro ayant des taux d'endettement publics élevés (comme l'Italie), pour ne pas subir le même sort qu'avec la Grèce.
Pour arrêter la contagion, dans une optique de court terme, la seule solution est de mettre en place une capacité d’intervention massive sur les marchés des dettes publiques de la zone euro ce qui rassurerait les investisseurs et découragerait les spéculateurs.
Compte tenu de la taille des dettes, cette capacité d’intervention ne peut être financée que par la création monétaire, donc doit être confiée à la BCE, qui refuse pour l’instant ce rôle (à cause de la création monétaire induite, du refus de mettre des actifs risqués sur son bilan).
La multiplicité des émetteurs souverains dans une Union Monétaire conduit inévitablement à des crises. En effet, dans une Union Monétaire, les pays deviennent de plus en plus hétérogènes en raison de leur spécialisation productive différente (ceci se voit par exemple en ce qui concerne le poids de l’industrie, la situation de la balance courante), et cette hétérogénéité pousse les investisseurs à arbitrer les pays les uns contre les autres. Ceci ne peut être interrompu que par la mise en commun d’une partie du financement des Etats de la zone euro (Eurobond), ce qui est refusé par les pays du Nord.
Un nouveau sommet européen est donc nécessaire rapidement. Cependant, il ne sera utile que s’il débouche :
- sur un rôle actif de la BCE pour stabiliser les prix de marché des dettes publiques de la zone euro ;
- sur l’annonce d’émissions obligataires jointes des pays de la zone euro.
NOTE
- SR n°2011-072 « Pourquoi l'accord européen du 21 juillet, qui a beaucoup plu aux marchés, peut inquiéter ? »