Zone euro : Août ne sera pas de tout repos

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

• La publication des données nationales du PIB du deuxième trimestre devrait confirmer la faiblesse de la reprise économique dans la zone euro.

• Certains pays de la périphérie comme l’Espagne ou l’Irlande tirent toutefois leur épingle du jeu.

• Par ailleurs, les enquêtes pour le mois de juillet laissent présager une amélioration modérée de la situation économique au début du troisième trimestre.

Au cours des prochaines semaines, plusieurs rendez-vous économiques (croissance d’une part, inflation et réunion de la BCE d’autre part) ne devront pas être manqués en zone euro. Parmi les grands pays de l’Union monétaire, l’Espagne puis l’Italie ouvriront le bal de la publication des données nationales pour le PIB du deuxième trimestre (respectivement le 30 juillet et le 6 août), puis ce sera le tour de la France et de l’Allemagne le même jour que l’estimation préliminaire du PIB pour l’ensemble de la zone (publication le 14 août).

Morosité ambiante

Après un premier trimestre décevant (+0,2% t/t), la croissance du PIB dans la zone euro ne devrait pas avoir accéléré au T2. La baisse de la production industrielle en mai (-1,1% après +0,7% en avril) est venue doucher les anticipations de rebond de l’activité. Cette dernière reste inférieure de plus de 10% au pic atteint en 2008. En outre, le ralentissement observé dans le secteur manufacturier, loin de se limiter à quelques pays, a gagné l’ensemble de la zone, y compris l’Allemagne, qui avait, jusqu’à présent, servi de locomotive à l’Union monétaire. Les congés du mois de mai (ponts du 1er mai et de l’ascension) peuvent en partie expliquer le net repli de la production industrielle mais les données d’enquête (le PMI composite et l’Indicateur du sentiment économique ont reculé en juin) ne préfigurent rien de bon pour la fin du deuxième trimestre. En particulier, les nouvelles commandes à l’exportation, découlant de l’enquête PMI pour le secteur manufacturier n’ont cessé de baisser depuis novembre 2013 et le ratio commandes/stocks a également reculé.

L’activité dans les trois principales économies de la zone euro a déçu au T2. Seule l’Espagne a tiré son épingle du jeu. Le FMI a récemment salué sa bonne santé recouvrée et révisé ses prévisions de croissance à la hausse pour 2014 et 2015 (de 0,9% à 1,2% en 2014 et de 1% à 1,6% en 2015), à l’occasion de la publication de son rapport annuel. Après +0,4% t/t au T1, la croissance du PIB devrait être de l’ordre de 0,5% t/t au deuxième trimestre. En effet, la reprise ibérique se consolide, à la faveur du dynamisme de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises. Pour la première fois depuis 2008, les créations d’emploi repartent à la hausse. Enfin la consolidation budgétaire, fortement assouplie, devrait dorénavant moins peser sur l’activité.

Après une contraction au premier trimestre (-0,1% t/t), la croissance du PIB italien a à peine rebondi au T2. A la suite d’un mois de mai décevant (-1,2% en données mensuelles), la production industrielle s’est probablement contractée de 1% (t/t) au deuxième trimestre, après une hausse limitée à 0,2% au T1. Notre indicateur coïncident, qui mesure la croissance du PIB à partir des enquêtes (Commission européenne, PMI), des statistiques (production industrielle et ventes de détail) et de l'évolution des marchés financiers, plaide pour une progression très légèrement supérieure à zéro au T2 (cf. « Italie : la règle européenne de la dette est-elle trop contraignante?» in Ecoweek du 18 juillet 2014).

En France, l’activité demeure mitigée mais n’a probablement pas faibli davantage au deuxième trimestre. La croissance du PIB devrait être restée du même ordre qu’au T1 (+0,2% t/t) en dépit de la baisse attendue de la production industrielle (-1,7% en mai après +0,3% en avril). En effet, la progression de la consommation privée que laissent présager les bons chiffres de ventes au détail, soutiendrait encore une fois l’activité.

Enfin, l’Allemagne ne fait pas exception à la morosité ambiante. Les facteurs temporaires, qui avaient fortement amplifié l’accélération de l’activité au T1 (+0,8% t/t), ne se sont pas reproduits au printemps.

En outre les tensions géopolitiques, la force de l’euro, le niveau élevé des prix du pétrole et le ralentissement de la croissance en Asie ont fini par peser sur la confiance des entreprises. Leurs carnets de commandes à l’exportation se sont désépaissis progressivement et la production industrielle a probablement chuté de près de 1% au T2. Somme toute, la croissance du PIB allemande ne devrait pas dépasser 0,2% t/t au deuxième trimestre.

Un mieux en juillet

Les premières enquêtes publiées pour le mois de juillet sont venues étayer notre scénario d’accélération de la reprise au début du troisième trimestre. Il faudra toutefois attendre la publication des résultats définitifs des enquêtes PMI pour juillet (entre le 1er et le 5 août) ainsi que l’indice du sentiment économique de la Commission européenne (ESI, le 30 juillet) pour pouvoir confirmer ces premières impressions.

Dans la zone euro, l’indice composite d’activité de l’enquête PMI a rebondi en juillet. Il a enregistré sa première progression depuis avril dernier (54 après 52,8 en juin). Les services sont principalement à l’origine de cette amélioration (de 52,8 à 54,4, un plus haut depuis juillet 2011) tandis que dans l’indice PMI manufacturier s’est quasiment stabilisé au même niveau que juin (51,9 après 51,8).

Par ailleurs, les enquêtes nationales publiées en France confirment l’amélioration de l’indice PMI composite d’activité qui est repassé en zone d’expansion à 50,2, pour la première fois depuis avril, soutenu par l’amélioration dans les services. L’enquête INSEE est demeurée inchangée par rapport au mois de juin. Mais à y regarder de plus près c’est un léger mieux qu’il faut mettre en exergue. D’une part le niveau de juin a été révisé à la hausse de 92 à 93. D’autre part, les services qui représentent 75% de la valeur ajoutée française expliquent cette révision. Après 92 en juin (contre une première estimation à 90), l’indice sectoriel a atteint à 94 en juillet un nouveau point haut depuis mai 2012. Toutefois, on note une détérioration des enquêtes dans l’industrie et la construction.

A contrario, les résultats de l’enquête IFO pour juillet sont venus contredire l’amélioration de l’indice PMI composite allemand. A 56 en juillet, ce dernier a retrouvé des niveaux proches des plus hauts depuis trois ans, alors que l’indice IFO est retourné sur son plus bas niveau depuis octobre 2013. A 108, il demeure toutefois en zone d’expansion de l’activité et reste supérieur à la moyenne du deuxième semestre 2013 (107,7). L’indice des conditions courantes a reculé pour retrouver son niveau le plus faible depuis le début de l’année, tandis que celui des anticipations baissait aussi. A 103,4, il est au plus bas depuis août 2013.

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