Zone euro, le vent en poupe

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Dans la zone euro, après le trou d’air du second semestre 2010, la reprise économique a été confirmée au premier trimestre 2011. La croissance du PIB a été de 0,8% t/t, après 0,3% t/t au quatrième trimestre 2010. Nous ne disposerons des comptes détaillés que début juin. Toutefois, nous supposons que le principal moteur de la croissance provient des exportations, comme au cours des trimestres précédents. A contrario, la consommation a probablement progressé de manière moins marquée, érodée par l’inflation qui ampute le revenu réel des ménages.

La croissance n’est pas homogène. Les pays du nord ont tiré leur épingle du jeu, à l’instar de la France et de la Belgique dont le PIB a augmenté de 1% t/t. Le PIB allemand a augmenté de 1,5% t/t. Bien que le détail ne sera disponible que fin mai, l’office national des statistiques a signalé que ce fort rebond de l’activité n’est pas exclusivement le fruit du dynamisme des exportations, mais que la demande interne a aussi largement contribué à la croissance. A l’inverse, les pays périphériques n’ont pas pleinement bénéficié du moteur germanique.

Ainsi l’activité n’a-t-elle progressé que modestement en Espagne (+0,3% t/t). Les exportations ont pourtant été robustes mais leur dynamisme a vraisemblablement été compensé par un recul de la demande intérieure. Celle-ci a été pénalisée par la poussée de l’inflation et la rigueur budgétaire. C’est en Grèce que l’impact de la consolidation à marche forcée des finances publiques est le plus marqué. Malgré la progression de 0,8% t/t du PIB au T1, il devrait se contracter d’environ 3% cette année. La récession prolongée complique le processus de consolidation budgétaire (calé sur le retour d’un taux de croissance supérieur à 2% dès 2013). La dette publique grecque devrait dépasser 155% du PIB cette année et le déficit public, bien que s’améliorant, resterait encore autour de 8%.

En 2012, le pays est supposé retourner sur les marchés obligataires pour financer deux tiers de ses besoins, soit EUR 40 milliards (24 autres milliards étant couverts par le prêt du FMI et de l’Union européenne et quelques milliards supplémentaires par les recettes de privatisation).

Les marchés financiers craignent que la Grèce ne puisse faire face à de tels engagements, craintes relayées par la presse mais aussi les agences de notation. Ainsi, pour la quatrième fois depuis avril 2010, l’agence Standards&Poors a dégradé de deux crans la notation souveraine de la Grèce de BB- à B, soit hautement spéculative. En outre, elle maintient la note sous surveillance avec implication négative, indiquant qu’une dégradation supplémentaire est possible d’ici trois mois. Conséquences, le rendement du Bon du Trésor grec à deux ans s’est envolé, dépassant 26%.

Une baisse de deux crans de plus, à CC, de la note grecque l’associerait à « un risque de défaut substantiel ». L'hypothèse est pourtant fermement combattue par les instances européennes, en raison des risques qu’elle implique pour le système financier.

Les premières victimes d’une restructuration seraient en effet les banques grecques elles-mêmes, qui détiennent une part importante de la dette publique nationale. Elles sont, par ailleurs, très dépendantes des liquidités obtenues auprès de la Banque Centrale Européenne. Les données publiées montrent que les banques grecques, après les banques irlandaises, sont les plus gros emprunteurs de liquidités sur le marché monétaire, soit EUR 91 milliards en février 2011, i.e. 20% de l’ensemble des opérations de refinancement, en légère baisse par rapport à la fin de l’année 2010 (i.e. EUR98 milliards). A titre de comparaison, le PIB grec représente 4% de l’ensemble de la zone euro.

Enfin, les marchés financiers mettraient probablement aussi à l’épreuve les autres pays de la zone qui ont adopté un processus d’ajustement financier exigeant. Dans ces conditions, le scénario le plus probable demeure l’octroi par l’UE et le FMI d’une nouvelle ligne de crédit, comme le suggérait récemment, le Ministre des finances, M. Papaconstantinou.

Un réaménagement du plan d’aide serait assorti de nouveaux engagements du gouvernement grec en matière de privatisation, de lutte contre la fraude fiscale et de réformes structurelles. Le Fond Européen de Stabilisation Financière pourrait aussi acheter à l’émission des obligations d’Etat grec sur le marché primaire, si ce dernier rencontrait des difficultés pour se financer.

Somme toute, la publication du rapport de la Troïka (BCE, Commission européenne et FMI) mi-juin devrait permettre de juger de l’avancement des efforts de consolidation du gouvernement et permettre aux autorités nationales et internationales de décider des nouvelles mesures à prendre.

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