Crise grecque : acte 2

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

La note de la Grèce a une nouvelle fois été abaissée le 9 mai par S&P de 2 crans à B, l’agence de notation mettant en avant qu’il ya un risque croissant de restructuration de la dette grecque et qu’il faudrait une réduction (« haircut ») de 50% de celle-ci pour la rendre soutenable à moyen terme. Cet abaissement de la notation de la Grèce intervient alors que les autorités grecques sont en discussion pour renégocier leur plan de sauvetage et que circulent de nombreuses rumeurs sur une éventuelle restructuration et/ou sortie de la Grèce de la zone euro.

En effet, la Grèce se trouve dans une situation très délicate et rencontre de grosses difficultés à satisfaire les objectifs qui lui ont été assignés en termes de réduction du déficit. Il faut toutefois préciser que le déficit a été réduit de 5pts en 2010, ce qui représente un effort non négligeable et au prix d’un important sacrifice sur la croissance, avec une chute du PIB de 4,5%. Si les autorités ont le pouvoir de couper dans les dépenses, la dynamique des recettes fiscales est fortement dépendante de l’activité… Il est toujours possible d’augmenter les taux d’imposition mais à un certain moment, la hausse des impôts devient clairement contreproductive.

D’autre part, en théorie, la Grèce doit revenir sur le marché en 2012 pour émettre environ 25Md€ (représentant 75% des tombées) mais étant donné le niveau des taux actuels, 25% sur du 2 ans, 15% sur du 10 ans, il est impossible d’envisager un financement sur le marché. C’est dans ce cadre que les autorités européennes et le FMI pourraient étendre le plan de sauvetage décidé il y a exactement un an. Le taux d’intérêt avait déjà été abaissé en mars 2011 de 1pt le ramenant à 4,2% et la durée du prêt étendu à 7,5 ans.

D’un côté les investisseurs et semble-t-il les agences de notation sont convaincus qu’une restructuration est imminente : elle pourrait passer soit par un allongement des maturités, soit par une réduction du principal. De l’autre côté, les autorités européennes souhaitent l’éviter à tout prix, une restructuration créant en effet un précédent potentiellement très déstabilisateur pour la zone euro. Par ailleurs, en fonction de l’importance du « haircut » (30% ?, 50% ?), cela pourrait mettre en péril des institutions financières européennes. Les résidents grecs détenaient environ 22% de la dette publique et 56% étaient détenus par des pays européens (y compris la Suisse). Enfin, l’accès au marché deviendrait très compliqué pour la Grèce, avec potentiellement des taux encore plus élevés…

Dans ce contexte, nous pensons qu’une restructuration avec pertes pour les investisseurs privés est peu probable et qu’une aide supplémentaire pourrait être accordée à la Grèce, ce qui signifie que ce sont les autres pays européens via le FESF qui supporteraient le coût de la restructuration officieuse de la Grèce en lui permettant de se financer à des taux beaucoup plus avantageux. Si l’on prend en compte les besoins de 2013 (environ 35Md€) ajoutés à ceux de 2012, il faudrait une rallonge de 60Md€ aux 110Md€ déjà engagés… Le problème de liquidité de la Grèce serait alors réglé jusqu’en 2013 mais qu’en est-il du problème d’insolvabilité ?

Rappelons que la solvabilité des finances publiques dépend non seulement du niveau de la dette (150% pour la Grèce) mais aussi crucialement de l’évolution de la croissance du pays et du niveau des taux d’intérêt. On peut déterminer le déficit primaire (hors charges de la dette) nécessaire pour stabiliser la dette publique à partir d’un niveau de taux et de croissance et évaluer s’il est possible pour un pays d’y arriver. Ainsi dans le cas de la Grèce, si l’on pense que la croissance nominale tendancielle est de 5% et que la Grèce peut se financer à un taux raisonnable (6%?), il lui faudrait obtenir pour stabiliser sa dette un excédent primaire de 1,5%, à comparer avec un déficit primaire de 5% cette année. Un taux d’intérêt de 8% impliquerait un excédent primaire de 5%, ce qui est généralement considéré comme le maximum supportable pour un pays.

Si finalement la Grèce peut s’endetter à 4,2% dans le cadre d’un plan européen, elle peut alors se permettre d’avoir un déficit primaire de 1,2%, ce qui semble atteignable. Par ailleurs, la Grèce pourrait réduire son endettement public en vendant une partie de ses actifs : 50Md€ sont déjà prévus mais davantage pourrait être envisagé puisque la Grèce détient 280Md€ d’actifs immobiliers… Il n’y a donc pas de solution miracle à la situation grecque mais la solidarité européenne est probablement la moins risquée même si elle devrait s’avérer couteuse pour les autres états européens et qu’elle n’évitera pas à la Grèce de poursuivre ses efforts budgétaires.

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