Zone euro : une reprise laborieuse au T3

par Paola Monperrus-Veroni et Olivier.Eluère, économistes au Crédit Agricole

• Le PIB de la zone euro a crû de 0,1% t/t au T3 2013 en ligne avec nos prévisions.

• La reprise se diffuse du centre à la périphérie.

• Un cycle de reconstitution des stocks se dessine en France et le redémarrage de l’investissement se confirme en Allemagne.

• Nous maintenons notre prévision de reprise modeste en 2014 (+1 %), permise par une amélioration des débouchés extérieurs et un retour de l’investissement productif.

La reprise se confirme dans la zone euro au T3 2013 avec un taux de croissance du PIB de +0,1% t/t, affaibli par rapport au +0,3% du T22013. Cette évolution est en ligne avec notre prévision. La croissance redevient positive dans tous les pays pour lesquels les données sont disponibles, à l’exception de la France et de l’Italie. Le ralentissement dans les pays du centre était attendu du fait d’un deuxième trimestre tiré par des facteurs exceptionnels (production dans la construction). La reprise se diffuse donc du centre à la périphérie avec la sortie de la récession de l’Espagne (+0,2%) et du Portugal (+0,1%) et la quasi-stabilisation de l’activité en Italie (-0,1%). L’acquis de croissance pour l’année 2013 est négatif (-0,5%) et celui pour l’année 2014 à peine positif. Cependant les plus récents indicateurs anticipateurs signalent une légère accélération en fin d’année, avec un indice PMI qui se situe en octobre encore au-dessus de la moyenne du troisième trimestre. Nous maintenons donc notre prévision de croissance de +0,2% au T4 2013 et de +1% en 2014 pour la zone euro.

Au mois de septembre, l’indice de la production industrielle pour la zone euro se situe en phase de croissance. Cette croissance reste néanmoins fragile avec un niveau de la production de peu supérieur à la tendance et une faible progression de l’activité. La croissance paraît à peine plus robuste en Allemagne, mais nettement plus avancée en France et en Espagne. Avec un certain retard, les Pays-Bas et l’Italie seraient encore en phase de reprise avec un niveau de la production encore inférieur à la tendance.

Convergences

La convergence de l’activité entre les économies du centre de la zone euro et celles de la périphérie est intervenue en fin 2012 avec la dégradation des performances des pays du centre et s’est maintenue depuis du fait de la progressive amélioration du cycle dans les pays du Sud de la zone euro.

La baisse de l’indice de dispersion pour la production industrielle confirme que les écarts d’activité se sont davantage réduits en septembre.

La diffusion de la confiance au pays de la périphérie assez nette dans l’enquête auprès des entreprises manufacturières de la Commission européenne.

Si les chiffres du PIB du troisième trimestre semblent annoncer un affaiblissement de la conjoncture dans les pays du centre, lorsque l’on regarde de plus près les informations sur les moteurs de la croissance la conclusion est moins tranchée.

En France, où le PIB a baissé de 0,1 %, on attendait une stabilisation voire une correction de la croissance après le rebond de 0,5 % t/t du deuxième trimestre. La consommation des ménages y reste bien orientée, en hausse de 0,2 % t/t après 0,4 % au trimestre précédent. Le revenu des ménages est en faible hausse (+0,8 % en valeur estimée sur l’année) mais l’inflation est très ralentie (0,9 % sur un an en septembre, 0,6 % en octobre), ce qui permet une légère hausse du pouvoir d’achat et donc de la consommation. En revanche, l’investissement des entreprises a baissé, de -0,6 % t/t (après 0,1 % au t2) et les exportations ont rechuté, -1,5 % t/t (après +1,9 %), confirmant les principaux points faibles de l’économie française : situation financière des entreprises détériorée (hausse limitée de la valeur ajoutée et alourdissement de la fiscalité), débouchés européens et domestiques toujours faibles, compétitivité insuffisante (en prix et en qualité). Les importations restant en hausse, la contribution du commerce extérieur à la croissance est très négative, -0,7 % sur le trimestre.

Cependant, un début de restockage après deux ans de déstockage pourrait être lu comme le signe d’un retour d’anticipations plus propices à l’investissement.

L’acquis de croissance pour 2013 est de 0,1 % et la croissance en 2013 devrait donc comme prévu atteindre 0,1 % en 2013. Elle devrait être en hausse très modérée au T4 (+0,1 %) et au T12014 (+0,2 %). Le climat des affaires est remonté sur les derniers mois mais reste encore un peu en deçà de sa moyenne de long terme. Nous maintenons notre prévision de reprise modeste en 2014, +0,8 %, permise par une amélioration des débouchés extérieurs (notamment européens), l’impact des réformes structurelles (notamment le CICE) et une légère hausse de l’emploi (public et privé).

En Allemagne, où le PIB a crû de 0,3%, on attendait également un ralentissement après le sursaut du T2 (+0,7%) dû à l’ajustement de la production dans la construction après l’accalmie de l’hiver. Selon les premières indications de Destatis, la croissance serait tirée par la demande intérieure avec une dynamique soutenue de la consommation privée et publique, grâce à des revenus soutenus par l’évolution favorable de la masse salariale. Mais plus important, la croissance tant attendue de l’investissement se serait confirmée, tant dans la composante de la construction que de l’investissement productif qui aurait progressé pour le deuxième trimestre consécutif.

Avec un acquis de croissance pour 2013 égal à +0,4% et une prévision de renforcement de l’activité au T4 2013 (+0,4%), nous maintenons notre prévision de croissance à +0,5% pour l’année 2013. Les indicateurs plus récents pour le quatrième trimestre (indice PMI d’octobre) signalent une phase d’expansion assez robuste de l’activité. La confirmation que le mécanisme accélérateur de l’investissement est réactivé nous permet de maintenir notre prévision d’une croissance du PIB de +1,6% en 2014.

En Italie, la légère baisse du PIB (-0,1%), qui marque la première stabilisation de l’activité depuis neuf trimestres avait bien été anticipée par le redressement de tous les indicateurs qualitatifs et quantitatifs. C’est la valeur ajoutée industrielle qui s’est redressée (+0,2% m/m pour la production industrielle en septembre) alors que l’agriculture et les services continuent de réduire leur activité. Les indicateurs anticipateurs du cycle confirment le démarrage de la reprise et l’accélération de l’activité à l’automne. L’enquête menée par le patronat italien (Confindustria) dans l’industrie, anticipe une nouvelle remontée de la production industrielle en octobre (+0,3% m/m) et l’indice PMI annonce un net redressement des commandes étrangères depuis plusieurs mois. Avec un acquis de croissance pour 2013 très négatif (-1,9%), nous tablons sur une progressive reprise tirée par les exportations, le restockage et l’investissement productif permettant à l’économie italienne d’afficher une croissance de +0,5% en 2014.

Cette amélioration du cycle européen reste fragile et ne permet finalement pas aux marchés de retrouver leur force d’anticipation. Le risque d’un retournement de la confiance dans un avenir proche ponctué d’écueils (Asset Quality Review, difficulté de désendettement) est encore élevé. Notre prévision de croissance de 1 % pour la zone euro repose sur l’hypothèse que le chemin de croissance molle se fasse dans un cadre ordonné de maintien d’une certaine complaisance des marchés et d’une position bienveillante des banques centrales des deux côtés de l’Atlantique.

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