La BCE, les banques et la liquidité

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

L’année 2013 aura été marquée par une forte réduction de la taille du bilan de la BCE qui est passée de 3 000Md€ fin 2012 à 2 280Md€ fin 2013. Cet amaigrissement du bilan a principalement été la conséquence des remboursements anticipés des VLTRO octroyés en décembre 2011 et février 2012 et qui arriveront à échéance début 2015.

Début 2014, environ 450Md€ ont été remboursés sur les 1 018Md€ alloués. L’Espagne et la France ont remboursé plus de 100Md€ chacune, l’Italie environ 55Md€. Ceci a conduit à une baisse de la liquidité excédentaire à environ 200Md€ en fin d’année 20131 vs 620Md€ début 2013. Comme souligné par la BCE à maintes reprises, l’importance des remboursements de VLTRO est un signe de l’amélioration de la situation des banques mais cela ne signifie pas qu’il y a disparition de tous les risques. Par ailleurs, même si M. Draghi a réitéré qu’il n’y avait pas de lien automatique entre liquidité excédentaire et niveau de l’eonia, la réduction de la première a néanmoins tendance à avoir un effet haussier sur le second rendant la politique monétaire moins accommodante.

Malgré ce début de normalisation, certains systèmes bancaires, principalement l’Espagne et l’Italie sont encore très dépendants du financement de la BCE, à hauteur environ de 210Md€ chacune.

Pour atténuer d’éventuelles tensions sur ces systèmes bancaires, surtout dans le contexte de revue des bilans bancaires (AQR2), la BCE a déjà annoncé qu’elle prolongerait l’allocation illimitée de la liquidité jusque mi-2015, de façon à couvrir la période de remboursement des VTRO, les banques pouvant ainsi roller leur besoin en liquidité avec d’autres LTRO (à 3 mois). Pour autant, il semble difficile que ces systèmes bancaires maintiennent un financement BCE aussi important avec des échéances relativement courtes et une incertitude sur le fait que la BCE maintienne l’allocation illimitée après mi-2015. Ainsi, il semble vraisemblable qu’ils continuent à s’ajuster non seulement en raison de l’AQR mais également en vue de cette échéance.

Evidemment ces systèmes bancaires n’ont que peu de réserves à la BCE (comptes courants et facilités de dépôt) puisque la liquidité a été utilisée, en partie pour acheter des titres souverains.

Pour rembourser les prêts BCE et diminuer sensiblement leur financement à la banque centrale, les banques ont plusieurs possibilités. Elles peuvent remplacer les VLTRO par d’autres financements mais cela signifie une augmentation du coût de leurs ressources étant donné l’écart entre le financement BCE et le prix payé pour se financer sur le marché. Soit elles peuvent ajuster leur bilan à la baisse, avec la poursuite de la diminution des financements à l’économie et/ou une réduction de la détention d’actifs financiers.

C’est ce qu’ont déjà commencé à faire les banques espagnoles en 2013, le passif du système bancaire espagnol ayant diminué de 280Md€3 entre janvier et novembre (environ 8% de leur actif). Outre les VLTRO, les banques espagnoles ont également réduit d’autres postes de leur passif (financement sur le marché, passifs extérieurs). La contrepartie à l’actif a été une baisse des encours de prêts aux agents privés et en fin d’année une légère réduction de la détention de titres d’état (pour 25Md€ entre juillet et novembre). La taille du bilan du secteur bancaire italien a également diminué mais dans une moindre mesure avec également une baisse des encours de crédit.

M. Draghi a souligné lors de sa conférence de presse du 9 janvier que les effets négatifs du deleveraging du secteur bancaire à court terme devaient être contrebalancés par la meilleure santé du secteur bancaire à long terme (fin d’année 2014), révélant une certaine réticence à faire pour les banques. Pour autant, si la conséquence est un obstacle à la reprise de la croissance avec la poursuite de la baisse des crédits, augmentant davantage le risque de déflation, il nous semble alors vraisemblable que la BCE ne pourra pas faire l’économie de nouvelles actions. Si la BCE souhaite atténuer davantage les risques tout en évitant que la liquidité octroyée ne serve à acheter des titres d’état ce qui avait été en partie le cas lors des deux VLTRO, une solution serait de mettre en place une nouvelle facilité avec un terme assez long mais dont la contrepartie soit des prêts à l’économie. Par ailleurs, elle pourrait faciliter le financement des banques en achetant davantage de covered bonds (probabilité faible). Enfin, une nouvelle baisse de taux visant à rendre la politique monétaire plus accomodante, même si elle ne réglerait pas les problèmes auxquels sont confrontés les banques- pourrait finalement avoir lieu ce qui n’est pas, pour le moment, anticipé par les marchés.

NOTES

  1. Liquidité excédentaire à 160Md€ le 8 janvier 2014
  2. Asset Quality Review
  3. Données BCE

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