France, la reprise dépassera-t-elle le stade des vœux ?

par Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas

2013 a été sans conteste une année difficile. Par comparaison, 2014 devrait l’être un peu moins. Ce ne sont certes pas les embûches qui manquent, tant sur le plan économique que politique. Mais cette nouvelle année démarre aussi, et surtout, sous de meilleurs auspices conjoncturels. Après deux années de stagnation, 2014 devrait en effet marquer le retour, timide, de la croissance.

Parmi les évènements susceptibles d’influencer le climat économique et le sentiment des marchés financiers, figurent en premier lieu les élections municipales des 23 et 30 mars, ainsi que les européennes du 25 mai. La question qui se pose tient à l’ampleur du vote « sanction » et à l’inflexion de la politique gouvernementale qui pourrait en découler.

2014 n’est pas non plus exempte de risques sur le plan économique. Il y a, bien sûr, ceux pesant sur la reprise naissante. Il est vrai que les difficultés structurelles de l’économie française et les signaux mitigés renvoyés par les dernières enquêtes de conjoncture font craindre que la reprise ne fasse long feu. Le pari de l’inversion de la courbe du chômage n’est pas non plus encore gagné. Le plus probable, toutefois, est que la reprise prenne forme, ne serait-ce que parce que l’environnement extérieur est plus favorable. L’interrogation porte désormais plus sur son rythme que sa réalité. Et en ce début d’année, les risques qui pèsent sur les prévisions de croissance « officielles » (+0.9% en 2014 pour le gouvernement, +1% pour l’OCDE) restent, à nos yeux, légèrement baissiers, c’est-à- dire qu’il y a un peu plus de chances que la reprise attendue soit plus faible plutôt que plus forte que prévu.

Parmi les autres risques économiques, il y a aussi et surtout ceux pesant sur l’objectif de réduction du déficit budgétaire, de 4,1% du PIB en 2013 à 3,6% en 2014. Cela suppose déjà que la cible de 2013 soit atteinte, ce qui n’est pas totalement acquis. Pour 2014, même si la croissance attendue est au rendez-vous, la difficulté est double. Du côté des recettes, le risque est que, comme en 2013, les hausses d’impôts n’aient pas le rendement attendu. Du côté des dépenses, EUR 15 milliards d’économies budgétaires ont été annoncés : c’est un effort important mais qui reste totalement à réaliser. C’est sur ce volet que le risque de dérapage est élevé et que se joue la crédibilité des engagements du gouvernement.

Bien que les « spreads » en témoignent peu, la politique budgétaire française reste sous étroite surveillance. Aussi discutable soit-elle, la nouvelle dégradation d’un cran du rating souverain de la France, de AA+ à AA, annoncée le 8 novembre dernier par l’agence de notation Standard & Poor’s, en atteste. Et la France reste exposée à une autre dégradation de la part de Moody’s du fait de la perspective négative attachée à son rating Aa1. Les agences de notation devant désormais fournir un calendrier de publication de leurs décisions à venir sur les notes souveraines, il n’y aura pas longtemps à attendre : Moody’s doit rendre son verdict le 24 janvier.

2014 recèle aussi quelques promesses sur le front de la politique économique. Parmi les nouvelles réformes inscrites à l’agenda, il y a tout d’abord la renégociation de la convention d’assurance-chômage. Sur fond de réduction du déficit de l’UNEDIC, l’objectif est d’améliorer les incitations au retour à l’emploi. Les discussions entre les partenaires sociaux démarrent le 17 janvier. Il y a aussi les assises de la fiscalité des entreprises, qui débuteront le 15 janvier. Bien qu’évoquées quelques semaines auparavant, elles s’insèrent de fait dans la remise à plat globale de la fiscalité et du poids des dépenses publiques annoncée par le premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, le 19 novembre dernier. Des premières mesures sont annoncées pour l’été pour intégration dans le budget 2015.

Il y a, ensuite, le « pacte de responsabilité » annoncé par François Hollande lors de ses vœux aux Français le 31 décembre. Il prévoit une baisse des charges sur le travail et des contraintes moindres sur l’activité des entreprises en contrepartie de plus d’embauches et de dialogue social. Il y a, enfin, la réforme du financement de la protection sociale, relancée en fin d’année dernière. Elle va de pair avec les autres, le Haut Conseil du financement de la protection sociale devant réfléchir à une « réduction des prélèvements sociaux pesant sur le coût et les revenus du travail » et à l’impact sur le pouvoir d’achat des ménages. Il doit soumettre ses propositions en ce sens en mai. Ces différents chantiers s’inscrivent dans la lignée de ceux engagés en 2013 : Pacte national pour la Croissance, la Compétitivité et l’Emploi (PCCE) et ses dérivés (projet « Nouvelle France Industrielle » et commission « Innovation 2030 ») ; loi sur la flexi-sécurité du marché de l’emploi; accord sur la formation professionnelle.

Lors de ses vœux, F. Hollande n’a ainsi opéré, d’après nous, aucun virage : il n’a fait que réaffirmer et prolonger la logique d’ensemble de sa politique économique qui est, depuis le début de son mandat, une politique de l’offre de type social-démocrate. Celle-ci répond aux enjeux du moment et les effets à en attendre sont positifs. L’éternelle question est celle de leur ampleur. Si ces mesures de redressement de l’économie devraient commencer à porter leurs fruits à partir de cette année, soutenant au passage la reprise, et surtout, contribuer à rehausser la croissance potentielle, ce sont malgré tout de trop petits pas, même additionnés, pour que l’impact soit autre que marginal et que la France renoue, rapidement, avec une croissance forte. Il est vrai aussi qu’il y a un important retard de croissance à combler et donc un potentiel de rebond cyclique conséquent. La croissance pourrait surprendre à la hausse. C’est ce qui sous-tend la prévision actuelle du gouvernement d’une croissance de 2% dès 2015, après à peine 1% cette année. Moins optimistes, nous tablons sur 0,7% cette année, 1,3% en 2015 et nous n’attendons pas 2% avant 2018, soit la prochaine mandature.

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