par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
En ce début d’année 2013, trois interrogations mobilisent toutes les attentions :
• Dynamique de l’activité globale : nous pensons qu'elle sera comparable à celle constatée en 2012, mais avec un risque de rupture moins marqué ce qui sera positif pour la dynamique des marchés financiers.
• Fin de crise en zone euro ? L'explosion tant redoutée au printemps dernier n'aura pas lieu. Pour autant, la zone euro reste dans une position problématique en raison de son incapacité à retrouver rapidement le chemin de la croissance.
• Evolution de la politique monétaire et des taux d'intérêt : les politiques seront toujours très accommodantes, et la volonté des banques centrales de maintenir très basse la structure des taux d'intérêt est plus que jamais réaffirmée.
La question de la croissance
En 2012, force est de constater que le commerce mondial est resté sur une dynamique réduite, voire atone.
Dans les pays industrialisés
Les pays industrialisés (notamment l'Europe et le Japon) tardent à prendre le relais de la reprise initiée par tous en 2009, mais soutenue par la suite par la Chine. Cette situation reflète la nécessité pour les pays occidentaux d'ajuster leur modèle de croissance pour faire face à la résorption des excès qui ont mené à la crise actuelle.
Aux États-Unis cela se traduit par une trajectoire de désendettement des ménages, qui jusqu’à présent, a été compensée par une politique budgétaire souple. Les ajustements budgétaires discutés actuellement affecteront cette dynamique pénalisant l'activité.
En zone euro, des ajustements structurels sont nécessaires afin de retrouver un environnement plus équilibré. Chacune de ces zones doit donc être attentive au rééquilibrage de sa propre situation, mais cela obère toute impulsion ou capacité d’entraînement positive sur le reste du monde.
Du côté des pays émergents
Les modèles de croissance des pays émergents doivent retrouver une allure plus robuste. En Chine, le rééquilibrage vers une expansion tournée davantage vers la consommation implique une réallocation des ressources. Cela sera long et s'accompagnera d'un changement profond de la dynamique financière pour permettre aux acteurs économiques d'arbitrer dans le temps entre épargne et investissements.
L'incidence à long terme sur la dynamique financière globale sera forte et donnera naissance à une allocation différente des actifs à travers le monde.
Au Brésil comme en Russie, le modèle qui prévalait jusqu’alors doit aussi changer pour être moins dépendant des marchés de matières premières.
Chaque région, chaque grand pays, a la nécessité d'ajuster sa propre économie pour retrouver une trajectoire plus autonome et plus équilibrée.
La difficulté du scénario est qu'il devrait se traduire par des impulsions très limitées de chacune de ces régions au commerce mondial.
C'est une vraie différence par rapport aux périodes passées où une région en particulier (souvent les États-Unis) jouait le rôle de locomotive. Les réformes pour gagner en productivité et en efficacité sont donc plus que jamais nécessaires pour améliorer l’autonomie. Dans un tel environnement, adopter des stratégies budgétaires trop restrictives serait prendre le risque d'une nouvelle récession. Nous serons très attentifs à cet arbitrage entre réforme et politique budgétaire.
En l'absence d'impulsion forte sur le commerce mondial, il ne peut être attendu d'accélération rapide de l'activité globale en 2013.
Nous privilégions donc un sentier de croissance peu éloigné de celui de 2012 qui avoisinera les 2% de croissance aux États- Unis, 8% en Chine et -0,3% en zone euro.
Zone euro : fin de crise ?
La zone euro a connu deux crises qui se sont mutuellement "nourries" :
- la première est celle de la croissance,
- la seconde est celle de l'euro (i.e. celle de la capacité de la zone à fonctionner avec une monnaie unique).
Ce dernier point est en passe d'être résolu. Les craintes qui avaient créé le doute sur la pérennité de la zone au printemps dernier ont été levées à la fois par la mise en avant d'une volonté politique forte exprimée par Mario Draghi et par les institutions mises en place.
La BCE a évolué vers le rôle de prêteur en dernier ressort, le traité sur la gouvernance et le mécanisme européen de stabilité trouvent progressivement leur place, tandis que l'Union bancaire se construit.
Le cadre stable et pérenne à la zone euro qui en résultera sera plus indépendant des gouvernements locaux que par le passé. Si la logique se poursuit jusqu'au bout (fin 2014), alors la crise tendra effectivement vers sa fin.
Reste toutefois la question de la croissance en zone euro.
Les ajustements que l'on commence à observer, en Espagne notamment sur la compétitivité, ne sont pas encore suffisants pour imaginer un retournement rapide. L'inflexion de l'activité observée depuis le printemps 2011 va se poursuivre en 2013 mais sans rupture. Cela se traduira in fine par une hausse du chômage. Cette question de l’emploi sera la plus complexe à gérer car elle fragilise le tissu social et les mécanismes de financement de la protection sociale.
Des solutions ont été trouvées sur la crise de l'euro qui continuera à être la monnaie commune. Mais la question de la croissance reste majeure puisqu’une reprise trop lente de l'activité pourrait remettre en cause les acquis au sortir de la crise de l'euro.
Quelles politiques monétaires ?
Dans cet environnement manquant de dynamisme, il n'y aura pas de hausse durable de l'inflation.
Les tensions sur les marchés du travail sont trop réduites pour se traduire par des ajustements haussiers sur les salaires.
L'absence de cet effet de persistance susceptible d'engendrer de l'inflation supplémentaire permettra aux banques centrales de maintenir des stratégies très accommodantes en 2013. Elles doivent faciliter la mise en œuvre des mesures permettant le retour de la croissance et de l'emploi.
Dans la continuité de ce qui a été observé en 2012, les autorités monétaires souhaiteront tirer vers le bas l'ensemble de la structure des taux d'intérêt pour inciter les acteurs économiques à investir dès à présent afin de relancer ainsi l'activité, plutôt que de remettre leurs dépenses à plus tard.
C'est la raison pour laquelle la BCE et les européens continueront de faire pression sur l'Espagne et l'Italie pour les pousser à avoir recours aux mécanismes d'aide de la BCE.