par Bénédicte Kukla, économiste au Crédit Agricole
- Après des mois de tourments politiques et financiers, les élections anticipées auront lieu le 25 février.
- Compte tenu de la pression internationale, le nouveau gouvernement pourra difficilement remettre en cause le plan d’austérité budgétaire établi par le gouvernement sortant et approuvé par le FMI et l’UE.
- Dans ce contexte difficile, l’économie irlandaise tente de renouer avec la croissance, tirée par l’industrie.
Suite à l’annonce de la démission du Premier ministre irlandais de la tête de son parti Fianna Fail, les élections législatives en Irlande ont été avancées au 25 février 2011. Les sondages suggèrent que les partis d’opposition (Fine Gael et le parti travailliste) bénéficieront d’une large majorité, tandis que le parti du gouvernement actuel perdra un nombre important de sièges, avec seulement 14% d’intentions de vote. Quel impact aura ce bouleversement du paysage politique en Irlande ? La campagne électorale s’annonce tendue avec au centre des débats une possible renégociation du plan de sauvetage conclu avec l’UE et le FMI et la question du partage du fardeau des restructurations bancaires avec les créanciers privés. Pour l'instant, les besoins de l'Etat sont couverts par le plan d'aide UE/FMI, mais l’Irlande est toujours considérée comme un maillon faible par les marchés, compte tenu surtout des incertitudes entourant l’état de santé de son secteur bancaire.
Malgré des efforts budgétaires conséquents, le gouvernement a annoncé un déficit total de 32% du PIB en 2010 en raison des injections de capitaux dans le système bancaire pour un montant total de 50 Mds €. Selon le Plan de Redressement National établi avec l'UE et le FMI, les Irlandais vont devoir ramener leur déficit public sous la barre des 3% du PIB en 2014. Environ 40% des économies devront être réalisées en 2011, ce qui va nécessairement peser sur la croissance. Sous la pression des Européens, le nouveau gouvernement n’aura d’autre choix que de se conformer à ce plan d’austérité. D’autant plus que ces mesures de rigueur sont essentielles pour remettre les finances publiques sur une trajectoire plus soutenable. Dans l'hypothèse où l'Etat n'ait plus besoin d'injecter des capitaux supplémentaires dans le système bancaire, la dette publique s’éleverait à 98% du PIB en 2010, et devrait atteindre, selon nos simulations, 125% en 2020.
Pour alléger le poids des dettes, l’économie irlandaise tente de renouer avec la croissance. La production industrielle a nettement progressé en novembre (+14,1% a/a, après 7,7% en octobre), grâce notamment à l’activité pharmaceutique. Nous anticipons une baisse de la production en décembre en raison d’un aléa climatique important, mais l’indice PMI manufacturier suggère un nouveau rebond de la production manufacturier début 2011. Toutefois, cette performance dans l’industrie ne doit pas être occultée par l’absence d’un autre moteur de croissance. La demande intérieure reste en berne, et ne devrait pas redémarrer dans un contexte de serrage de vis, d’austérité budgétaire et de chômage élevé. En 2011, l’économie irlandaise devrait progresser de seulement 0,9%. Le tigre celtique avance désormais au ralenti, une sorte de prix à payer pour purger les excès financiers et immobilier passés.