par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
La crise économique et financière secoue l'ensemble de l'économie mondiale depuis l'été 2007. Ses origines et ses évolutions récentes permettent de déchiffrer la situation actuelle et de poser des jalons pour l'année 2009. Voici ces éléments de décryptage.
Les origines de la crise
Il faut toujours revenir sur ces éléments car ils permettent de cerner l'ampleur et l’inscription de la crise dans la durée. Ils permettent en outre de comprendre et justifier les mesures de relance ébauchées aux Etats-Unis et en Europe.
- Depuis les années 80, notamment aux Etats-Unis, la dette des ménages et leurs dépenses de consommation évoluent de manière similaire ; la dette permettant de dégager de nouvelles ressources pour consommer davantage. Parallèlement, ce schéma s'est accompagné d'une réduction rapide du taux d'épargne des ménages.
- Cela ne posait pas de problème majeur jusqu’à 2003, où l’on a vu poindre un changement de régime du côté des ménages. La dette a continué de s'accumuler, mais le poids de la consommation dans le PIB s’est stabilisé. L'endettement supplémentaire a accompagné pendant un temps l'euphorie immobilière mais n’a plus servi à dépenser plus : les ménages ont commencé à y avoir recours afin de satisfaire à leurs engagements financiers.
- Aujourd’hui, cette dynamique n'est plus tenable et nécessite un ajustement de grande ampleur qui doit se traduire par une diminution du poids de la consommation dans le PIB. Il faut que l'économie américaine retrouve un régime de croissance soutenable à moyen terme et cela devra passer par une réduction durable de l'endettement. C’est précisément ce préalable qui restera pénalisant pour le système bancaire pour un bon moment.
L’approfondissement de la crise
Le ralentissement de l'activité dans les pays industrialisés se diffuse progressivement vers le reste du monde, reflétant quatre situations non exclusives.
- Le retournement du cycle économique global affecte aussi la plupart des pays émergents, faisant parfois apparaître des fragilités plus marquées comme dans certains pays d'Europe centrale.
- Le changement du rythme de croissance dans les pays industrialisés a réduit les tensions sur le marché des matières premières, provoquant un repli massif de leurs prix. Cette baisse est venue impacter les revenus de nombreux pays producteurs mais s’est également traduite par une diminution des taux d'inflation et l’émergence de politiques monétaires plus accommodantes.
- L'aversion au risque des investisseurs a suscité des rapatriements de capitaux, notamment vers les Etats-Unis, fragilisant de fait, certaines monnaies. Cette évolution brutale a pu avoir des effets déstabilisants pour les émergents concernés.
- La croissance affaiblie des pays occidentaux entraîne une réduction de la demande d'importations qui ont des répercussions évidentes sur le volume d’exportations de certains pays émergents, en Asie notamment. L'ensemble de ces chocs négatifs affecte profondément le schéma de croissance des pays émergents et engendre une recrudescence de l'attentisme, y compris dans les pays les plus dynamiques. Cette configuration n'est pas neutre pour les pays occidentaux. En effet, les flux d'exportations à destination de ces pays émergents apportaient une contribution importante à la croissance des pays industrialisés. Comme ces flux se sont franchement infléchis, cela pénalise très fortement les Etats-Unis, l'Allemagne ou encore le Japon et continuera de le faire dans les prochains mois.
La recrudescence de l’aversion au risque
L'accroissement rapide de la dette hypothécaire avait été le support du succès des produits structurés. La réduction de cette dette hypothécaire, liée à la contraction de la consommation, continue de fragiliser l'ensemble des acteurs et marchés financiers. D’où une très forte aversion au risque du côté des investisseurs. Les risques associés à cette situation incitent les banques centrales à accentuer leurs stratégies très accommodantes : elles n'hésiteront pas à utiliser davantage encore des orientations non orthodoxes afin de soutenir l'activité bancaire, financière, et in fine l'ensemble de l'activité économique.
Les conséquences pour 2009
Depuis l'été 2008, des ruptures sont perceptibles sur l'activité. Les enquêtes auprès des chefs d'entreprises sont ainsi passées d'une perception "préoccupée" de la conjoncture à une orientation nettement "alarmiste". Les indicateurs d'emplois se dégradent aussi très rapidement ce qui obère les dépenses des ménages. Les flux d'exportations se sont donc repliés pour certains pays émergents habituellement grands exportateurs comme la Chine, Taïwan ou la Corée. Mais les Etats-Unis sont également concernés : les exportations ont fortement reculé au cours des mois d'octobre et de novembre derniers.
Les chiffres d'activité du dernier trimestre 2008 vont s’en ressentir et ce mouvement se prolongera au début de l'année 2009. On ne peut espérer de retournement avant l'été prochain a minima. La baisse du prix de l'énergie sera une des composantes qui viendra faciliter ces ajustements.
Nul doute que la mise en place de politiques de relance prendra du temps, mais que leur coordination avec des politiques monétaires accommodantes autorisera une stabilisation puis une lente mais probable amélioration en 2010.