par Philippe d’Arvisenet, Chef économiste de BNP Paribas
La contraction progressive de l’endettement des ménages s’est poursuivie en 2010. Par rapport au pic atteint début 2008, la dette affiche un recul de 4% (5% pour la dette hypothécaire et 5,9% pour l’encours de crédit à la consommation). Le taux d’endettement calculé par rapport au revenu disponible brut est ainsi revenu de 132,4% en 2007 à 116, 1% fin 2010. Il devrait encore diminuer de 6 points pour que la correction ramène le taux d’endettement au niveau qui était le sien avant le gonflement de la bulle immobilière.
La richesse totale, qui avait atteint USD 78,5 Tr à fin 2007 après avoir reculé de 20% au plus bas début 2009, s’est redressée, mais son niveau (USD 70,7 Tr) reste inférieur de 9% à celui de 2007. Cette évolution d’ensemble masque une divergence bien connue entre actifs tangibles (essentiellement l’immobilier) et actifs financiers. Les premiers continuent à diminuer (-4,2% l’an dernier et -28% par rapport à fin 2006). Le redressement constaté est imputable aux actifs financiers (20,2% par rapport au début 2009 et 70% pour les seules actions détenues en direct).
Malgré le recul de l’endettement et l’augmentation de la richesse totale, la richesse nette (actifs moins dette) reste inférieure de 11,4% à son pic de 2007. Passée de 6,46 fois le revenu disponible fin 2006 à 4,54 fois début 2009, elle est remontée à 4,94 fois fin 2010.
La chute des prix immobiliers continue à éroder la part des actifs immobiliers en pleine propriété (home owners equity) tombée de 56,5% avant la crise à 36,4% début 2009, elle s’est légèrement redressée (40,7% début 2010) pour retomber en fin d’année à 38,5%. Le redressement de la Bourse, en revanche, a permis aux ménages de renouer avec leurs ventes nettes d’actions détenues en direct, d’un record de USD 847,9 mds en 2007 (8,1% du revenu disponible), elles ont chuté à USD 119,9 mds en 2008 (1,1% du revenu) pour faire place à des achats nets en 2009 (USD 104,4 mds). Les ménages ont à à nouveau procédé à des ventes nettes de USD 103,2 mds en 2010.
Le désendettement appelé à se poursuivre et la baisse de la richesse immobilière continueront à constituer un frein à la croissance de la demande des ménages.
Profits en hausse
Les sociétés non financières ont enregistré un fort rebond de leur profitabilité. Les profits bruts avant impôts, qui avaient chuté de 32,2% entre 2007 et 2009, ont connu un rebond de 42% en 2010. Cette évolution positive des profits n’est guère étonnante au regard de la vigueur des gains de productivité dégagés par l’économie américaine (+3,9% en 2010 après 3,7% en 2009), lesquels ont débouché sur un recul des coûts unitaires du travail (la principale composante des coûts de production) de 1,5% en 2010 après 1,6% en 2009, alors que la déflateur du PIB progressait de 0,8% chacune de ces deux années. Par-delà les fluctuations des profits, les dividendes sont restés relativement stables autour de USD 500 mds. Les sociétés qui avaient procédé à des rachats d’actions record en 2007 (USD 786,8 mds) les ont ramenées à USD 64, 6 mds en 2009, un redressement à USD 274 mds a été constaté l’an dernier.
Redressement des profits, distribution soutenue des dividendes et retour des achats d’actions (expliquant largement le rebond considérable des acquisitions d’actifs financiers à USD 908 mds en 2010, trois fois plus qu’en 2009, presque autant que le record de USD 1 070 mds de 2007) coexistent avec une reprise très modérée des dépenses d’investissement fixe qui, malgré le rebond de 2010 (8,6% en glissement annuel), restent inférieures de 17% à leur niveau de 2008. Pourtant, le redressement de la valeur de marché des entreprises aurait pu laisser attendre une reprise nettement plus marquée de la formation de capital productif.
En fait, le taux d’utilisation des capacités, à 74,5% en 2010 (77% en fin d’année) contre 69,3% en 2009, reste nettement en deçà de sa moyenne de longue période. Les incertitudes fiscales et surtout réglementaires, entretiennent par ailleurs un climat attentiste. Résultat, l’investissement est autofinancé. Les entreprises apparaissent, en fait, soucieuses de consolider leurs bilans. Le recours au marché obligataire (les émissions nettes de USD 419,9 mds en 2010 ont doublé par rapport à 2008) a été utilisé pour financer l’achat d’actifs financiers. Par ailleurs, les entreprises disposent d’abondantes liquidités (+22% en 2009 et +11% en 2010). Les bilans ont été consolidés, la part de la dette longue dans la dette totale est passée de 68,5% en 2008 à 74,5% l’an dernier, les actifs liquides représentent 50,7% de la dette à court terme contre 35,8% en 2008.
Creusement du déficit courant
Les comptes extérieurs américains montrent un profil très différent de celui observé avant la crise. Désendettement des ménages et autofinancement des entreprises se sont conjugués pour que le besoin de financement du secteur privé fasse place à une capacité nette de financement, pas suffisante toutefois pour compenser le creusement du déficit public, ce qui a ramené les Etats-Unis dans une situation de déficits jumelés à l’image de celle des années Reagan. Après un très net tassement consécutif à la récession, le déficit courant s’est à nouveau creusé (USD 798,4 mds en 2006, USD 379,4 mds en 2009, USD 474,4 mds en 2010). Cette évolution a conduit à un creusement de la position extérieure nette un temps interrompu par la dépréciation du dollar, la dette externe étant libellée en dollars tandis que les avoirs sont libellés en devises étrangères.
Les entrées de capitaux doivent couvrir à la fois le déficit courant et les sorties nettes (investissements et placements à l’étranger). Avec la crise, les sorties nettes de USD 1097,3 mds en 2007 ont fait place à des rapatriements en 2008 et 2009 (respectivement USD 59,1 mds et 64,2 mds) avant de rebondir à USD 812,5 mds en 2010 sous l’impulsion de la recherche de rendement.
A côté du « quantitative easing », les investissements étrangers en titres du Trésor (essentiellement de la part des banques centrales) ont été très soutenus.
En 2010, ils ont représenté l’équivalent de 46,6% des émissions nettes du trésor (USD 736 mds) contre 40,4% en 2009. Ces achats s’expliquent sans doute par la profondeur du marché américain, mais également par le souci de stabiliser le cours de certaines devises émergentes contre dollar.
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