Chine, risque de retard dans le changement de modèle de croissance

par Bei Xu, économiste chez Natixis

La publication des statistiques de mars et du premier trimestre 2011 était très attendue en Chine. En raison des longues vacances du nouvel an chinois, les statistiques des deux premiers mois de l’année sont difficiles à interpréter et surtout ne permettent pas de bien évaluer l’ampleur du ralentissement de la croissance de l’économie chinoise. 

Aujourd’hui, la sortie des différents indicateurs confirme notre prévision selon laquelle la croissance de l’économie reste dynamique et ne connaîtra qu’un ralentissement en douceur (soft landing).

  • En effet, le PIB a cru de 9,7% en GA au premier trimestre – un rythme de croissance comparable avec les deux derniers trimestres 2010 où la croissance était de 9,6% et 9,8%.
  • La production industrielle continue de croître à un rythme relativement élevé, c’est-à-dire 14,8%. L’investissement en zones urbaines progresse de plus de 25% et les ventes au détail ont rebondi et redeviennent dynamiques en passant d’un taux de croissance de 11,6% en février à 17,4% en mars.
  • Non seulement les principaux indicateurs économiques montrent qu’il n’y a pas vraiment de ralentissement de croissance en Chine, mais leurs proxies comme la production d’électricité et de ciment confirme que l’activité reste stable dans les secteurs de l’industrie et de la construction.

Nous continuons à penser que le rythme de croissance n’est pas la principale préoccupation de l’économie chinoise en 2011. A court terme, la vraie inquiétude est la maîtrise du risque inflationniste avec un taux d’inflation en GA de 5,4% en mars. D’un point de vue structurel, la Chine risque de d’accumuler du retard dans le changement de son modèle de croissance, alors que ce dernier est nécessaire pour une croissance plus soutenable à moyen et long terme.

D’une part, l’investissement restera soutenu cette année. D’importants programmes de construction de logements sociaux (10 millions d’unités) suffiront largement à compenser les effets négatifs des mesures restrictives sur le secteur immobilier en termes d’activité de construction. En plus, les conditions de crédit restent relativement favorables au moins pour les secteurs soutenus par le gouvernement malgré le resserrement monétaire.

Par contre, il est de plus en plus incertain que la consommation des ménages gagne de l’importance en termes de contribution dans le PIB. Avec la montée du risque inflationniste, et une réelle inflation qui devrait être plus élevée que ce que montre le chiffre officiel, ce sont les ménages de faibles revenus qui perdent le plus de pouvoir d’achat. Or, pour soutenir et dynamiser la consommation, il est important de garantir le pouvoir d’achat des ménages à faibles et moyens revenus. Sachant que la raison principale pour laquelle la consommation à une faible part dans le PIB, depuis une décennie, est la distribution inégalitaire des revenus et donc un faible pouvoir d’achat de ces ménages.

Les premiers signes semblent montrer un affaiblissement de la capacité de consommation des ménages avec la chute du rythme de progression des ventes au détail de février. Sachant que les ventes au détail incluent à la fois les dépenses des ménages et celles des administrations publiques, le rebond de mars serait probablement lié à une plus importante dynamique des dépenses des APU. Cela reste néanmoins à confirmer le mois prochain.

Conclusion

2011 est la première année du 12ème plan quinquennal dont la ligne directrice est de passer d’un modèle de croissance basé sur l’investissement à une croissance plus équilibrée avec davantage de consommation des ménages. Les politiques économiques doivent trouver un juste milieu entre la croissance et le rééquilibrage de la croissance. Or, l’année 2011 semble devoir accumuler du retard dans ce pilotage politique et économique. Le rythme de croissance restera élevé, mais encore une fois l’investissement risque d’être le principal moteur avec l’investissement public (bien que le soutien aux certains projets soit nécessaire), alors que la consommation des ménages peine à progresser plus vite compte tenu du risque inflationniste qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages de faible et de moyen revenus.

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