par Laurent Berrebi, directeur des études économiques de Groupama Asset Management
Contrairement à ce que laissait penser la montée fulgurante des indices ISM, la croissance sera encore plus faible au premier trimestre qu’au quatrième trimestre 2010. En effet, toutes les composantes de la demande finale ralentissent. L’extérieur pénalise la croissance à cause de la hausse importante des importations qui fait plus que compenser le dynamisme des exportations. L’investissement en structures tant résidentiel que commercial rechute à cause de la hausse des taux hypothécaires.
L’investissement en biens d’équipement devrait poursuivre son ralentissement an raison de la décélération des profits et des importantes surcapacités. Enfin, la consommation qui a augmenté de 0,3% en février se normalise et devrait enregistrer une hausse annualisée de moins de 2%. Sans les stocks, la croissance serait nettement inférieure en T1 2011 qu’en T4 2010.
Tous ces éléments confirment notre scénario. Mais le ralentissement devrait s’accentuer au deuxième trimestre sous l’impact des stocks qui devraient de nouveau pénaliser la croissance et surtout du bond des prix des hydrocarbures: la forte dégradation des anticipations des ménages annonce une consommation faible, parallèlement à la dégradation marquée du pouvoir d’achat. L’inflation à 2,2% devrait avoisiner les 3% très prochainement. Les indicateurs avancés comme les indices ISM baissent et ont probablement atteint leur point haut.
Zone euro : la croissance stagne en raison de la détérioration dans les pays périphériques
La croissance du premier trimestre demeure probablement autour de 0,3% comme les deux trimestres précédents. Certes, l’activité dans le secteur de la construction bénéficie des effets de rattrapage en France et encore plus en Allemagne, après le retard accumulé au trimestre précédent dû au froid. Mais, en dépit du dynamisme des exportations, portées par le rebond du commerce mondial riche en restockage de biens intermédiaires, la production industrielle ralentit au premier trimestre.
La consommation se modère dans l’ensemble de la zone euro, excepté en France et en Allemagne. Elle demeure pénalisée par des pays périphériques (Grèce, Irlande, Portugal, et Espagne) où la crise de la dette souveraine s’amplifie : tous sauf l’Espagne ont été dégradés de plusieurs crans par les agences de notation. Le Portugal est sur le point de passer en investissement spéculatif pour Standard & Poors et Fitch, l’Irlande également pour Moody’s, alors que la Grèce l’est déjà. Sans surprise, le Portugal a décidé de faire appel à l’aide européenne. Nous tablons sur une aide de 50 à 60 Md€ qui devrait être finalisée dans les toutes prochaines semaines. Face à cette zone bicéphale, la BCE a choisi de relever son taux directeur, alors que l’inflation sous-jacente décline à 1% en dépit du bond des prix énergétiques qui pousse l’inflation globale à 2,6%.
Japon : effondrement de l’activité
Les sous-indices de production et des nouvelles commandes de l’indice PMI manufacturier perdent tous deux 15 points pour se retrouver à moins de 40 : ils indiquent une chute de 10% de la production manufacturière dans les prochains mois. Leur chute aurait dû être bien plus importante : les résultats ont été biaisés vers le haut car 5% seulement des entreprises des régions dévastées ont répondu, si bien que le taux de réponse à l’enquête a été de 65% contre 80% en temps normal.
De plus, l’indice PMI concerne le seul secteur manufacturier et n’inclut pas le secteur énergétique et électrique où 15% des capacités de production ont été supprimées ou ne peuvent plus fonctionner depuis le séisme. Enfin, l’indice d’activité et de confiance des petites entreprises montre une chute encore plus spectaculaire du côté des services et du commerce : il retrouve les niveaux de la grave récession de 2001 ou de la crise financière de 2008. Nous avons intégré une contraction du PIB de 2% au deuxième trimestre. La reprise par les dépenses de reconstruction ne devrait pas avoir lieu avant le dernier trimestre : pour faire face à une insuffisance de capacités de production électrique de 20 à 30%, les coupures d’électricité affecteront les entreprises de manière importante cet été et les obligeront à réduire leur production.
Au total, une contraction de 1% du PIB en 2011 a été intégrée mais elle pourrait être bien plus élevée.