par Carlos Quenan et Bénédicte Baduel, économistes chez Natixis
Arrimé aux Etats-Unis de par sa proximité géographique et économique, le Mexique a subi de plein fouet les effets de la crise économique internationale et a connu un net ralentissement de l’activité en 2008. Alors que les marges de manœuvre du gouvernement au niveau budgétaire sont relativement étroites, le plan de relance annoncé par le président Calderón ne pourra pas empêcher que le pays bascule dans la récession. La contraction de l’activité économique peut avoir des implications importantes sur le plan politique, en particulier sur les résultats des élections intermédiaires (législatives et de gouverneurs d’Etats) qui auront lieu en 2009.
Le Mexique a connu en 2008 un net ralentissement de l’activité économique. D’une part, les divers composants de la demande domestique ont connu une décélération du rythme de croissance. Tout particulièrement, la consommation privée a fléchi dès le premier semestre de l’année en raison du moindre dynamisme de l’expansion de la masse salariale, de la politique monétaire restrictive appliquée pour combattre l’inflation, de la réduction des transferts des immigrés et de la détérioration des anticipations des agents qui a commencé à affecter négativement l’investissement.
D’autre part, le Mexique a été frappé par une multiplicité de chocs défavorables. Tout d’abord, l’entrée en récession des Etats-Unis a handicapé la demande extérieure : 80% des exportations mexicaines sont destinées au marché américain, ce qui a affecté l’industrie manufacturière dont la production est en bonne partie orientée vers les débouchés extérieurs (cas des usines d’assemblage ou maquiladoras). Les exportations en valeur ont été également affectées par la chute du prix du pétrole pendant le deuxième semestre de l’année, ce qui s’est traduit par une brusque chute des termes de l’échange. Ensuite, les entrées de capitaux sous forme d’investissement directs –entrées nettes- et de portefeuille s’orientent clairement à la baisse alors que les recettes que le pays tire du tourisme subissent aussi les effets négatifs de la crise internationale.
Enfin, une autre composante majeure de la balance courante mexicaine, les transferts des émigrés aux Etats-Unis, ont connu, pour la première fois, une diminution de leur montant (-3,6% en 2008 et -9,8% en décembre en GA). La perspective d’une nouvelle réduction en 2009 est plus que probable étant donné que les secteurs de l’économie américaine dans lesquels les émigrés mexicains sont insérés (BTP notamment) comptent parmi les plus touchés par la récession aux Etats-Unis.
Un affaiblissement généralisé de l’activité économique Le ralentissement de l’activité s’est accentué au cours du dernier trimestre 2008 : les ventes au détail ont connu un coup d’arrêt (en contraction pour le troisième mois consécutif en novembre de -2,6% en GA) alors que la croissance du crédit au secteur privé a décéléré considérablement (-1,9% en décembre en GA en termes réels) et que la production industrielle s’est effondrée (-3,9% en novembre en GA, -6,8% par rapport à octobre). Qui plus est, les indicateurs de confiance des consommateurs et des entrepreneurs sont en chute libre depuis début 2008.
Un plan de relance somme toute modeste
Dans ce cadre de ralentissement prononcé de l’économie, le Mexique a très vite fait usage, début septembre 2008, de ses marges de manœuvre pour soutenir l’activité en votant un budget 2009 plus expansif. Il s’élève à 261 milliards de dollars, en hausse par rapport au budget 2008. Plus particulièrement, l’investissement public représente 13% du budget et est en augmentation de 44% par rapport à la moyenne 2000-2006. Les dépenses sociales atteignent un niveau historique élevé : 10% du PIB particulièrement centrées sur l’éducation et la santé. De plus, confronté à la poursuite de la détérioration de l’économie domestique et à l’assombrissement des perspectives pour 2009, le gouvernement a lancé début janvier un plan de soutien à l’économie (« Accord national en faveur de l’économie familiale et de l’emploi pour vivre mieux »).
Ce paquet de mesures s’articule autour de cinq piliers : le soutien à l’emploi, l’appui à l’économie familiale, le support accru aux PME, le renforcement de la compétitivité et la transparence des dépenses publiques. Le dispositif mexicain comporte peu de mesures fiscales mais vise plutôt au renforcement de grands programmes sociaux et d’infrastructures mis en place précédemment et à soutenir l’offre de crédit (les lignes de crédit de la banque de développement ont été augmentées de 26%). Le coût total du plan est estimé à près de 9 milliards de dollars (1,1% du PIB) soit un effort plus modeste que celui des autres pays de l’OCDE ou même au niveau de la région latino-américaine (Chili : 2,8%, Pérou : 2,9% du PIB, par exemple). Alors que les finances publiques du Mexique ont été équilibrées au cours des dernières années, la faiblesse relative du plan de relance s’explique par la modicité des fonds contra-cycliques (environ 10 milliards de USD répartis en trois fonds de stabilisation1), le souci des autorités de ne pas bouleverser radicalement la politique d’amélioration des ratios d’endettement public (graphique 9) et surtout la baisse du prix du pétrole. Si le Mexique a mis en place une réforme fiscale en 2007 afin de diminuer le poids des recettes pétrolières (elles représentent près de 38% du total en novembre 2008), les recettes totales devraient néanmoins être très affectées par la baisse des cours du brut.
Conclusion : crise économique, besoin de financement extérieur et échéances électorales
La croissance économique, qui a été assez hésitante au cours des dernières années, ne sera pas au rendez-vous en 2009. Certes, la récession ne devrait pas être aussi prononcée que celles que le Mexique a connues dans le cadre de la crise de la dette extérieure des années 80 ou lors de la « crise tequila » de 1994-1995, quand il a été l’épicentre de graves turbulences financières internationales (graphique 10). Il n’en reste pas moins qu’avec la récession attendue en 2009, un cycle de croissance molle prendra fin (2,8% en moyenne pour 2002-2008, inférieure à la moyenne latino-américaine). La phase de forte croissance de la deuxième moitié des années 90 (5,5% en moyenne en 1996- 2000) s’est révélée de courte portée. Au delà de la récession en cours, le pays est donc confronté, à moyen terme, au défi de relever le taux de croissance, handicapé entre autres par le niveau médiocre du taux d’investissement, le retard sur le plan des infrastructures et les insuffisances existantes en matière de ressources humaines.
A court terme, le besoin de financement extérieur du pays sera plus élevé en 2009 qu’en 2008. Même si les échéances de la dette extérieure publique et surtout privée seront moins importantes, ce besoin devrait être en hausse pendant l’année en cours en raison de l’accentuation du déficit courant et de la diminution anticipée des investissements étrangers directs et de portefeuille. Toutefois, le Mexique jouit d’une bonne réputation auprès des investisseurs et, comme en 2008 – lorsque le besoin de financement a fortement augmenté par rapport à 2007 -, il devrait pouvoir faire face à cette situation sans trop sacrifier ses réserves de change en faisant appel aux marchés pour se refinancer –à l’instar de l’émission de 2 milliards de dollars qu’il a effectué en décembre dernier.
En tout état de cause, la contraction de l’activité interviendra dans une année où doivent avoir lieu des élections législatives de mi-parcours qui pourraient affaiblir les soutiens politiques au gouvernement du président Calderón et accentuer les blocages qui ont jusqu’à présent limité les réformes structurelles dont le pays a besoin pour se moderniser et dynamiser la croissance.