Politiques monétaires : le retour de l’action

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Les politiques monétaires sont revenues sur le devant de la scène cette semaine. Par surprise, la Banque centrale de Chine a abaissé son taux prêteur à un an de 25pb à 6,31%, première réduction depuis 2008. Cet assouplissement intervient alors que les inquiétudes sur la croissance chinoise se sont intensifiées ces dernières semaines et révèle les craintes grandissantes des autorités chinoises.

Alors que le risque inflationniste reste présent et que le coût du crédit n’est pas réellement le problème, la baisse de taux suggère que la faiblesse de la croissance à court terme prévaut sur les considérations de long terme.

Parallèlement à cette action inattendue, les banques centrales européenne et américaine sont restées dans leur attitude de « wait and see » et appellent toutes les deux les politiques à prendre leurs responsabilités.

– La Banque Centrale Européenne a maintenu son taux refi inchangé à 1% et n’a pas fait de grandes annonces concernant les politiques non conventionnelles. Malgré la tempête qui sévit en Europe, la BCE considère en effet que ce n’est pas de son ressort de régler le problème européen et préfère garder quelques marges de manœuvre. Si elle n’a d’ailleurs pas tort, la crise européenne ne pouvant être résolue que par des décisions politiques affirmant l’unité de l’euro et allant vers plus de fédéralisme (union budgétaire et bancaire), son action pourrait néanmoins atténuer certaines tensions et apporter un soutien à la croissance européenne : une baisse des taux permettrait de réduire le coût de financement des banques en difficulté dans certains pays périphériques de la zone euro, allègerait le coût du crédit pour les agents endettés à taux variables (notamment l’Espagne) et ne pourrait qu’être favorable aux entreprises et aux ménages via une amélioration des conditions de financement. Elle pourrait également redonner confiance aux agents privés. Enfin, un assouplissement monétaire accentuerait les tensions baissières sur le taux de change, favorable à la croissance. Au total, une baisse de taux ne nous semble pas complètement inutile. Par ailleurs, un soutien à l’Espagne via des achats de titres souverains par le SMP nous semble aussi en mesure d’apporter une aide aux Espagnols et de contenir la contagion. Si la BCE a observé le statu quo début juin, son discours a néanmoins sensiblement évolué depuis début mai et ouvre la porte à une baisse de taux : les risques baissiers sur la croissance se sont intensifiés et parallèlement les risques de second tour sur l’inflation ont disparu du communiqué. En revanche, il faudrait probablement une forte dégradation de l’environnement financier pour que la BCE réactive les achats via le SMP.

– Le FOMC de la Réserve Fédérale n’aura lieu que le 20 juin mais Ben Bernanke a donné un avant-goût de la teneur du communiqué dans son discours devant le Joint Economic Committee. A ce stade, la Fed ne prévoit pas d’étendre sa politique non conventionnelle et appelle les autorités budgétaires à prendre les mesures nécessaires : présenter un programme de consolidation budgétaire à moyen terme crédible tout en évitant une trop forte contraction du déficit en 2013 (« fiscal cliff »). Pour autant, la Fed se tient toujours prête à intervenir en cas de stress financier majeur. Nous continuons de penser que la Fed sera amenée à prendre de nouvelles mesures à partir de l’été pour tenter de contrer l’affaiblissement de la croissance et l’arrêt de l’amélioration sur le marché du travail. Toute la difficulté aujourd’hui pour la Fed est d’arriver à mesurer les effets possibles d’une nouvelle extension du bilan sur l’économie : on pourrait arguer qu’avec un taux souverain 10 ans à 1,6%, acheter des titres longs n’aurait que peu d’intérêt. Il faut toutefois rappeler que la faiblesse des taux longs est en partie imputable à la politique de la Fed mais surtout récemment à la montée de l’aversion pour le risque en Europe. Il ne faut donc pas négliger le risque d’une remontée des taux longs en deuxième partie d’année. Par ailleurs, alors que la politique budgétaire est vouée à devenir plus restrictive, le maintien du policy-mix à un niveau accommodant passera par davantage d’assouplissement de la politique monétaire.

Au total, si les politiques monétaires ne sont pas la panacée face aux problèmes rencontrés en Europe et aux Etats- Unis, avec des marges de manœuvre qui peuvent sembler limitées, elles restent un facteur clé pour le maintien de la confiance des agents. Ainsi, l’attitude de « wait and see » actuellement observée par la BCE et la Fed pourrait rapidement céder la place à l’action. Une intensification de la crise européenne dans les semaines qui viennent aurait naturellement pour effet d’accélérer ce processus.

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